Ahmed charai Depuis dix ans, il ne se passe pas un semestre sans que le Roi lance un nouveau projet denvergure. Il ne sagit pas deffets dannonce, de projets à étudier, mais de lancement des travaux avec un financement prêt et un timing précis. Ce sont ces travaux qui ont permis un taux de croissance moyen de 5% sur la décennie, ce qui est exceptionnel. Les grands travaux et le logement social ont boosté lactivité économique nationale et tiré vers la performance les autres secteurs. Cependant, pour utiliser une image des chemins de fer, on a limpression que le souverain monte dans un TGV et que le gouvernement en est toujours au train à charbon. Les écoles, les hôpitaux, les routes secondaires ne sont jamais construits à temps. La route entre Tanger et Ksar Sghir sest effondrée aux premières grosses pluies. Les projets de loi, quand ils ne sont pas accélérés par une volonté royale, marchent au pas de tortue. Les réformes annoncées sont toujours reportées. Ainsi en est-il par exemple de celle de la Caisse de compensation. On devait passer à la formule daide directe aux familles nécessiteuses, mais Abbas El Fassi na pu résister aux lobbies et ce malgré une résistance louable de son ministre en charge des Affaires économiques et générales, Nizar Baraka. Cette marche à deux vitesses est dommageable pour les institutions, mais aussi pour le pays. On peut considérer que la monarchie, même exécutive, a besoin dun exécutif performant, qui lui emboîte le pas, adopte son rythme, dans sa quête de développement. Cest une vraie problématique. La démarche démocratique doit-elle prévaloir même quand elle retarde le développement ? Il ne sagit pas de donner des réponses dogmatiques. Le souverain a choisi de prendre sur lui les insuffisances du gouvernement et de porter lui-même le flambeau pour doter le pays des infrastructures quil mérite. Il faut dès maintenant réfléchir aux moyens de doter le pays dun gouvernement politique, mais formé dhommes et de femmes capables de suivre la vitesse imprimée par le Roi. Secteur ferroviaire Le Maroc aura son TGV Fatima-zohra Jdily Le Maroc, pays de 30 millions d'habitants, compte 1.907 km de lignes de chemins de fer, dont 1.537 km à voie unique, construites pour la plupart avant 1956. Voilà qui montre quil reste bien du chemin à faire en matière de chemins de fer dans le pays. Cest ce qui explique aussi la volonté des responsables du secteur de mettre les bouchées doubles pour rattraper le temps perdu dans ce domaine. Il y va du niveau de compétitivité du Maroc comme le confirme Rabie Khlie, directeur général de lONCF : «daprès certaines études, le coût logistique au Maroc aujourdhui est de 20% alors que dans le pourtour méditerranéen il est autour de 16%. Il y a donc des efforts à fournir pour améliorer notre compétitivité économique via la logistique». Doù une nouvelle stratégie nationale devant toucher lensemble des modes de transport. LOffice, en tant quacteur principal du secteur des transports, sest engagé à apporter des solutions à court terme pour léconomie nationale. Les réalisations à ce jour donnent une idée de son trajet. Le nombre de voyageurs transportés par voie ferroviaire est passé de 14 à 30 millions de personnes entre 2005 et 2009. LONCF avait tracé des scenarios dévolution dont le premier a été concrétisé à travers le contrat-programme 2005-2009. Doublement de voies, réaménagement de 40 gares et extensions du réseau ferré ont été les principales nouveautés de ce contrat qui a nécessité une enveloppe budgétaire de 17,2 milliards de dirhams. Au terme de ce contrat, Rabie Khlie, a annoncé que «loffice a réalisé 100% de ses objectifs». «Au Maghreb, nous sommes les premiers en termes de réalisations et de prestations», soutient-il. Loffice ne compte pas sarrêter là. Il lui reste encore beaucoup à faire. Doù le nouveau contrat-programme signé entre lEtat et lONCF en même temps que la convention signée avec le Fonds Hassan II pour le développement économique. Ces nouveaux accords ont pour principale priorité de placer le citoyen au cur du processus de développement, à travers l'amélioration des services et le renforcement du réseau ferroviaire, vu l'attractivité de ce moyen de transport, a expliqué R. Khlie. Aux termes des deux conventions, l'ONCF s'engage à réaliser, sur la période 2010-2015, un investissement total de 33 milliards de DH, dont 20 milliards pour le projet de ligne TGV Tanger-Casablanca. Les 13 milliards de DH restants seront affectés à la réalisation d'un programme de modernisation et de mise à niveau du réseau ferroviaire actuel. Le programme prévoit la mise à niveau et l'augmentation de la capacité de la ligne Casa-Kénitra par le triplement de la voie, l'électrification et la mise à niveau de la ligne Fès-Oujda, de Settat-Marrakech, la poursuite de la modernisation des gares, des installations de sécurité, et l'acquisition et la réhabilitation du matériel roulant. Daprès R. Khlie, la réalisation du TGV émane de la conviction et du choix stratégique visant le développement des chemins de fer et de la rentabilité économique et sociale de ce mode