Enfin une action à mettre au bilan de Benyamin Netanyahu ! Le Premier ministre israélien s'est avéré impuissant à faire la paix ou la guerre avec ses voisins. Il a laissé filer la colonisation et s'enliser toutes les négociations avec les Palestiniens. Mais il restera dans l'histoire d'Israël comme celui qui permit que Guilad Shalit ressorte de la tombe. C'est un caporal au visage d'adolescent qui avait été kidnappé à l'été 2006. Le sergent que relâchent ses geôliers du Hamas porte dans les yeux cette lassitude commune à tous les prisonniers : il semble vieilli prématurément. Est-il le seul ? En l'espace de cinq ans, le monde qu'il va retrouver a basculé. Comme on pouvait s'y attendre, c'est au Caire que le marchandage a été conclu, avant d'être accepté à Damas et annoncé à Beyrouth. Chacun semble ainsi dans son rôle, le même depuis des décennies. Les apparences sont trompeuses. Au nord, le Liban a subi une guerre supplémentaire dont le principal résultat fut d'installer le Hezbollah en position de force au point de dicter sa loi à tous les partis politiques. Le parti de Dieu tenait déjà l'Etat en respect, il tient dorénavant tous les Libanais en joue. La peur qu'on ressent à Beyrouth montre qu'une forme d'exception libanaise a vécu. A Damas aussi, un monde s'efface. En 2005 déjà, le régime syrien vivait en quarantaine, résistant à la pression internationale. Il semble maintenant condamné à une forme d'exil intérieur, détesté et combattu par des pans toujours plus larges de la population. Comme le bunker alaouite se lézarde, Khaled Mechaal, le chef du Hamas, envisage de quitter Damas pour rallier Le Caire. En offrant aux généraux égyptiens l'occasion de parader, il facilite son prochain déménagement. L'armée garde en effet le premier rôle en Egypte aujourd'hui comme il y a cinq ans. Mais elle a quitté les coulisses pour l'avant-scène. Tel un paravent qu'on replie, le clan Moubarak a été liquidé. Les militaires se retrouvent sous les feux de la rampe pour répondre à l'impatience des Egyptiens qui réclament plus de liberté, plus d'indépendance, plus de droits. L'état-major est pressé de passer la main aux civils sans être assuré que ses manœuvres lui permettront de sauvegarder ses privilèges. Le succès de la négociation autour de Guilad Shalit est mis à l'actif du général Mourad Mowafi qui a repris le fardeau de son prédécesseur, le général Souleimane. Il tombe à point pour redorer le blason d'une institution, unanimement décriée après le massacre en début de semaine de manifestants chrétiens au Caire. La victoire appartient au Hamas. Il prétend avoir démontré que face à l'occupation, seule la force paie. Plus de mille palestiniens, considérés comme des héros de la cause, vont retrouver leurs familles. Plus de 300 condamnés à perpétuité vont recouvrer la liberté. Le constat est implacable: avec un seul kidnapping, la guérilla a obtenu davantage que tous les négociateurs de l'autorité palestinienne qui s'escriment depuis l'élection de Barack Obama à faire scrupuleusement la volonté de Washington sans rien arracher aux gouvernements israéliens. Les satisfécits que Mahmoud Abbas a obtenu des instances internationales n'ont pas ralenti la colonisation, ni amélioré le sort des 6 000 prisonniers palestiniens qui croupissent dans les geôles israéliennes. C'est une leçon redoutable à méditer. Khaled Mechaal en a déjà tiré la leçon en laissant entendre que son organisation devrait recommencer pour arracher les 5 000 autres palestiniens à leur prison… Avis à l'armée israélienne ! Si elle veut rester fidèle à sa tradition qui prétend que jamais elle n'abandonne un combattant aux mains de l'ennemi, il va lui falloir, au choix, être plus prudente, mieux renseignée ou plus efficace pour délivrer ses otages. Rayez les mentions inutiles. En payant une rançon au prix fort, que lui reprochent les plus radicaux des colons et les familles des victimes d'attentats, le Premier ministre Netanyahu a tranché un dilemme moral. Il n'en aurait pas eu, et il n'y aurait pas de polémique politique, si les services spéciaux avaient été plus efficaces.