Ahmed Charaï Les manifestations, entamées depuis jeudi 28 décembre 2017 en Iran, interpellent. Elles ont commencé à Machhad, ville provinciale et néanmoins seconde ville en termes de population après Téhéran. Mais depuis, ces manifestations se sont étendues à 40 villes. La répression, une vingtaine de morts et un millier d'arrestations, ne réussit pas à éteindre l'incendie. Les manifestations pro-régime ont peu d'effets et sont aux limites contre-productives. Le mouvement de contestation iranien a plusieurs caractéristiques nouvelles. Il est d'abord provincial, il est jeune, il est essentiellement concentré sur des questions économiques, enfin il n'a aucun lien avec les jeux politiques entre prétendus modernistes et conservateurs du régime des mollahs. En Iran, le taux de chômage national atteint 12%, celui des jeunes 20%. Chaque année, le système scolaire iranien délivre des centaines de milliers de diplômes de masters, sept cent mille, selon certains. Or l'économie, dominée par le secteur public, ne peut pas proposer autant d'emplois. Mais il ne faut pas s'arrêter aux raisons économiques. Les jeunes refusent la schizophrénie qui leur impose des règles rigoristes qu'ils ne partagent pas. Plusieurs documentaires ont révélé que les jeunes iraniens ont juste envie de vivre comme les autres. C'est donc tout le système des mollahs qui ne tient plus. On ne construit pas une nation autour d'une forme de messianisme et d'interdits. La jeunesse, sans leader, porte ce message en Iran. Le plus important est la présence, importante, des femmes dans ces cortèges. L'Occident est perturbé face à cette rébellion, et c'est un euphémisme. En 2009, les manifestations en Iran avaient un caractère démocratique, contestant les résultats des élections. L'Europe et les USA, occupés par la crise financière et le sauvetage des banques, ont considéré qu'il s'agissait d'un problème interne au régime et n'ont soutenu les contestations que du bout des lèvres. C'était une erreur gravissime. L'actuel mouvement n'a pas de chef, s'appuie sur des revendications matérielles, contre la cherté de la vie, pour l'emploi. Le pouvoir des mollahs ne peut pas répondre à ces revendications, dans le contexte des sanctions et de la baisse des prix des hydrocarbures, tout en maintenant les différents efforts de guerre dans la région. La société iranienne démontre qu'elle n'en peut plus de ce corsetage. C'est à l'Occident de trouver les moyens de soutenir les aspirations du peuple iranien. La pression diplomatique, économique, est nécessaire et utile. Mais il ne faut pas alimenter le discours des mollahs qui stigmatise les opposants, comme « agents de l'ennemi ». La répression peut aboutir, la rébellion peut s'étendre, nul ne connait l'issue de cette rébellion. Mais rien ne sera plus comme avant en Iran. Ce ne sont plus des luttes à l'intérieur du système, entre modérés et conservateurs ou prétendus tels, mais une partie du peuple contre le système, les mollahs ne peuvent plus régner comme avant le 28 décembre 2017.