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Impulsion royale
Le Maroc à grande vitesse
Publié dans L'observateur du Maroc le 15 - 02 - 2010


Ahmed charai
Depuis dix ans, il ne se passe pas un semestre sans que le Roi lance un nouveau projet d’envergure. Il ne s’agit pas d’effets d’annonce, de projets à étudier, mais de lancement des travaux avec un financement prêt et un timing précis.
Ce sont ces travaux qui ont permis un taux de croissance moyen de 5% sur la décennie, ce qui est exceptionnel. Les grands travaux et le logement social ont boosté l’activité économique nationale et tiré vers la performance les autres secteurs.
Cependant, pour utiliser une image des chemins de fer, on a l’impression que le souverain monte dans un TGV et que le gouvernement en est toujours au train à charbon. Les écoles, les hôpitaux, les routes secondaires ne sont jamais construits à temps. La route entre Tanger et Ksar Sghir s’est effondrée aux premières grosses pluies. Les projets de loi, quand ils ne sont pas accélérés par une volonté royale, marchent au pas de tortue. Les réformes annoncées sont toujours reportées. Ainsi en est-il par exemple de celle de la Caisse de compensation. On devait passer à la formule d’aide directe aux familles nécessiteuses, mais Abbas El Fassi n’a pu résister aux lobbies et ce malgré une résistance louable de son ministre en charge des Affaires économiques et générales, Nizar Baraka. Cette marche à deux vitesses est dommageable pour les institutions, mais aussi pour le pays. On peut considérer que la monarchie, même exécutive, a besoin d’un exécutif performant, qui lui emboîte le pas, adopte son rythme, dans sa quête de développement.
C’est une vraie problématique. La démarche démocratique doit-elle prévaloir même quand elle retarde le développement ?
Il ne s’agit pas de donner des réponses dogmatiques. Le souverain a choisi de prendre sur lui les insuffisances du gouvernement et de porter lui-même le flambeau pour doter le pays des infrastructures qu’il mérite. Il faut dès maintenant réfléchir aux moyens de doter le pays d’un gouvernement politique, mais formé d’hommes et de femmes capables de suivre la vitesse imprimée par le Roi.
Secteur ferroviaire
Le Maroc aura son TGV
Fatima-zohra Jdily
Le Maroc, pays de 30 millions d'habitants, compte 1.907 km de lignes de chemins de fer, dont 1.537 km à voie unique, construites pour la plupart avant 1956. Voilà qui montre qu’il reste bien du chemin à faire en matière de chemins de fer dans le pays. C’est ce qui explique aussi la volonté des responsables du secteur de mettre les bouchées doubles pour rattraper le temps perdu dans ce domaine. Il y va du niveau de compétitivité du Maroc comme le confirme Rabie Khlie, directeur général de l’ONCF : «d’après certaines études, le coût logistique au Maroc aujourd’hui est de 20% alors que dans le pourtour méditerranéen il est autour de 16%. Il y a donc des efforts à fournir pour améliorer notre compétitivité économique via la logistique». D’où une nouvelle stratégie nationale devant toucher l’ensemble des modes de transport.
L’Office, en tant qu’acteur principal du secteur des transports, s’est engagé à apporter des solutions à court terme pour l’économie nationale. Les réalisations à ce jour donnent une idée de son trajet.