de transport comparativement au train classique. Le TGV Casablanca-Tanger permettra de réduire la durée de transport entre ces deux villes de 4h45 à 2h10, et entre Rabat et Tanger de 3h55 à 1h20. Mieux encore, dès sa mise en service, il permettra d'augmenter le nombre des voyageurs transportés par train à 8 millions au lieu de 2 millions actuellement, étant donné que la capacité sera de 500 places par unité. Enfin, sa rentabilité socio-économique est estimée à 12,6%. Khlie rappelle que la volonté des pouvoirs publics est de ne pas perdre de vue l'activité fret et la logistique qui va avec. Dans ce cadre, la stratégie de lONCF va permettre dans les cinq années à venir de doubler le volume fret actuel et même daller au-delà. Loffice a des stratégies sectorielles pour les céréales, les produits pétroliers et pour les conteneurs. Concernant ce segment, lOffice a déjà initié un projet de réseau de ports secs à travers le pays. Ces structures seront adossées à des zones logistiques qui permettront aux opérateurs économiques deffectuer des opérations à forte valeur ajoutée autour de leur produit. «Tous les projets de lONCF ont un taux de rentabilité socioéconomique très important» Rabie Khlie Directeur général de lONCF. propos reccueillis par F. Z. Jdily LObservateur Maroc Vous venez de signer un contrat-programme avec lEtat. De quoi sagit-il exactement ? Rabie Khlie. Nous avons signé un contrat-programme avec lEtat et une convention avec le Fonds Hassan II pour le financement du train à grande vitesse (TGV) entre Tanger et Casablanca. Le contrat-programme arrête les engagements de lONCF et de lEtat. Il sagit dun contrat-programme couvrant la période 2010-2015, qui sinscrit dans la continuité du contrat-programme 2005-2009, que nous venons de terminer et on peut dire que tous les objectifs fixés ont été atteints, voire même dépassés. Dans le cadre du nouveau contrat-programme, en termes dinvestissement, il sagit dune enveloppe de 33 milliards de DH répartie en deux parties. La première concerne le programme général qui totalise 13 milliards de DH qui vient sajouter aux 18 milliards de DH du programme 2005-2009. Il porte sur la mise à niveau de la ligne Kenitra-Casablanca, avec notamment son triplement afin de répondre à la demande croissante de trafic sur cet axe. Le deuxième axe concerne la mise à niveau et lélectrification de la ligne Fès-Oujda ainsi que lélectrification de la ligne Taourirt-Nador. On peut citer aussi la mise à niveau de la ligne Settat-Marrakech, la poursuite de la construction et la modernisation des gares voyageurs avec le nouveau concept de gare multiservices. LONCF projette également de construire un réseau de plates-formes logistiques avec port sec, et lacquisition et la réhabilitation du parc de wagons, de voitures et locomotives. Concernant la partie TGV, lenveloppe qui lui est consacrée est de 1 milliard de DH pour la période 2010-2015. Le projet porte sur la construction de 200 km de nouvelles lignes grande vitesse double voie sur laquelle le train circulera à 320km/h. La durée du trajet entre Tanger et Casablanca passera à 2 heures une minute et entre Tanger et Rabat à une heure 20 minutes. Le démarrage effectif des travaux est prévu pour juin 2010. On terminera les travaux de génie civil et déquipement ferroviaire fin 2014. La mise en service et lexploitation commerciale sont prévues en décembre 2015 après les tests nécessaires pour ce type de ligne. Quel sera limpact de ces projets sur léconomie nationale ? Cest un ensemble de projets qui créera beaucoup de valeur ajoutée, que ce soit pour la partie transport de voyageurs ou la partie fret. Ces projets créeront de la fluidité et de la mobilité car ils permettront daméliorer le temps du parcours. Il y a aussi un effet positif environnemental car cela permet de réduire lémission de gaz carbonique (CO2) et, bien sûr, une valorisation de limmobilier des zones concernées. Je souligne aussi limpact important de ces projets sur tout ce qui est en lien avec le tourisme. Il faut dire que tous ces projets ont un taux de rentabilité socioéconomique très important. Il y a aussi laspect logistique. Avec le développement de ses réseaux de plates-formes logistiques, avec des ports secs à travers les principales villes, notamment avec la desserte ferroviaire du nouveau port Tanger Med et de Taourit-Nador, lONCF permettra de booster le trafic fret et darriver avec des prestations logistiques à forte valeur ajoutée pour les opérateurs économiques Comment lONCF compte-t-il assurer le financement de tous ces projets ? Justement, et pour parler dune manière globale, aujourdhui, sur les 33 milliards de DH, 40% sont mobilisés entre la capacité de financement de lONCF, la contribution du budget de lEtat et le Fonds Hassan II qui va intervenir pour 1 milliard de DH. Nous avons aussi des prêts concessionnels issus de la Coopération internationale. Tout cela interviendra à hauteur de 40%. Quant aux 60% restants, ils proviendront dune augmentation de capital. Cela va permettre de mobiliser sous forme dendettement les 60% restants. Pour le TGV, nous