« On ne peut donner que deux choses à ses enfants: des racines et des ailes », dit le proverbe. Ce sont deux fondamentaux qu'ont su si bien ancrer, depuis longtemps, les Marocains de confession juive dans l'esprit de leur progéniture. Aujourd'hui, l'attachement de cette communauté à ses racines reste fort, comme le montrent, en différentes occasions, les juifs marocains du monde. Leur amour pour la mère-patrie transcende tous les clivages et défie tous les populismes. Yehuda Lankry est l'une des figures de proue du monde médiatique en Israël. Son histoire personnelle est l'une des meilleures illustrations de l'attachement des juifs marocains du monde à leurs racines. Né en 1947 à Bejjaâd, il n'avait que 14 ans quand il a dû quitter le Maroc avec ses parents qui ont choisi de s'établir en Israël. « Je pleurais à chaudes larmes le long du voyage parce que j'étais parti sans avoir rien dit à mon meilleur ami à propos de notre départ. Ce regret m'a marqué à vie », confie Y. Lankry à un collègue qui l'a rencontré à Tel-Aviv. L'histoire ne se termine pas là. Plusieurs années après son départ, Yehuda Lankry n'a oublié ni la terre de sa naissance ni son meilleur ami musulman. Mais en voulant reprendre contact avec ce dernier, il a appris qu'il avait rendu l'âme en laissant derrière lui des enfants en bas âge. Sans la moindre hésitation, il est revenu au Maroc et est allé directement chez la famille du défunt. Depuis, il est devenu le « père » protecteur des enfants de son ami. Il leur a financé leurs études et veille toujours sur eux. Cette histoire, émouvante, comme bien d'autres, montre que ni l'éloignement ni l'usure du temps parviennent à rompre les liens des juifs marocains vivant en Israël ou ailleurs avec leurs origines. Les Marocains du Maroc sont agréablement surpris à chaque fois qu'ils voient, à travers les réseaux sociaux, des membres de la diaspora judéo-marocaine revenir au bercail, de contrées aussi lointaines que les USA ou le Canada, en chantant l'hymne national ou la célèbre chanson patriotique «Sawt Al Hassan Inadi». Certains internautes du pays ne manquent pas non plus d'exprimer leur émerveillement en partageant des chansons du répertoire classique national qui sont reprises par des chanteurs juifs d'origine marocaine, dont la célèbre Neta Elkayam. «Ces marques de l'attachement pour le Maroc des juifs vivant en Israël ou ailleurs, qu'on voit sur YouTube notamment, ne sont une surprise que pour les Marocains musulmans. La communauté juive d'ici et d'ailleurs reste très attachée à ses racines et donc à son héritage culturel», souligne Zhor Rehihil. Pour la conservatrice du Musée du judaïsme marocain de Casablanca, ce sont juste les réseaux sociaux qui ont permis de faire découvrir au monde entier ce qui fait partie, en réalité, de la vie de tous les jours de la diaspora judéo-marocaine. Do you speak Darija ? L'autre marque de l'attachement des juifs d'origine marocaine à leur marocanité est la parfaite maîtrise de la darija ou le tamazight. «J'ai l'occasion de rencontrer régulièrement au Musée des jeunes juifs d'origine marocaine qui viennent d'Europe, des Etats-Unis ou du Canada et qui parlent parfaitement darija plutôt que français ou anglais. Quand on leur pose la question, leur réponse est que leurs parents leur parlent darija à la maison. En Israël, ils apprennent bien sûr l'hébreu et l'anglais, mais à la maison, ils parlent darija ou tamazight, selon la langue que parlent les parents, voire les grands-parents», témoigne Zhor Rehihil. Cette dernière ajoute qu'il y a une part du Maroc dans toutes les maisons et les propriétés (hôtels, restaurants ou autres) des « Marocains juifs qui vivent en Israël », comme elle préfère les qualifier. Et la conservatrice d'ajouter : « Leur salon est marocain comme la décoration intérieure, leur cuisine est marocaine aussi. Ils préservent tous les symboles du savoir-vivre marocain. Ils ont un mode de vie marocain. Les portraits de Mohammed V, de Hassan II et de Mohammed VI sont souvent accrochés, en bonne place, sur les murs ». L'inébranlable attachement des « Marocains juifs vivant en Israël » ou ailleurs ressort également de leur prise de position dès qu'il s'agit de questions concernant, de près ou de loin, le Maroc. Surtout quand il s'agit de la cause nationale. On voit, par exemple, certains parmi eux, Gad El Maleh en tête, afficher le drapeau national sur leur profil Facebook, comme le font de nombreux marocains d'ici et d'ailleurs lors des célébrations de l'anniversaire de la Marche verte. Les Hiloula sont aussi des occasions pour les juifs marocains du monde de célébrer leur marocanité dans la liesse. Ce sont là les meilleures réponses aux populistes.