Le nombre de voyageurs transportés par voie ferroviaire est passé de 14 à 30 millions de personnes entre 2005 et 2009. L’ONCF avait tracé des scenarios d’évolution dont le premier a été concrétisé à travers le contrat-programme 2005-2009. Doublement de voies, réaménagement de 40 gares et extensions du réseau ferré ont été les principales nouveautés de ce contrat qui a nécessité une enveloppe budgétaire de 17,2 milliards de dirhams. Au terme de ce contrat, Rabie Khlie, a annoncé que «l’office a réalisé 100% de ses objectifs». «Au Maghreb, nous sommes les premiers en termes de réalisations et de prestations», soutient-il. L’office ne compte pas s’arrêter là. Il lui reste encore beaucoup à faire. D’où le nouveau contrat-programme signé entre l’Etat et l’ONCF en même temps que la convention signée avec le Fonds Hassan II pour le développement économique. Ces nouveaux accords ont pour principale priorité de placer le citoyen au cœur du processus de développement, à travers l'amélioration des services et le renforcement du réseau ferroviaire, vu l'attractivité de ce moyen de transport, a expliqué R. Khlie. Aux termes des deux conventions, l'ONCF s'engage à réaliser, sur la période 2010-2015, un investissement total de 33 milliards de DH, dont 20 milliards pour le projet de ligne TGV Tanger-Casablanca. Les 13 milliards de DH restants seront affectés à la réalisation d'un programme de modernisation et de mise à niveau du réseau ferroviaire actuel. Le programme prévoit la mise à niveau et l'augmentation de la capacité de la ligne Casa-Kénitra par le triplement de la voie, l'électrification et la mise à niveau de la ligne Fès-Oujda, de Settat-Marrakech, la poursuite de la modernisation des gares, des installations de sécurité, et l'acquisition et la réhabilitation du matériel roulant.
D’après R. Khlie, la réalisation du TGV émane de la conviction et du choix stratégique visant le développement des chemins de fer et de la rentabilité économique et sociale de ce mode de transport comparativement au train classique. Le TGV Casablanca-Tanger permettra de réduire la durée de transport entre ces deux villes de 4h45 à 2h10, et entre Rabat et Tanger de 3h55 à 1h20. Mieux encore, dès sa mise en service, il permettra d'augmenter le nombre des voyageurs transportés par train à 8 millions au lieu de 2 millions actuellement, étant donné que la capacité sera de 500 places par unité. Enfin, sa rentabilité socio-économique est estimée à 12,6%.
Khlie rappelle que la volonté des pouvoirs publics est de ne pas perdre de vue l'activité fret et la logistique qui va avec. Dans ce cadre, la stratégie de l’ONCF va permettre dans les cinq années à venir de doubler le volume fret actuel et même d’aller au-delà. L’office a des stratégies sectorielles pour les céréales, les produits pétroliers et pour les conteneurs. Concernant ce segment, l’Office a déjà initié un projet de réseau de ports secs à travers le pays. Ces structures seront adossées à des zones logistiques qui permettront aux opérateurs économiques d’effectuer des opérations à forte valeur ajoutée autour de leur produit.
«Tous les projets de l’ONCF ont un taux de rentabilité socioéconomique très important» Rabie Khlie Directeur général de l’ONCF.
propos reccueillis par F. Z. Jdily
L’Observateur Maroc Vous venez de signer un contrat-programme avec l’Etat. De quoi s’agit-il exactement ?
Rabie Khlie. Nous avons signé un contrat-programme avec l’Etat et une convention avec le Fonds Hassan II pour le financement du train à grande vitesse (TGV) entre Tanger et Casablanca. Le contrat-programme arrête les engagements de l’ONCF et de l’Etat. Il s’agit d’un contrat-programme couvrant la période 2010-2015, qui s’inscrit dans la continuité du contrat-programme 2005-2009, que nous venons de terminer et on peut dire que tous les objectifs fixés ont été atteints, voire même dépassés. Dans le cadre du nouveau contrat-programme, en termes d’investissement, il s’agit d’une enveloppe de 33 milliards de DH répartie en deux parties. La première concerne le programme général qui totalise 13 milliards de DH qui vient s’ajouter aux 18 milliards de DH du programme 2005-2009. Il porte sur la mise à niveau de la ligne Kenitra-Casablanca, avec notamment son triplement afin de répondre à la demande croissante de trafic sur cet axe. Le deuxième axe concerne la mise à niveau et l’électrification de la ligne Fès-Oujda ainsi que l’électrification de la ligne Taourirt-Nador. On peut citer aussi la mise à niveau de la ligne Settat-Marrakech, la poursuite de la construction et la modernisation des gares voyageurs avec le nouveau concept de gare multiservices. L’ONCF projette également de construire un réseau de plates-formes logistiques avec port sec, et l’acquisition et la réhabilitation du parc de wagons, de voitures et locomotives. Concernant la partie TGV, l’enveloppe qui lui est consacrée est de 1 milliard de DH pour la période 2010-2015. Le projet porte sur la construction de 200 km de nouvelles lignes grande vitesse double voie sur laquelle le train circulera à 320km/h. La durée du trajet entre Tanger et Casablanca passera à 2 heures une minute et entre Tanger et Rabat à une heure 20 minutes. Le démarrage effectif des travaux est prévu pour juin 2010. On terminera les travaux de génie civil et d’équipement ferroviaire fin 2014. La mise en service et l’exploitation commerciale sont prévues en décembre 2015 après les tests nécessaires pour ce type de ligne.
