Une délégation américaine en visite officielle à Tunis, conduite par les responsables du ministère des affaires étrangères, de l'agriculture, du commerce et du trésor, a débouché sur un accord exemptant quelque 5000 produits tunisiens de droits de douane. La rencontre, qui a eu lieu les 10 et 11 mars, a porté sur les négociations concernant l'Accord-cadre sur le commerce et l'investissement (TIFA), un processus en cours d'élaboration entre les deux pays, dont les premiers jalons ont été posés. Suite à la signature de l'accord en octobre 2002, le Conseil s'est réuni à deux occasions en 2003 et 2005 dans le cadre de sa mise en oeuvre. La réunion de ce mois-ci représente une avancée majeure pour les relations avec les Etats-Unis. En effet, le nouveau statut accordé par le Système américain de préférences généralisées (GSP) fournit aux exportateurs tunisiens la possibilité d'avoir librement accès au marché américain, ce qui s'avèrera profitable pour le pays. Cette initiative est un pas supplémentaire vers un accord de libre-échange entre les deux pays. Le vice représentant américain au commerce pour l'Europe et le Moyen Orient, Shaun Donnelly, a déclaré à la presse que la création d'une zone de libre-échange intégral entre la Tunisie et les Etats-unis était un objectif à long terme. Néanmoins le ministère des affaires étrangères reste modéré dans ses propos, affirmant que « peu de progrès ont été réalisés dans le cadre de la mise en oeuvre des réformes nécessaires à la réalisation d'un accord de libre-échange entre les Etats-Unis et la Tunisie. » A l'occasion d'une table ronde qui s'est tenue à Tunis en avril dernier, Moudher Zenaidi, le ministre tunisien du commerce et de l'artisanat, a souligné la volonté tunisienne de développer ses relations commerciales, tout en reconnaissant qu'il restait du chemin a faire. « Nous sommes conscients que l'accès au marché américain nécessite un effort supplémentaire de la part des producteurs tunisiens, au niveau des normes, du changement des habitudes de production des exportateurs tunisiens », a-t-il dit. Les pays voisins, en l'occurrence le Maroc, la Jordanie, Bahrein et Oman, ont une mesure d'avance sur la Tunisie puisqu'ils ont déjà signé des accords de libre-échange avec les Etats-Unis. Selon Halim Mazouz, expert en économie, un accord de libre-échange avec les Etats-unis serait très important pour l'économie tunisienne. Néanmoins, il a fait part de ses inquiétudes face à la possibilité de voir les négociations retardées : « Si la mise en place d'un partenariat avec l'Union européenne a pris plus de 10 ans, l'on peut se demander combien de temps il faudra pour un accord avec les Etats Unis», a-t-il dit. Les échanges commerciaux entre les Etats-unis et la Tunisie se sont élevés à 802,4 millions de dollars en 2007, dont les exportations ont représenté 183,4 millions de dollars et les importations 619 millions de dollars, selon l'institut national des statistiques. Ainsi, le volume des échanges, qui était de l'ordre de 350 millions de dollars en 2003, a plus que doublé. Par contre, selon les données publiées par le bureau de recensement américain, les échanges se sont élevés à 861 millions de dollars en 2007, affichant un excédent commercial de 54,6 millions de dollars en faveur de la Tunisie. Les marchandises qui bénéficient actuellement du système préférentiel sont le concentré de tomate, la bijouterie, l'huile d'olive, et certains produits artisanaux. Si les négociations commerciales avec les Etats-Unis perdurent, la Tunisie est par contre à l'avant-garde de l'intégration économique au sud de la Méditerranée avec l'UE depuis son intégration réussie dans la zone de libre-échange Euromed en janvier dernier. Les échanges commerciaux avec l'Union européenne représentent 80% du total des exportations tunisiennes, et bien que la mise en uvre des réformes tarifaires préalables à l'entrée dans la ZLE Euromed aient pris plus d'une décennie, la Tunisie est néanmoins le premier pays du sud de la Méditerranée à avoir intégré la zone. En effet, la Tunisie est l'un des seuls pays à avoir répondu à l'appel à la formation d'une Union Méditerranéenne. En octobre 2007, le président Zine El Abidine ben Ali s'est prononcé en faveur du projet proposé par le président français Nicolas Sarkozy, affirmant que la Tunisie contribuerait à définir la portée et les objectifs d'une telle union. Les syndicats tunisiens, notamment l'Union tunisienne de l'industrie, du commerce et de l'artisanat (UTICA) et le Mouvement des entreprises de France (MEDEF), ont également plaidé en faveur du projet. La nouvelle union devrait être officialisée au cours d'une réunion à Paris le 13 juillet prochain. Néanmoins, à l'occasion d'un sommet européen la semaine dernière, la chancelière allemande Angela Merkel est parvenue à saper le projet de Sarkozy. Mme Merkel, à la tête d'un bloc composé principalement de nations nord européennes, s'est prononcée contre l'idée de voir les participants à la nouvelle union limités aux seuls pays riverains de la Méditerranée, par crainte de voir la France utiliser les fonds européens pour étendre son influence en Afrique du Nord. La proposition initiale, qui prévoyait la création de neuf nouvelles agences et d'une banque, a été modifiée au profit d'une réunion des chefs européens et méditerranéens et de la création d'un petit secrétariat. En effet, les analystes ont suggéré que l'Union sera absorbée dans la Politique de voisinage européen de 2004, devenant ainsi la nouvelle égide du processus. La Tunisie n'a pas encore réagi face à ces nouveaux développements. Dans tous les cas, sa politique d'intégration à l'Union européenne est une véritable réussite. La Tunisie a reçu plus de 2 milliards d'euros sous forme de prêts et de dons depuis la signature de l'accord d'association avec l'Union européenne en 1998, et connaît une croissance de l'investissement direct étranger, qui représente actuellement 7% du produit intérieur brut, ce qui place la Tunisie au quatrième rang des pays du Moyen orient et d'Afrique du Nord. Quelle que soit la finalité du débat au sein de l'Union européenne sur la proposition d'une Union méditerranéenne, la Tunisie est amenée à jouer un rôle de premier plan dans cette nouvelle entité.