Les relations entre le Maroc et la Russie sont très anciennes. Mohamed Ben Abdellah, le Roi réformateur, et la tsarine Catherine ont échangé plusieurs courriers. A l'époque, les deux empires cherchaient la voie vers la modernité et s'inspiraient des idées naissantes en occident. L'histoire a contrarié ces deux projets, mais c'est un fait historique qui a son importance. Le Maroc post-colonial a très vite établi des relations diplomatiques avec l'URSS. Malgré son choix pro-occidental, feu Hassan II a maintenu des relations correctes avec l'URSS et la Chine de Mao. Le Royaume est l'un des pays fondateurs du mouvement des pays non alignés. Brejnev a effectué une visite d'Etat au Maroc alors que la guerre froide battait son plein. Chacun des deux pays a connu sa propre évolution. La Russie a dû dépasser le démantèlement de l'URSS, la chute du mur de Berlin, digérer le retour à un Etat-Nation dans des conditions économiques précaires. Le Maroc s'est engagé sur la voie de la démocratisation et de la modernisation. Mais les deux pays n'ont jamais abdiqué le rôle sur la scène internationale que leur histoire impose, comme une évidence. La visite royale à Moscou s'inscrit dans ce cadre. Celui de deux pays, acteurs essentiels de la scène internationale, très autonomes dans leurs positions, écoutés, scrutés, parce qu'ils sont inscrits dans une logique historique indéniable. Vladimir Poutine, le Président russe, a réussi, après le règne calamiteux d'Eltsine, à imposer la Russie comme un acteur principal sur tous les grands sujets. Son pays est incontournable sur la question de la Syrie, du Proche- Orient, du nucléaire iranien, de la lutte contre le terrorisme. La Russie a une forte communauté musulmane, combat le terrorisme tchétchène depuis 20 ans, et a l'expérience malheureuse de l'Afghanistan. Le Maroc est loué pour son expérience de lutte préventive, sa capacité de résilience grâce au contrôle du champ religieux, son engagement de modernité dans le respect de ses spécificités. C'est un point d'accord entre les deux pays, qui tranche avec celle des chocs de culture et qui est implacable dans la lutte anti-terroriste, ne tombe pas dans les travers des peurs, de l'islamophobie. Les deux pays ont aussi des intérêts économiques et culturels à développer. Le marché russe est intéressant pour l'agriculture et le tourisme marocain. Jusqu'ici, malgré les accords, les résultats ne sont pas mirobolants, malgré le boycott européen, qui a ouvert des possibilités aux exportateurs marocains. Le produit touristique marocain doit s'adapter à une demande russe assez particulière. Cette visite royale sera, sans doute, l'occasion pour booster les relations sur tous ces aspects, les deux chefs d'Etat étant en position de le faire. Il n'y a aucun contentieux entre les deux pays, puisque sur la question du Sahara, la Russie a toujours soutenu l'application de l'article 6, c'est-à-dire la solution négociée. La réussite de la visite est donc assurée. Il restera alors, aux acteurs économiques le devoir de concrétiser les accords.