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Et après, on Ferrat quoi ?
Publié dans L'observateur du Maroc le 26 - 03 - 2010


Il aura vécu en célébrant l’amour et en se révoltant à tue tête. Si cet amour généraliste -sans être général- lui a fait tutoyer nos cœurs, c’est la révolte dont il s’est fait religion qui a marqué une certaine masse, mais certaine. L’auteur de «La Montagne» (1964), sympathisant communiste sans jamais en détenir le moindre maroquin, était, est, et restera l’espiègle le mieux compris. Par son auditoire, mais aussi par ses censeurs. Son «il n’y a pas de sujets tabous, on peut tout dire dans une chanson» lui a valu quelques interventions chirurgicales au temps où l’audiovisuel français faisait son tri avant le déballage. Jean Ferrat, poète, compositeur et interprète, a toujours chanté en militant, milité en chantant. Ses coups de sang, ses revendications, son grand cœur, sa nonchalante détermination…, faisaient de cet incorrigible amoureux de l’apaisement improbable l’un des humanistes les plus rigoureux du siècle dernier. Rares sont ceux qui traduisent la dure vérité de leurs débuts en un champ d’action pour que cesse l’inégalité, le mépris et la souffrance. Ferrat était parmi les personnes qui n’ont jamais oublié. C’est à notre tour de ne pas occulter son combat, mené jusqu’à son dernier souffle et contre sa propre maladie. Lorsqu’il décrète prématurément «la femme est l’avenir de l’homme», l’Occident, machiste récidiviste, opte pour un regard zoologique à l’endroit du visionnaire dérangeant et décalé. C’est avec des mots simples et profonds que Ferrat a conquis son/notre monde en bouleversant l’ordre préétabli. L’étudiant en chimie choisit finalement le poids du verbe à la fumée des entonnoirs. Lui dont le père est exterminé à Auschwitz, lui l’orphelin à onze printemps. Lui qui grandit aux parfums enivrants de sa mère fleuriste, lui qui se rinçait les yeux devant les joailleries de son papa. Ferrat décide alors de se venger an apprivoisant cette arme redoutable qu’est la poésie, la chanson, l’art. Sa tristesse enfouie le guide vers le jazz dont la version mère est (justement) le blues. Les débuts sont catastrophiques, mais Ferrat découvre Louis Aragon auquel il emprunte «Les Yeux d’Elsa» qu’il met en musique en 1956 pour André Claveau. Ferrat trimera encore, jusqu’en 1960 où il sort «La Môme». Ce qui, finalement, le grandit.

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