Il y a cinq ans encore, nombreux étaient ceux qui refusaient de prendre au sérieux la menace du terrorisme islamiste au Sahara. Ces vastes immensités désertiques ont toujours été parcourues par des bandes rebelles, des trafiquants de tous acabits, incontrôlables et incontrôlés, faisait-on valoir. Que certains groupes aient, depuis, fait allégeance à Al-Qaida, ne semblait pas devoir transformer ce désert en nouvel Afghanistan. Exact. Les katibas (groupes armés de quelques dizaines d'hommes) qui se revendiquent d'Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) ne regrouperaient actuellement que 450 à 500 hommes. Mais leur nombre s'accroît : ces « fous de Dieu » du désert n'étaient qu'une centaine, il y a peu encore et ils recrutent aujourd'hui dans toute la zone sahélienne. Et parce qu'ils ont déclaré la guerre à l'Occident impie, ils ne laisseront plus en paix ni les Etats qui les abritent contraints et forcés, ni les voyageurs occidentaux qui se risquent dans ces contrées. Michel Germaneau, 78 ans, humanitaire français enlevé en avril au Niger où il avait fondé une ONG, n'est que leur dernière victime. En juillet 2009, son ravisseur, Abou Zeïd, chef d'une katiba liée à l'AQMI, avait déjà revendiqué l'assassinat d'un otage britannique, Edwin Dyer. Peuvent-ils pour autant, devenir une menace sérieuse pour les Etats de la région ? Les responsables français ne craignent pas tant des prises de pouvoir par les islamistes qu'une déstabilisation lente de régimes incapable d'assurer leur sécurité sur l'ensemble de leur territoire. Paris a donc décidé de les aider à combattre l'AQMI. La semaine passée, alors que la Mauritanie affirmait qu'Al-Qaida s'apprêtait à lancer, fin juillet, une offensive contre son territoire, quelques militaires de la DGSE (les services français), participaient aux côtés de l'armée mauritanienne à une attaque contre une base de ravitaillement des islamistes en territoire malien. La Mauritanie, le Mali, le Niger se sont accordé un « droit de suite » sur leur territoire respectif pour traquer les katibas islamistes. Paris espérait, à cette occasion, libérer Michel Germaneau. En vain. De son maquis algérien, Abdelmalek Droukbal – de son nom de guerre, Abou Moussab Abdel Wadoud - le chef de l'AQMI, en profitera pour annoncer que Germaneau a été exécuté pour venger les six islamistes tués dans les combats. «Sarkozy a sans aucun doute ouvert l'une des portes de l'enfer pour lui, son peuple et sa nation» a-t-il proféré. Ce n'est pas la première fois qu'il menace de porter le fer en Europe. Il ne semble guère en avoir les moyens. Il est pourtant une évidence : les katibas de l'AQMI ont plusieurs avantages dans ce combat. Le premier est l'immensité d'un désert où les frontières sont incontrôlables pour des Etats trop faibles. Le deuxième est financier. Dans ce Sahara, terre de parcours idéale pour les trafiquants de cigarettes, de drogue (entre l'Amérique latine et l'Europe), d'hommes (migrants clandestins), les groupes armés prélèvent leur dîme dans les territoires qu'ils contrôlent. Un argent utilisé pour se ravitailler en armes. Le rapt d'étrangers leur permet soit d'accroître leur trésor de guerre soit de se faire connaître des Occidentaux faute, dans l'immédiat, de pouvoir frapper en Europe.