Les professionnels marocains de la pêche n'ont pas été longs à réagir au rejet par le Parlement européen de la proposition de prorogation de l'accord de pêche. Réunis au sein du Collectif Pêche et développement durable, ils estiment que «les arguments avancés dans le rapport de Carl Haglund, la référence d'appréciation des eurodéputés, démontrent les limites de l'accord et des ses retombées sur le Maroc». Ayant bien analysé l'accord et ses conséquences, le Collectif s'oppose de manière explicite à «toute reconduction de l'accord en ses termes actuels» et rejette «toute négociation d'un nouvel accord s'inscrivant dans la même philosophie». Pour autant, le Collectif pense que le Maroc et l'UE peuvent renégocier dans le sens d'une meilleure satisfaction du marché européen et d'un meilleur développement du secteur de la pêche au Maroc. Le Collectif vise en fait un autre type d'accord qui dépasse la simple extraction des ressources halieutiques. Pour Mohamed Allalou, secrétaire général de la Confédération nationale de la pêche côtière au Maroc (CNPCM), il ne sert à rien de «s'en tenir à un accord qui nous a porté préjudice et qui, de l'aveu même des Européens, a montré ses limites ». Mohamed Benkirane, de la CGEM, s'est référé au droit de la mer qui stipule que les accords de pêche ne portent que sur les reliquats. Or, précise-t-il, le Maroc «n'a plus de surplus à donner. Il est en train de donner ce qu'il n'a pas ». «Nous sommes pour un partenariat avec l'UE, mais d'égal à égal et qui prenne en considération les intérêts des Marocains», a précisé Abderrahmane El Yazidi, secrétaire général du Syndicat national des officiers et marins de la pêche hauturière. Pour les professionnels, les objectifs d'un nouvel accord peuvent être mieux atteints avec de nouvelles relations basées sur «l'investissement européen dans la valorisation des produits de la mer et le développement industriel en aval (chantier naval, équipement, matériel de pêche...)». L'investissement est ainsi considéré comme l'unique moyen pour atteindre 4 objectifs majeurs : sauvegarder les intérêts ainsi que les ressources halieutiques du Maroc ; développer le secteur ; créer de la valeur ajoutée pour la population proche de l'industrie de la mer et générer une nouvelle source de devises, améliorant ainsi la balance des paiements. Par ailleurs, il est utile de signaler que la fin de l'accord ne signifie aucunement la cessation de toute collaboration entre le Maroc et l'UE. Pour le rapporteur de la commission, «la collaboration avec les autorités marocaines a été extrêmement satisfaisante». Il fallait donc chercher l'origine du problème ailleurs. La Commission l'a trouvé et a conclu que «les problèmes que pose cet accord ne sont pas imputables au pays partenaire mais bien à l'accord lui-même». Néanmoins, le rapport signale bien quelques insuffisances, notamment l'inefficacité de sa contribution au développement du secteur au Maroc. Ainsi, la commission a noté que la clause de l'emploi n'a pas été respectée côté marocain, avec la création de seulement 170 postes, soit 0,04% du nombre des marins-pêcheurs du pays. Par contre, les navires de l'UE ont parfaitement respecté cette clause mais n'ont pas respecté celle de débarquement obligatoire, empêchant l'industrie locale d'apporter une valeur ajoutée. La commission qui s'est intéressée à l'impact sur les ressources nationales a pu déterminer que cinq espèces ont été surexploitées : le merlu commun, le pageot acarné, le poulpe, les crevettes roses et l'encornet. Quatre autres espèces ont été pleinement exploitées (le pagre, le dente à gros yeux, la dorade, le diagramme burro). D'où la question : les navires de l'UE respectent-ils le principe de ne pêcher que les espèces en excédent ? «Nous sommes en train de réévaluer notre partenariat global avec l'Union européenne.» Zakia Driouech, Directrice de la pêche maritime et de l'aquaculture. Entretien réalisé par f-z jdily L'Observateur du Maroc. L'accord de pêche Maroc-Union européenne a été bloqué par les eurodéputés alors même qu'il avait déjà été reconduit par les Etats. Pourquoi selon vous ? Zakia Driouech. Nous avons tous été surpris par cette décision qui a été prise lors du vote du Parlement européen, surtout qu'il faut rappeler que la prorogation de ce protocole s'est faite suite à la demande de la partie européenne. C'est donc suite à cette demande que le Maroc a accepté de proroger cet accord pour permettre à la flotte européenne de poursuivre ses activités dans les eaux marocaines. Nous sommes d'autant plus surpris que, le 22 novembre 2011, la commission pêche de l'UE a voté en faveur de ce protocole. Ils ont parlé de possibilités de retour aux négociationx. Est-ce que cela veut dire que ce blocage n'est pas définitif? Aujourd'hui, c'est un souhait de la partie européenne puisqu'en même temps que le rejet, ils ont voté une motion pour ouvrir d'autres négociations. Nous ne pouvons pas nous prononcer aujourd'hui. Et comme l'a souligné le communiqué des Affaires étrangères, nous sommes en train de réfléchir, de réévaluer notre partenariat global avec l'Union européenne. Ce qui est sûr c'est que nous sommes en train de développer le secteur de la pêche et nous allons poursuivre notre stratégie, avec nos propres moyens. Nous avons des objectifs très clairs à atteindre : la préservation de la ressource, la valorisation de ces ressources et la mise à niveau et la modernisation de tout le secteur halieutique. Si même après les renégociations le blocage est considéré comme étant définitif, que pourraient être les pertes pour le budget de l'Etat ? L'enveloppe budgétaire, comme vous le savez, n'est pas très importante par rapport à tous les efforts budgétaires qui ont été consentis par l'Etat pour mettre à niveau et moderniser ce secteur. La décision du parlement européen aura-t-elle des conséquences sur le marché marocain ? Pour moi, nous avons un secteur de la pêche qui a son propre marché, qui a sa propre stratégie, qui a ses moyens et comme cela a été annoncé dans le communiqué du département des Affaires étrangères nous allons mettre à niveau et poursuivre le renforcement et le développement du secteur avec nos propres ressources.