Quel sera l’impact de ces projets sur l’économie nationale ?
C’est un ensemble de projets qui créera beaucoup de valeur ajoutée, que ce soit pour la partie transport de voyageurs ou la partie fret. Ces projets créeront de la fluidité et de la mobilité car ils permettront d’améliorer le temps du parcours. Il y a aussi un effet positif environnemental car cela permet de réduire l’émission de gaz carbonique (CO2) et, bien sûr, une valorisation de l’immobilier des zones concernées. Je souligne aussi l’impact important de ces projets sur tout ce qui est en lien avec le tourisme. Il faut dire que tous ces projets ont un taux de rentabilité socioéconomique très important. Il y a aussi l’aspect logistique. Avec le développement de ses réseaux de plates-formes logistiques, avec des ports secs à travers les principales villes, notamment avec la desserte ferroviaire du nouveau port Tanger Med et de Taourit-Nador, l’ONCF permettra de booster le trafic fret et d’arriver avec des prestations logistiques à forte valeur ajoutée pour les opérateurs économiques
Comment l’ONCF compte-t-il assurer le financement de tous ces projets ?
Justement, et pour parler d’une manière globale, aujourd’hui, sur les 33 milliards de DH, 40% sont mobilisés entre la capacité de financement de l’ONCF, la contribution du budget de l’Etat et le Fonds Hassan II qui va intervenir pour 1 milliard de DH. Nous avons aussi des prêts concessionnels issus de la Coopération internationale. Tout cela interviendra à hauteur de 40%. Quant aux 60% restants, ils proviendront d’une augmentation de capital. Cela va permettre de mobiliser sous forme d’endettement les 60% restants. Pour le TGV, nous avons déjà les 4,8milliards de DH du budget de l’Etat qui seront répartis en termes de décaissement suivant la durée du projet : 1 milliard de DH du Fonds Hassan II ; un prêt concessionnel français plus un don de 7 millions d’euros ; 200 millions d’euros de crédit de l’Agence française de développement (AFD) et 300 millions d’euros comme prêt de l’Union européenne. En ce qui concerne l’enveloppe des 13 milliards de DH pour le financement du programme, en général ce sera la partie relative à l’autofinancement de l’ONCF tandis que l’autre partie sera couverte par des crédits pris en charge en totalité par l’Office.
Est-ce que vous ne risquez pas un surendettement ?
Non, dans la mesure où toute la participation de l’Etat viendra sous forme d’augmentation de capital. En plus, et avec tout ce qu’on va engager, l’ONCF maintiendra un ratio d’endettement correct par rapport à ce qui se fait dans le secteur.
Qu’attend l’ONCF pour se transformer en SA, sachant que ce statut lui permettra de mobiliser plus de fonds ?
Oui, je dirais qu’il s’agit d’un processus qui est dans le pipe. Nous comptons courant 2010 concrétiser cette transformation institutionnelle.
