Ruby, «una marocchina» pour le plus puissant des Casanova Tous les médias italiens se l'arrachent. Suspendus à ses lèvres charnues, à l'affût de la moindre de ses déclarations, accrochés à ses formes éloquentes, quémandant une révélation sensationnelle, une pose lascive, un sourire coquin. Du haut de sa juvénile et insolente beauté, «Ruby la marrocchina» fera-t-elle tomber le gouvernement de son puissant protecteur, fragilisé par des scandales de corruption et des luttes intestines ? Jamais en tout cas une show-girl n'a ainsi fait trembler Il Cavaliere, à l'heure où ce dernier fête ses 74 ans dans une conjoncture morose, plombée par les manifestations populaires contre son plan d'austérité. Presque autant que le séisme d'Aquila et ses 308 morts, et que Noemi Letizia, la nymphette napolitaine qui a charmé l'épicurien Président du conseil transalpin et causé son divorce avec Veronica Lario en avril 2009, Ruby a réussi à secouer durablement l'atmosphère du Palazzo Chigi, siège romain de la présidence du conseil. Est-ce pour ses origines «exotiques»? Est-ce parce qu'elle elle était mineure au moment des faits? Probablement les deux à la fois. Ruby, elle, continue à confier son amertume du tort causé par ses déclarations: «J'admire Silvio et je ne peux que dire du bien de lui. Grâce à lui, j'ai évité de terminer dans la rue ou d'être obligée de faire un boulot indécent. Je voudrais lui dire merci du fond de mon cœur, vous êtes un gentleman, quel dommage que les gens ne sachent pas qui vous êtes vraiment», a-t-elle déclaré dans un de ses entretiens. Ce qui ne l'empêche pas de monnayer «ruby» sur l'ongle ses interviews piquantes et photos aguicheuses aux journaux de tous bords. La bimbo promet même la sortie prochaine d'un livre sur son histoire et ses «amours» avec Silvio, un «uomo di cuore» (un homme de cœur), comme il aime se définir lui-même : «Je suis un homme bon, un homme de cœur. Cette fille m'a raconté avoir eu une vie difficile. Je l'ai aidée, comme j'aide quiconque entre en contact avec moi, quand je le peux», a commenté en substance le président du Conseil italien lors de sa dernière réunion de travail à Naples. Avant d'ajouter quelques jours plus tard à Bruxelles à l'issue du Conseil européen, comme pour justifier son goût démesuré pour la nouba : «Je suis une personne joyeuse, j'aime la vie et j'aime les femmes. Je mène une existence terrible, travaillant jusqu'à deux heures et demie du matin pour me lever à sept heures. Si de temps à autre, je ressens le besoin d'une soirée pour me détendre, à mon âge, personne ne me fera changer de style de vie». Le fondateur de Forza Italia n'a pas nié avoir reçu Ruby chez lui et être intervenu pour la libérer, mais réfute, comme elle, avoir eu un quelconque rapport sexuel avec la jeune marocaine. Il se défend en outre d'avoir offert des cadeaux à cette dernière, déclarant qu'il a juste demandé à son assistante de la mettre sous tutelle pour la protéger. Les dessous d'un scandale Mais que reproche-t-on au juste à Berlusconi dans le Rubygate? Et qui est cette fameuse Ruby ? Cette sulfureuse affaire remonte au 27 mai 2010. Arrêtée pour avoir subtilisé 3000 euros à sa colocataire, Ruby, récidiviste dans la petite délinquance, est libérée quelques instants à peine après le début de son interrogatoire. Et ce sur appel téléphonique du Président du Conseil italien en personne, qui assure au chef de la police milanaise que la jeune immigrée est la nièce du président égyptien Hosni Moubarak. C'est Nicole Minetti, 25 ans, ex-danseuse adorée du Cavaliere devenue son assistante, et membre du Conseil régional de Lombardie, qui vient la chercher au commissariat. L'élue demande sa tutelle, afin qu'elle ne soit pas renvoyée dans un centre pour mineurs. Accordée. Ruby refuse d'habiter chez Minetti et revient à son domicile. Une semaine plus tard, la police l'arrête à nouveau, mais rejette cette fois-ci la demande de tutelle d'un autre prestigieux intervenant, Lele Mora, l'agent des étoiles du show-bizz transalpin. Les jours suivants, alors que se poursuit l'investigation pour vol, Ruby confie à la