Les participants à la 12è édition du colloque des Finances publiques ont souligné, ce samedi 22 septembre à Rabat, l'importance du rôle de l'Etat comme principal acteur de la réalisation de la justice sociale. Lors d'une table ronde sur « l'Etat acteur de la justice sociale : quelles réalités ? », les intervenants se sont penchés sur le rôle de l'Etat à travers deux axes principaux, à savoir « le budget de l'Etat et la justice sociale » et « la fiscalité au service de la justice sociale ». Dans son intervention à cette occasion, le directeur du Budget au ministère de l'Economie et des finances, Fouzi Lekjaâ, a souligné que « les dépenses sociales ne doivent plus être considérées comme des dépenses de compensation, mais comme des dépenses d'investissement ». Ces dépenses, a-t-il poursuivi, permettront de forger les capacités et l'autonomie de l'individu pour qu'il contribue activement au développement de son pays et puisse préserver sa dignité via l'emploi, au lieu de l'aide et de l'assistanat. Lekjaâ a également mis l'accent sur la nécessité de « refonder le mode de production du capital humain, le libérer des inégalités par le renforcement des capacités des citoyens, autour d'une ambition commune », dans la perspective d'aboutir à un modèle de développement humain durable porté par l'innovation, le savoir et la culture. L'éducation doit servir de socle à ce modèle de développement, a souligné le responsable, ajoutant qu'un intérêt particulier doit être accordé à trois axes qui sont l'école (le renforcement de l'offre et l'amélioration des conditions de scolarité), les ressources humaines (l'amélioration de la formation et des conditions de travail) et la pédagogie (le renforcement des capacités d'analyse et de recherche, de la formation par alternance, des filières professionnelles et des langues, et l'introduction des technologies de l'information). Par ailleurs, Lekjaâ a passé en revue l'évolution historique de la relation qui existe entre le Budget de l'Etat et le concept de la justice sociale au Maroc, rappelant les différents programmes et réformes mis en places, notamment dans les domaines de l'éducation, de la santé et de la lutte contre les disparités territoriales et sociales. De son côté, Omar Raissouni, inspecteur des finances, a fait observer que la fiscalité joue un rôle primordial dans la réalisation de la justice sociale, puisqu'elle établit une interface entre le citoyen et l'Etat. « Le mode de gouvernance de la fiscalité impacte d'une manière très forte le citoyen et sa confiance vis-à-vis des pouvoirs politiques », a-t-il noté. Selon lui, il existe trois niveaux d'injustice en matière fiscale. Le premier niveau a trait à la non-conformité fiscale qui se reflète dans l'importance du secteur informel, le nombre important de défaillants en matière de déclaration et paiement (371.655 lettres de relance envoyées en 2017), le nombre important d'entreprises déficitaires (près des deux tiers) et la concentration des recettes de l'IS et de l'IR. Concernant le deuxième niveau, il se rapporte à l'injustice dans le dispositif législatif lui-même qui se caractérise par l'importance des dépenses fiscales, la base et le barème de l'IR concentrant la charge fiscale sur les revenus du travail et des classes moyennes, étant donné que les tranches du barème de l'IR s'échelonnent entre 30.000 et 180.000 DH par an et le taux marginal de 38% démarre dès le revenu de 180.000 DH, a expliqué Raissouni. Il est aussi question d'incohérence du barème progressif IS et barème IR, d'abattements à la base plus importants pour les revenus fonciers que pour les revenus salariaux (40% contre 20% avec plafonnement), de faiblesse des déductions pour charges de famille, ainsi que de neutralité non encore assurée pour la TVA et de profusion de taxes de nature parafiscale. Pour ce qui est du troisième niveau, il concerne l'injustice découlant de l'action de l'administration, a ajouté l'inspecteur des finances, citant à cet égard le pouvoir d'appréciation de l'administration qui est encore insuffisamment encadré et la persistance des cas d'absence de réponse ou de réponse avec retard aux réclamations des contribuables. Pour sa part, Laure-Alice Bouvier, avocate au barreau de Paris et docteur en droit, a expliqué que la fiscalité tient une place centrale dans les transformations des sociétés. « C'est pourquoi un retour sur les questions liées à la fiscalité, et plus particulièrement sa relation avec la justice sociale, s'avère crucial », a-t-elle jugé, soulignant que le rapport entre la fiscalité et la justice sociale comporte deux enjeux majeurs. Le premier enjeu concerne la définition même de la justice fiscale, et conduit à s'interroger sur l'égalité devant l'impôt, tandis que le deuxième enjeu a trait à l'utilisation de la fiscalité pour mieux redistribuer la richesse, a expliqué Mme Bouvier. Pour elle, afin de clarifier les liens entre fiscalité et justice sociale, « il faut nécessairement mettre en perspective l'impôt avec deux grandes conceptions de la justice qui sont la justice distributive et celle redistributive ». Ce colloque de deux jours est organisé à l'initiative du ministère de l'Economie et des finances, en partenariat avec l'Association pour la Fondation internationale de Finances Publiques (FONDAFIP) et avec le soutien de la Revue française de Finances Publiques (RFFP). Les débats s'articulent autour de trois grands axes, à savoir « les enjeux des finances publiques au regard de la justice sociale », « les nouveaux acteurs notamment les collectivités territoriales, les institutions de l'économie sociale et solidaire, les entreprises » et « l'avenir de la justice sociale et les points de vue et stratégies des institutions internationales en termes de renforcement de la justice sociale et d'intégration communautaire des Etats ».