Lorsque l'ancien président égyptien Hosni Moubarak a été obligé de céder le pouvoir, le 11 février 2011, ceux qui connaissent ces régions pressentaient que la province orientale de la Libye, qui vit pratiquement à l'heure égyptienne, allait, à son tour, connaître un «printemps arabe». Mais on imaginait aussi que les Libyens auraient plus de difficultés à se débarrasser de Mouammar Kadhafi, dictateur mégalomane qui règne en maître depuis 41 ans sur son pays, que les Tunisiens de Ben Ali ou les Egyptiens, de leur raïs. Avec raison. Certes, cinq jours - et 230 morts, sans compter les centaines de blessés - ont suffi aux contestataires de la Cyrénaïque, à l'est du pays, pour devenir maîtres de leur région tombée comme un fruit mûr. La répression fut terrible - on a tiré à l'arme lourde sur les manifestants dans Benghazi - mais l'armée et la police ont fini par quitter la cité. Certains de leurs éléments sont passés du côté des manifestants. A la frontière de l'Egypte, cette province, dont Benghazi est la capitale, a toujours été frondeuse. Elle n'a jamais accepté la tutelle de Tripoli et encore moins celle du Guide. C'est là que furent créés des maquis islamistes dans les années 80 et 90. C'est dans la prison de Benghazi, la ville ne l'a pas oublié, qu'en 1996, le colonel Kadhafi fit assassiner 1200 prisonniers politiques. Il y avait là des islamistes, des baasistes, des libéraux, des démocrates… et tout simplement des opposants à la dictature du colonel Kadhafi. C'est tout naturellement dans cette ville où l'on parle «égyptien» que le 15 février, des jeunes, via Internet et facebook, ont, pour la première fois, appelé à manifester contre le régime. L'Histoire était en marche. Le reste de la Libye a suivi. Syrte, la ville natale du Guide s'est enflammée à son tour - et serait tombée selon certaines informations. Tripoli, pourtant étroitement protégée par la barrière de sécurité élevée par les comités révolutionnaires et les nombreux services de renseignements, a été touchée par la contestation. Mais contrairement à la Tunisie ou à l'Egypte, le pouvoir libyen ne connaît qu'une seule réponse : une répression aveugle et insensée. Kadhafi a envoyé ses avions bombarder des quartiers de la capitale. On a tiré à partir d'hélicoptères sur des manifestants civils. Ce régime, qui est un empilement de services de sécurité dirigés principalement par Moatassine, le quatrième fils du Guide, et contrôlés en dernier recours par Kadhafi qui tient tout en mains, ne peut jouer qu'à quitte ou double. Ben Ali, certes dictateur, ou Moubarak, autocrate vieillissant, n'ignoraient ni les conséquences pour eux-mêmes ni pour leur pays, d'une éventuelle répression aveugle. Kadhafi, dictateur fou qui se veut un nouveau Prophète, est hors de la planète monde, hors de la communauté internationale. Il ne peut que tuer en imaginant qu'il sauvera son pouvoir. Sa fin semble programmée. On voit mal quel pays accepterait de l'accueillir. Les bruits sur son départ au Venezuela ont vite été démentis par Hugo Chavez. Comme d'autres dictateurs avant lui, le colonel finira probablement assassiné par l'un de ses gardes du corps. La question: combien fera-t-il encore de morts ? Après une semaine de soulèvement, le chiffre de huit cents victimes est avancé. Un massacre.