France-Maroc
Partenariat avancé
Rajae Oumalek
La coopération internationale est certes un sujet très délicat où interviennent plusieurs considérations souvent pas faciles à concilier. Néanmoins, le Maroc a su établir un équilibre fondé sur les arguments de la concurrence, c’est-à-dire ceux-là mêmes utilisés par les pays partenaires. Il a surtout su convaincre. Ainsi, un conseiller du président français pouvait affirmer qu’«on ne peut pas penser que la France a droit à tous les contrats parce qu'il y a eu le protectorat. Il n'y a pas de chasse gardée, il faut l'accepter et on l'accepte. On est dans un monde concurrentiel». Chose admise donc. Il est vrai que le passé reste quand même douloureux. La présence militaire française au Maroc a laissé des cicatrices que rien n’a pu effacer aujourd’hui. Et si de part et d’autre, on essaie d’oublier c’est tout simplement parce que l’avenir compte plus que le passé. Le choix des avions de chasse F16 américains au lieu du Rafale français entre dans le cadre de la mise en concurrence de deux fournisseurs amis et ce n’est pas le fait de perdre un marché aussi important qui risque d’arrêter la coopération. Le Maroc a lancé et lancera encore d’énormes chantiers. Le TGV Casablanca-Tanger en est un. Il mobilise 13 milliards de dirhams dont une partie fera l’objet d’une coopération avec la France qui vend et installe le train à grande vitesse. Ce projet comme celui impliquant le groupe OCP et Areva pour la recherche dans le domaine de l'extraction de l'uranium à partir de l'acide phosphatique indiquent que la coopération est devenue une sorte de partenariat dans l’intérêt des deux parties. Le conseiller du président français le dit si bien en affirmant qu’il n’y a pas de chasse gardée. Maintenant, il faudrait surtout apprendre à chasser ensemble.
Mécanismes
Le groupe de l’Agence française de développement, habilité à intervenir au Maroc depuis 1992, le fait par le biais de plusieurs canaux: l’Agence française de développement (AFD), la société de Promotion et de participation pour la coopération économique (PROPARCO), filiale de l’AFD dédiée au financement du secteur privé (prêts, octroi de garanties, participations…) et enfin le Centre d’études financières, économiques et bancaires (CEFEB). «Entre 2004 et 2006, répondant à la volonté politique exprimée lors de la 5e rencontre Maroc-France des chefs de gouvernement, les engagements nets de l’AFD ont doublé et se sont élevés à 100 millions d’euros par an» explique l’AFD. Entre 2007 et 2009, ceux-ci ont encore augmenté significativement pour atteindre 715,6 millions d’euros, dépassant ainsi ce qui avait été annoncé en décembre 2006. Les engagements nets cumulés du groupe AFD sur ressources propres s'élèvent au 31 décembre 2009 à plus de 1,84 milliard d’euros, dont 1,54 milliard d’engagements AFD et près de 290 millions d’euros d’engagements PROPARCO. A ces engagements s'ajoutent deux opérations de garantie d'emprunts obligataires de 228,7 millions d’euros et 152,5 millions d’euros lancés en 1996 et 1999 par le Maroc sur les marchés financiers internationaux. Au total, les engagements du Groupe au Maroc dépassent aujourd’hui 2,2 milliards d’euros, ce qui place le pays parmi les premiers emprunteurs du Groupe. «Le Groupe de l’AFD apporte également un soutien actif au financement du secteur privé, à travers sa filiale Proparco». Celle-ci intervient sous diverses formes auprès de ses clients, établissements financiers et sociétés industrielles et commerciales : prêts à moyen et long termes en devises au sein de consortiums bancaires, prises de participations directes dans le capital de sociétés ou par l’intermédiaire de fonds d’investissement et garanties de concours bancaires ou d’émissions obligataires. PROPARCO intervient dans les domaines suivants : soutien au capital investissement, partenariats avec le système bancaire, animation des marchés financiers, financement de grands projets structurants, soutien au secteur de la microfinance…


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