Naïm Kamal Le document est en anglais. On pouvait y lire: «Depuis sa création en 2012, la conférence Atlantic Dialogues (AD) est devenue un point de rencontre annuel bien établi à Marrakech, réunissant environ 350 hauts responsables, dirigeants d'entreprises, universitaires, personnalités influentes et acteurs de la société civile». Ils en sont à leur septième édition, mais je ne le savais pas. Un peu leur faute: Ils pensaient que c'était mieux de vivre à l'abri des regards en attendant d'atteindre leur critical mass. L'Atlantic Dialogues est la grande messe annuelle de Policy Center for the New South, un organisme en odeur de sainteté avec l'OCP. C'est ce genre de truc où l'on pense, additionne et soustrait à plusieurs en vue de fixer un horizon, par définition une ligne imaginaire qui s'éloigne au fur et à mesure que l'on s'en rapproche. D'où la big immensité de la mission. Cette année, ils étaient 370 intellects de 90 nationalités à se pencher sur Atlantic dynamics: overcoming the choke points. Policy Center ayant acté la langue universelle de l'heure comme outil de travail, les supports médias ont opté chacun pour sa propre traduction. Au Quid, on a préféré « surmonter les points de rupture ». Personnellement, ma préférence est allée à la traduction de Google : « Dynamiques atlantiques : vaincre les étranglements. » Karim El Aynaoui, Managing Director, définit joliment ce bouillonnement des neurones pendant trois jours à Marrakech. C'est le Sud qui rencontre le Nord dans le Sud. Fort probablement dans l'espoir qu'un jour le Sud devienne le Nord du monde. Il a aussi une autre formule : C'est un lieu hanté par « l'esprit de dialogue ouvert, chic et sérieux ». Sérieux. L'ancienne secrétaire d'Etat de Bill Clinton, en apporte le gage ! Madeleine Albright se porte toujours comme un bombardier furtif Northrop B-2. Sauf que Donald Trump pourrait la pousser à l'exil, le second de sa vie. Une boutade à l'américaine qu'elle laisse glisser sans avoir l'air d'y toucher pour donner une idée sur l'ambiance à Washington. Il y avait là aussi un général américain deux étoiles, patron de l'Africacom. Il a déjà à son actif deux guerres, le Golfe et l'Irak et il est dans l'attente de sa troisième à la fois étoile et guerre que Dieu ferait bien d'épargner à l'Afrique. Les Américains sont bien évidement des précurseurs dans ce genre d'exercice. Pour élaborer des rapports sur ce que pourrait être le monde dans un futur prévisible, leur démarche ne diffère pas, mais à une échelle giga, de celle de Policy center. Le président du Conseil National du Renseignement américain qui a pour ossature la CIA, explique dans « Comment sera le monde en 2020 », publié en 2005, qu'ils consultent « des experts du monde entier, organisent des conférences sur cinq continents pour recueillir les points de vue de spécialistes de tous pays sur les perspectives de leurs régions respectives ». Non pas pour prédire ce que sera le monde à une échéance précise, l'avenir reste imprévisible, mais « pour mieux [se] préparer [à ses] défis ». Une approche que le Maroc a bien amorcée avec l'Institut Royal des Recherches Stratégiques. Le concept a essaimé tant bien que mal dans certaines universités. En s'y engouffrant il y a sept ans, le Policy Center a pris une option sur la professionnalisation de cette politique de prévisions. Elle ne peut être toutefois d'un apport certain que si l'ensemble des intervenants se mue en affluents des décisions de l'Etat dans toutes ses composantes, publiques et privées. Toute une culture qui reste à acquérir.