Constitutionnellement, le Roi est le garant de la marche des institutions. Il est donc normal que l'opposition s'adresse à lui, chaque fois qu'elle pense que l'exécutif rogne sur ses droits ou dépasse ses prérogatives. Mais il faut limiter ce recours aux cas flagrants d'atteinte au fonctionnement des institutions et non pas dans l'intention d'impliquer l'institution monarchique dans des luttes partisanes. Le Roi est l'incarnation de la Nation, située au dessus des luttes partisanes. La constitution précise ce rôle, dans une architecture à la fois habile et rationnelle. Le recours répétitif à l'arbitrage royal va à l'encontre de ces dispositions, dans l'esprit même de la constitution. On l'a déjà vu à deux reprises. D'abord, quand le parti de l'Istiqlal a soumis sa décision de quitter le gouvernement au Roi. La fin de non recevoir signifiait clairement que le Palais ne voulait pas intervenir dans les décisions autonomes des partis politiques. Ensuite, il y a le cas, très subalterne, de savoir si les partis de l'opposition étaient ou non à la base du report des élections. Le communiqué du ministre de l'Intérieur aurait dû mettre fin à cette polémique stérile. En fait, les partis politiques, toutes tendances confondues, jouent avec le feu. Non seulement parce qu'ils en appellent à l'arbitrage royal de manière irraisonnée, mais aussi par la vacuité des polémiques qu'ils entretiennent. Quand Abdelilah Benkirane, secrétaire général du PDJ et chef du gouvernement, s'attaque aux dirigeants de l'opposition individuellement, que ses lieutenants déclarent que les leaders de l'opposition ne peuvent pas résister à Benkirane et qu'ils doivent se soumettre, on n'est pas dans un débat démocratique, cela a même un relent du « fascisme ». à l'inverse, quand l'opposition s'évertue quotidiennement à railler les décisions de l'exécutif, parfois en utilisant des données privées des ministres, cela n'apporte rien à la construction démocratique. Justement, c'est la construction démocratique qui est en jeu. Ce gouvernement est issu d'élections, qui ont fait suite à l'adoption d'une nouvelle constitution. Cela s'est passé dans une période de convulsions appelée le Printemps arabe. Cette réponse avait fondé « l'exception marocaine », et les citoyens y ont largement adhéré. Mais par leur comportement, les partis politiques sont en train de dilapider les bénéfices de cette avancée historique. Les jeunes qui, même sans manifester, étaient attachés aux avancées démocratiques, qui, en grand nombre, ont voté la constitution, n'ont plus confiance dans les institutions. C'est ainsi que les acteurs piègent le système. Il faut sortir de ce cercle vicieux, dangereux, où la lutte partisane impacte le respect des institutions. Cela commence par éloigner le Roi des controverses partisanes, rarement liées au devenir de la Nation.