police milanaise avoir participé à des soirées «olé olé» à Arcore, dans la résidence privée de Silvio Berlusconi près de Milan, en compagnie d'une dizaine de jeunes filles. A la Saint-Valentin, le 14 février 2010, elle aurait ainsi assisté, sans y participer, au «Bunga Bunga», un mystérieux rituel sexuel inspiré d'une pratique du leader libyen Mouammar Kadhafi. Une sorte «d'orgie anale», croit savoir la presse à scandales italienne. Sa dernière rencontre avec le chef du gouvernement aurait eu lieu lors d'un souper en compagnie de Georges Clooney et de sa compagne Elisabetta Canalis. Ruby affirme par ailleurs avoir reçu en 3 mois l'équivalent de 150.000 euros de cadeaux de la part de «Papounet» comme le surnommait Noemi Letizia. Entre autres présents, une robe Valentino, 5000 euros en liquide, une rivière de diamants et une voiture de sport. La jeune fille reconnaît avoir menti à Berlusconi sur son âge, prétendant avoir 24 ans. Mais que sait-on au juste sur cette petite Marocaine qui agite depuis plusieurs semaines la scène politique et médiatique italienne ? Moi, Karima, 14 ans, future starlette Ruby, Karima El Mahroug de son vrai nom, quitte le Maroc pour l'Italie en 2003. Alors âgée de 11 ans, Karima s'établit avec ses parents dans une petite cité balnéaire de Sicile, Letojanni. L'adolescente s'ennuie à l'école, elle rêve de gloire, de paillettes, de bling-bling et d'argent facile. A 14 ans, Karima fait une première fugue, avant d'être confiée par les services sociaux à un foyer d'accueil à Messina, en Sicile toujours. Elle s'enfuit de nouveau, avant d'être retrouvée par la gendarmerie de Badolato dans une discothèque de la petite ville calabraise, puis replacée dans un centre pour mineurs. Nouvelle fugue, réussie cette fois-ci, à Milan. Avec son corps de féline, ses yeux de biche, ses lèvres gourmandes, sa peau de bronze et ses cheveux de jais tombant en cascade sur ses reins cambrés, Ruby, du nom de scène qu'elle s'est choisi, est renversante de sensualité. Chaque soir, sous les yeux interloqués de ses colocataires, elle rentre avec des liasses de billets. Elle multiplie les petits boulots en petite tenue dans les chaudes nuits de la capitale lombardienne, tour à tour escort-girl, hôtesse d'accueil ou gogo danseuse. Mais la bimbo marocaine, qui rêve d'une carrière dans le monde du spectacle, a des ambitions plus grandes. Lors d'un concours de beauté télévisé, elle se fait remarquer par Emilio Fede, journaliste et directeur de TG4, une des chaînes de télévision de l'empire audiovisuel des Berlusconi, Mediaset. C'est lui et Lele Mora qui l'auraient présentée au président du Conseil italien, alors qu'elle n'avait que 16 ans. Le duo serait également derrière l'organisation des folles soirées d'Arcore avec des jeunes femmes rémunérées 5000 euros la nuit pour leurs services. La suite de l'histoire est connue. Le scandale éclatera six mois après l'arrestation de Karima Mahroug, lorsque la police décide de placer Lele Mora et Emilio Fede en examen pour proxénétisme. Aux dernières nouvelles, la justice italienne a rejeté les accusations d'abus de fonction contre le chef du gouvernement, mais décidé de poursuivre Emilio Fede, Lele Mora et Nicole Minetti pour «incitation à la prostitution de mineure». A ce jour, Silvio Berlusconi, au plus bas dans les sondages, dénonce «un coup monté» par des adversaires politiques «incapables d'arriver au pouvoir». Appelé à la démission par la gauche, hué par l'opinion publique, réprimandé par l'église catholique, le dirigeant italien, éclaboussé par plusieurs affaires de mœurs similaires, s'est fait porter un nouveau coup de canif à sa réputation avec le Rubygate, confirmant sa renommée de Casanova aux us mafieuses. Mais si certaines des conquêtes du Cavaliere sont parvenues à se faire nommer à des postes de responsabilité au sein de son parti “Le Peuple de la Liberté”, sans la moindre compétence politique, Karima Mahroug, elle, n'en demande pas tant. Son «italian sugar daddy» lui a, malgré lui, offert le statut de starlette dont elle rêvait depuis son Casablanca natal. Et ça suffit à faire son bonheur.