La bataille aura duré douze jours. Douze jours de guerre de tranchées entre des adversaires aux positions irréconciliables. Mais l'honneur est sauf. Cancun a effacé Copenhague. Début décembre, les 193 pays présents au Mexique ont remis sur les rails le processus de lutte contre le réchauffement de la planète et la déforestation. Il était temps, c'était la seizième conférence de l'ONU et celle de la dernière chance après le fiasco de Copenhague en 2009 sur la négociation relative au climat. On peut tirer plusieurs enseignements de cette modeste victoire. Le premier, Cancun a redonné une légitimité à l'ONU sur ce dossier. Il n'était pas évident de parvenir au consensus de 193 pays sur un sujet aussi brûlant. Les détracteurs de la machine onusienne, et d'un accord sur le climat, tels les Etats-Unis, tentaient d'en profiter pour imposer des cénacles plus restreints comme le G20 voire un cadre bilatéral. La clé du succès pour la très efficace présidente mexicaine de la conférence - elle est ministre des Affaires étrangères - fut de recourir à la magie des «formules ambiguës», selon la formule d'un observateur. Restera ensuite à affiner les décisions. Deuxième enseignement : l'affirmation des pays émergents devenus une force de propositions. Ils ont été les plus déterminés à remettre en route le processus onusien. La Chine et l'Inde ont abandonné les positions de blocage qui étaient les leurs à Copenhague. New Delhi s'est dit prêt, dans le principe mais pas encore dans la pratique, à signer un accord juridiquement contraignant en matière de lutte contre les gaz à effet de serre. Contrairement à Copenhague, les pays africains ont parlé d'une même voix. Troisième enseignement : le blocage vient encore des pays riches. Les Etats-Unis sont, avec la Chine, un des rares pays à avoir refusé de signer le processus de Kyoto de 1997 qui oblige à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Ils n'ont pas changé d'un iota leur position ; l'Europe était paralysée par la nécessité de trouver un consensus entre les 27; la Russie et le Japon refusent de prolonger le protocole de Kyoto qui expire en 2012. Ce protocole est, en fait, le seul traité légalement contraignant. Il fixe à ses signataires des objectifs chiffrés en matière de réduction d'émission des gaz à effets de serre (GES) : maintenir le réchauffement climatique à 2° de plus qu'avant l'ère industrielle. Concrètement, puisque ni les Etats-Unis ni la Chine (aujourd'hui le plus gros pollueur de la planète) n'ont signé Kyoto, les pays signataires ne représentent que 30% des émissions de GES du monde. Il reste beaucoup à faire après Cancun. Certes, on y a décidé de la création par les pays riches d'un «fonds vert du climat» de 100 milliards de dollars par an à partir de 2020 géré par la Banque Mondiale, pour aider les pays les plus pauvres. Mais il n'y a pas eu d'accord sur son mode de financement. Des promesses ont été faites en matière de déforestation (c'est l'équivalent d'un pays comme la Grèce qui disparaît chaque année), dans le domaine des transferts de technologie au Sud. Bref, c'est l'esquisse de la boîte à outils pour la lutte contre le changement climatique qui a été tracé. La conférence de Durban (Afrique du Sud), en 2011, devra lui donner corps.