avons déjà les 4,8milliards de DH du budget de lEtat qui seront répartis en termes de décaissement suivant la durée du projet : 1 milliard de DH du Fonds Hassan II ; un prêt concessionnel français plus un don de 7 millions deuros ; 200 millions deuros de crédit de lAgence française de développement (AFD) et 300 millions deuros comme prêt de lUnion européenne. En ce qui concerne lenveloppe des 13 milliards de DH pour le financement du programme, en général ce sera la partie relative à lautofinancement de lONCF tandis que lautre partie sera couverte par des crédits pris en charge en totalité par lOffice. Est-ce que vous ne risquez pas un surendettement ? Non, dans la mesure où toute la participation de lEtat viendra sous forme daugmentation de capital. En plus, et avec tout ce quon va engager, lONCF maintiendra un ratio dendettement correct par rapport à ce qui se fait dans le secteur. Quattend lONCF pour se transformer en SA, sachant que ce statut lui permettra de mobiliser plus de fonds ? Oui, je dirais quil sagit dun processus qui est dans le pipe. Nous comptons courant 2010 concrétiser cette transformation institutionnelle. France-Maroc Partenariat avancé Rajae Oumalek La coopération internationale est certes un sujet très délicat où interviennent plusieurs considérations souvent pas faciles à concilier. Néanmoins, le Maroc a su établir un équilibre fondé sur les arguments de la concurrence, cest-à-dire ceux-là mêmes utilisés par les pays partenaires. Il a surtout su convaincre. Ainsi, un conseiller du président français pouvait affirmer qu«on ne peut pas penser que la France a droit à tous les contrats parce qu'il y a eu le protectorat. Il n'y a pas de chasse gardée, il faut l'accepter et on l'accepte. On est dans un monde concurrentiel». Chose admise donc. Il est vrai que le passé reste quand même douloureux. La présence militaire française au Maroc a laissé des cicatrices que rien na pu effacer aujourdhui. Et si de part et dautre, on essaie doublier cest tout simplement parce que lavenir compte plus que le passé. Le choix des avions de chasse F16 américains au lieu du Rafale français entre dans le cadre de la mise en concurrence de deux fournisseurs amis et ce nest pas le fait de perdre un marché aussi important qui risque darrêter la coopération. Le Maroc a lancé et lancera encore dénormes chantiers. Le TGV Casablanca-Tanger en est un. Il mobilise 13 milliards de dirhams dont une partie fera lobjet dune coopération avec la France qui vend et installe le train à grande vitesse. Ce projet comme celui impliquant le groupe OCP et Areva pour la recherche dans le domaine de l'extraction de l'uranium à partir de l'acide phosphatique indiquent que la coopération est devenue une sorte de partenariat dans lintérêt des deux parties. Le conseiller du président français le dit si bien en affirmant quil ny a pas de chasse gardée. Maintenant, il faudrait surtout apprendre à chasser ensemble. Mécanismes Le groupe de lAgence française de développement, habilité à intervenir au Maroc depuis 1992, le fait par le biais de plusieurs canaux: lAgence française de développement (AFD), la société de Promotion et de participation pour la coopération économique (PROPARCO), filiale de lAFD dédiée au financement du secteur privé (prêts, octroi de garanties, participations ) et enfin le Centre détudes financières, économiques et bancaires (CEFEB). «Entre 2004 et 2006, répondant à la volonté politique exprimée lors de la 5e rencontre Maroc-France des chefs de gouvernement, les engagements nets de lAFD ont doublé et se sont élevés à 100 millions deuros par an» explique lAFD. Entre 2007 et 2009, ceux-ci ont encore augmenté significativement pour atteindre 715,6 millions deuros, dépassant ainsi ce qui avait été annoncé en décembre 2006. Les engagements nets cumulés du groupe AFD sur ressources propres s'élèvent au 31 décembre 2009 à plus de 1,84 milliard deuros, dont 1,54 milliard dengagements AFD et près de 290 millions deuros dengagements PROPARCO. A ces engagements s'ajoutent deux opérations de garantie d'emprunts obligataires de 228,7 millions deuros et 152,5 millions deuros lancés en 1996 et 1999 par le Maroc sur les marchés financiers internationaux. Au total, les engagements du Groupe au Maroc dépassent aujourdhui 2,2 milliards deuros, ce qui place le pays parmi les premiers emprunteurs du Groupe. «Le Groupe de lAFD apporte également un soutien actif au financement du secteur privé, à travers sa filiale Proparco». Celle-ci intervient sous diverses formes auprès de ses clients, établissements financiers et sociétés industrielles et commerciales : prêts à moyen et long termes en devises au sein de consortiums bancaires, prises de participations directes dans le capital de sociétés ou par lintermédiaire de fonds dinvestissement et garanties de concours bancaires ou démissions obligataires. PROPARCO intervient dans les domaines suivants : soutien au capital investissement, partenariats avec le système bancaire, animation des marchés financiers, financement de grands projets structurants, soutien au secteur de la microfinance