Mahmoud Ahmadinejad, le très populiste et provocateur président iranien, peut être satisfait de sa visite officielle au Liban. Elle est un succès. Il a fait grincer des dents aux Israéliens et aux dirigeants des pays arabes de la région qu'il méprise tant. Car ces derniers ne sont guère ravis de voir un chef d'Etat chiite se faire applaudir sur leurs terres. L'Iranien au visage émacié, bête noire des Occidentaux, a été reçu à bras ouverts au Liban. En particulier au sud, la région chiite où les liens historiques, religieux et culturels sont étroits avec l'Iran. C'est sous l'influence de religieux venus du Liban qu'autrefois l'ancienne Perse serait devenue chiite. Aujourd'hui, le Hezbollah, même s'il se dit libanais, reçoit l'aide financière et militaire de l'Iran. Ses militants sont entraînés par les Gardiens de la révolution (pasdaran). C'est aussi Téhéran qui a financé pour un milliard de dollars la reconstruction des villages du sud Liban bombardés par Tsahal lors de la guerre israélienne de l'été 2006. Mahmoud Ahmadinejad a nargué et inquiété Israël en se rendant à quatre kilomètres de sa frontière nord. C'était le but recherché. Le visiteur faisait d'une pierre deux coups. Il montrait à ses supporters que l'Etat hébeu ne lui faisait pas peur et il obtenait un retentissement médiatique extraordinaire. Du travail d'artiste. Dans la foulée, le président iranien qui cultive depuis plusieurs années sa popularité parmi les populations sunnites du Proche-Orient (en se proclamant le seul défenseur des Palestiniens), montrait que l'Iran pouvait désormais compter au Liban autant que les Etats-Unis, la France, voire la Syrie avec laquelle Téhéran est désormais en concurrence directe. «Rien ne peut désormais arriver au Liban sans le feu vert de l'Iran», tel est le message délivré par Ahmadinejad. Son voyage avait aussi un autre objectif : redorer son blason sur la scène intérieure iranienne. Politiquement, le Président iranien est fort malmené depuis sa réélection trafiquée de juin 2009. Une bonne partie de la population rêve de changer de régime. Si elle s'accommode du système religieux, elle refuse le poids grandissant des Gardiens de la révolution et leur système policier. L'actuel Président est un des leurs. Nombre de mollahs le rejettent, car les Gardiens de la révolution contestent leur pouvoir et souhaitent qu'ils se soucient moins de politique et plus de religion. Les deux-tiers des grands ayatollahs du pays se sont prononcés contre Mahmoud Ahmadinejad. Economiquement enfin, le président est devenu le bouc émissaire de la mauvaise santé économique du pays. Les sanctions imposées par le Conseil de sécurité et durcies par les Etats-Unis et l'Europe, pour obliger l'Iran à abandonner son programme nucléaire, a de sérieuses conséquences sur la marche du pays. Un rapport de la Banque centrale remis à l'ayatollah Ai Khamenei, en septembre, évoquerait la possibilité d'un effondrement financier du pays. C'est peut-être excessif, mais le secteur pétrolier (les trois-quarts des rentrées en devises), est particulièrement touché. Obligé de choisir entre leurs intérêts en Iran et aux Etats-Unis, de grandes sociétés ont suspendu leurs investissements. Le succès au Liban d'Ahmadinejad lui permet de montrer qu'il n'est pas un homme seul et qu'il a su étendre l'influence de l'Iran, de Beyrouth à Bagdad.