Pour les organisateurs, le tamazight est réputé comme étant une langue essentiellement orale. Jusqu'à récemment, son écrit était réservé à l'initiative de quelques chercheurs invétérés, de nationalités différentes, qui rédigeaient dans des langues et graphies diverses leurs écrits, peu accessibles au grand public. Mais à présent, le tamazight a son alphabet, le tifinagh, reconnu internationalement par l'organisation internationale ISO-unicode. Et huit ans après le lancement du processus de promotion du tifinagh dans les nouvelles technologies par l'Institut royal de la culture amazighe (IRCAM), la langue amazighe est désormais informatisée sur différents supports (ordinateurs, édition, développement…). «Il était temps d'inclure l'une des ‘‘dernières écritures''. C'est aussi l'occasion de rendre hommage aux hommes et aux femmes qui ont travaillé dans l'anonymat, mus par le seul intérêt scientifique ou de préservation de cette richesse» précise Aicha Bouhjar, directrice du Centre d'aménagement linguistique (CAL). C'est déjà gagné… Le tifinagh dans les NTIC En 2004, le tifinagh est homologué par Unicode et ISO 10646. En collaboration avec des institutions nationales et internationales (SNIMA, consortium Unicode, ISO…), l'IRCAM lance du coup des projets de recherche visant à informatiser à la langue tout en la rendant accessible. Désormais, toutes les conditions sont réunies pour encourager le passage de l'oral à l'écrit. Pour Youssef Ait Ouguenguay, coordonnateur du Centre des études informatiques, des systèmes d'information et de communication à l'IRCAM, l'institut ne lésine pas sur les moyens pour fortifier la présence de l'amazigh dans le document numérique. D'ailleurs, des publications de recherches sont déjà disponibles sous formats numériques comme des CD-Rom interactifs, des sites web éducatifs ou encore des produits multimédias. Basé sur le système de reconnaissance universel Unicode, exploitable pour n'importe quelle forme d'écriture et permettant le traitement typographique des langues complexes, le tifinagh a désormais plusieurs logiciels du clavier pour différents systèmes. D'ailleurs, de grands fabricants internationaux ont travaillé sur la langue amazighe comme Microsoft (Ebrima à partir de Windows 7), Graphemica (la suite dejavu), Monotype corporation (support d'affichage sur les mobiles) et autres polices amazighes du monde libre (MPH Damase, Sony Sketch…). Le coordonnateur ajoute que si l'IRCAM continue ses recherches pour la promotion de la langue amazighe (site de l'institut en tifinagh, accès à Google, moteur de recherche amazighe de l'IRCAM…), le tifinagh a besoin davantage de promotion pour le rendre accessible au grand public. «Une participation active est nécessaire pour la création du contenu amazigh sur les différents supports (Internet, GSM…)» souligne-t-il. Le tifinagh à l'école Le Centre de la recherche didactique et des programmes pédagogiques (CRDPP) de l'IRCAM a pour mission principale d'entreprendre la recherche dans le domaine de la didactique et d'élaborer des programmes pédagogiques devant permettre l'introduction de l'amazigh dans le système éducatif. Pour aboutir à cette réalisation, le CRDPP est chargé notamment d'élaborer les programmes et les actions de formation par la recherche (stages, séminaires, journées d'études et rencontres), des plans d'actions pédagogiques, des programmes de formation destinés aux formateurs, en langue et culture amazighes, l'installation d'outils pédagogiques pour l'enseignement de la langue et la culture amazighes en exploitant les possibilités offertes par les nouvelles technologies de l'information dans ce domaine. Huit ans après l'intégration de la langue amazighe dans la Charte nationale de l'éducation et de la formation, le CRDPP a réalisé une étude évaluative du niveau des élèves de l'enseignement primaire en matière de tifinagh. Un échantillon de 1100 élèves de différentes villes du Maroc a participé à cette étude. Issus d'écoles publiques et privées, ces élèves de 2e année du primaire ont passé des tests à l'oral et à l'écrit. C'était également l'occasion de voir la place que peut occuper le tifinagh avec l'arabe et le français. Les premiers résultats sont généralement positifs. «La plupart des élèves ont réussi les tests oraux et écrits. L'écriture de l'alphabet tifinagh ne pose aucun problème. Le seul hic est le vocabulaire qui reste encore pauvre. Dans ce cas-là, c'est le niveau de l'enseignant qui est mis en cause» explique Benaissa Ichou, du Centre de la recherche didactique et des programmes pédagogiques. Ce à quoi Ahmed Boukouss, directeur de l'IRCAM, répond : «L'institut a déployé beaucoup d'efforts pour que l'amazigh devienne une langue officielle comme l'arabe. Maintenant, il est temps que la formation et l'enseignement soient à la hauteur». Tout est clair.