Dire que le climat s'est détraqué est un lieu archi-commun. La météo, on l'aura remarqué, n'en fait plus qu'à sa tête et le commun des gens ne peut plus jurer de rien sur les prévisions du temps qu'il fera sur le très court terme. En dehors des spécialistes et des professionnels opérant dans l'agriculture, bien malin qui pourrait prédire, en effet, à quoi ressemblera la saison d'été qui s'annonce. Car cette année, on l'aura remarqué, les précipitations ont été non seulement tardives, mais inégales au plan régional, intéressant massivement des contrées et ignorant d'autres. Une «normalité» vis-à-vis de laquelle les populations urbaines ont fini par développer une quasi-indifférence, mais qui détermine le quotidien, voire la survie d'autres populations paysannes qui vivent avant tout de la terre. Et sans pluie, évidemment, hommes et bétail sont gravement menacés. Alors que le mois de juin vient de commencer, le ciel est passablement bleu au-dessus du Royaume mais de gros nuages continuent de déverser des quantités impressionnantes de pluies sur les plaines du Gharb, du Tensift, du pré-Rif, du Souss… Le citadin n'apprécie peut-être pas toujours ce décalage de saison, mais à la campagne les fellahs perçoivent ces précipitations tardives comme une sorte de bénédiction. De fait, les prémices de l'actuelle campagne agricole 2010-2011 s'annoncent plutôt bien, selon les agriculteurs. Et même très bien grâce à cet arrosage massif sur les régions qui sont traditionnellement les plus sensibles aux aléas climatiques. Même si beaucoup de fellahs déplorent des pertes, parfois importantes, occasionnées par cet excès de précipitations. Exemple de certaines céréales, comme le blé tendre et le blé dur ainsi que certaines variétés de légumineuses dans les plaines du Haouz, de la Chaouia et de Doukkala, classiquement considérés comme de véritables greniers régionaux, mais où les pluies massives ont, ces dernières semaines, pourri les moissons avancées. Revalorisation du prix référentiel Le déséquilibre pluviométrique est structurel au Maroc et les effets en sont catastrophiques, on ne le répètera jamais assez... Tandis que de larges zones non-agricoles, en particulier dans le Souss et dans le Haut Atlas, sont inondées d'eau, des régions entières à vocation agricole, comme dans l'Oriental, connaissent parfois des pointes de déficit hydrique. Mais les fellahs, un peu partout, veulent voir dans ces pluies inégales et tardives un signe du ciel. Petits cultivateurs comme gérants de grandes exploitations agricoles bénissent, en effet, la pluie et tout ce qui vient avec ! Pour eux, l'actuelle campagne céréalière s'annonce sous de très bons auspices. L'Etat vient d'ailleurs de fixer pour cette année un prix référentiel de 290 DH le quintal, rendu moulin, pour le blé tendre. C'est mieux que lors de la précédente campagne agricole où ce prix était de 280 DH. Evidemment, sur les grands volumes, il y aura de quoi faire avec une marge pareille. Tant mieux pour les fellahs!