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La réforme BCG rejetée
Publié dans L'observateur du Maroc le 28 - 01 - 2011

Ambiance tendue dans les couloirs du colloque national de la pharmacie à Marrakech, les pharmaciens viennent d'apprendre par voie de presse le contenu de la proposition finale du ministère de la Santé concernant la reforme des structures des prix des médicaments. Une reforme inspirée des recommandations du rapport commandé par le ministère au bureau d'études Business Consulting Group (BCG). «Le ministère cherche à nous ruiner», proteste Walid Amri, président du syndicat des pharmaciens de Casablanca. Pour lui comme pour l'ensemble de ses collègues, la «situation financière est tellement fragile qu'on ne pourra pas supporter une telle reforme. Hélas, nous ne disposons pas de 12 millions de dirhams pour commander une étude au BCG pour prouver cette situation», ajoute W. Amri
Front uni contre Baddou
La Fédération nationale des syndicats des pharmaciens du Maroc (FNSPM), l'Association marocaine de l'industrie pharmaceutique (AMIP), l'Association marocaine du médicament générique (AMMG), l'Association marocaine des distributeurs pharmaceutiques (AMDP) et Maroc innovation santé (MIS) qui représentent les laboratoires internationaux, se sont réunies le 25 janvier 2011. Ces différentes structures ont publié un communiqué conjoint où elles se disent «préoccupées, profondément inquiètes et soucieuses, non seulement d'améliorer l'accès aux médicaments mais d'en garantir la pérennité, la sécurité et l'indépendance en approvisionnement, en demandent à Madame la ministre de surseoir à la mise en application de toute reforme qui découle dudit rapport et d'ouvrir d'urgence un débat avec tous les responsables du secteur pour trouver une solution objective et pérenne». Quel est le contenu de cette reforme qui suscite autant de réactions chez l'industrie que chez les pharmaciens?
Abderrahim Hamdoune, président du Syndicat des pharmaciens de Marrakech, estime que «la situation des pharmaciens est critique et c'est un problème universel et non pas seulement national. Il n'y a qu'à voir la situation en France en ce moment. L'Etat marocain veut faciliter l'accès aux médicaments mais cela doit se faire dans le cadre d'un deal win-win».
Contenu de la reforme
L'objectif principal de la reforme Badou-BCG est la promotion des médicaments génériques. Le ministère veut passer de 29% à 50% de taux de pénétration des génériques. Pour y arriver, le droit de substitution sera donné aux pharmaciens. Un texte de loi est en cours de préparation dans ce sens. En contrepartie, les marges des officines seront revues à la baisse concernant les médicaments princeps et au lieu de 30% actuellement, elle pourra baisser à 5% pour les médicaments vendus à plus de 500 DH. En revanche, la marge des ventes des génériques sera revue à la hausse. Au lieu de la marge fixe, le ministère propose des marges de 30% pour les médicaments de plus de 150 DH, 45% pour les prix entre 70 et 150 DH et 50% pour les produits à moins de 70 DH. En somme, plus le prix sera élevé plus la marge sera réduite, avec un avantage à vendre des génériques. La réforme concerne aussi le contrôle de la présence des pharmaciens et des sanctions dans le cas contraire, ainsi que le strict encadrement des promotions faites aux pharmaciens par l'industrie pharmaceutique.
Un benchmark se prépare au Portugal, en France, en Arabie Saoudite et en Espagne et comparera leurs tarifs à ceux pratiqués à 4478 produits vendus au Maroc.
Cette proposition que les pharmaciens doivent discuter et trancher d'ici le mardi 2 février 2011 est «une vraie catastrophe. Si on applique ces mesures notre chiffre d'affaires (CA) baissera inéluctablement. Pour une pharmacie qui fait 900.000 DH, elle perdra 270.000 en une année ! Le souci de l'accès aux médicaments, nous le vivons chaque jour dans nos pharmacies» constate Kamal Belhaj, président de la FNSPM.
La grève pour commencer ?
Si cette réforme voit le jour, l'industrie pharmaceutique, et spécialement les laboratoires étrangers, vont subir un coup dur. Ali Sedrati, président de l'AMIP sort ses griefs. «Si on adopte ces mesures copiés très rapidement par un bureau d'étude sur ce qui se fait en France, on va subir beaucoup de dégâts. Ces marges progressives ont nui aux pharmaciens en France et l'industrie de l'hexagone a connu un énorme recul en termes d'innovation, même que plusieurs laboratoires étrangers ont dû quitter ce pays suite à ces mesures», prévient-il. Pour cet industriel, ces mesures sont argumentées sur des schémas théoriques et des benchmarks incomparables au Maroc. «On nous dira que le marché va croitre de 10% par an alors qu'en réalité la croissance ne sera que de 2%», explique-t-il. Ce secteur est stratégique, il est une fierté pour le pays. Avec un circuit de distribution digne des pays européens, il joue un rôle socio-économique important», rappelle-t-il. A. Sedrati, qui a été secrétaire général du ministère de la Santé, estime que «ces mesures ne vont pas élargir l'accès à la santé, il y a tellement d'autres facteurs qui doivent changer pour améliorer l'accès aux soins». Il rappelle que le chiffre d'affaires mondial de l'industrie pharmaceutique est de 800 milliards de dollars, la moitié étant consommée aux Etats-Unis, 30% en Europe, 25% Asie, japon inclus. L'Afrique ne consomme que 1.3% ! En d'autres termes, 80% de la population mondiale n'a pas accès aux médicaments». La consommation en Europe est de 500 à 600 euros /personne, «au Maroc on n'est même pas à 40 euros/personne. La couverture sociale est totale en Europe, dans le reste du Maghreb, ils ont atteint 80%, au Maroc nous sommes à peine à 20%. Les deux tiers des dépenses de santé au Maroc sont supportés par les citoyens marocains et la part du PIB consacrée aux médicaments est de moins de 5%, alors que l'OMS préconise un minimum de 10%. Donc, devant ces chiffres, l'accès aux médicaments reste utopique. Le souci actuel du ministère est légitime, mais nous sollicitons d'être entendus sur cette question», demande A. Sedrati. Pour K. Belhaj, porte-parole des pharmaciens, «l'étude du BCG ce n'est pas sacré. Nous allons la discuter et décider ce que nous allons faire. Nous n'avons jamais versé dans le mercantilisme, nous sommes des gens responsables», conclut-il.
Côté propositions, les pharmaciens préconisent de libéraliser les produits de conseil, «cela ne fera de mal à personne qu'un Humex coûte 60 DH au lieu de 22 DH, et ceci nous permettra de réduire les prix sur les médicaments chers» et les pharmaciens proposent un forfait par boite comme en France. Un nouveau feuilleton ne fait que commencer, les pharmaciens comme l'ensemble de l'industrie commencent leur lobbying. Le bureau fédéral des pharmaciens propose trois jours de grève, pour commencer...


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