« L'ATEC présente aujourd'hui les grandes lignes d'un mémorandum détaillé élaboré sur la base des conclusions et des principales orientations du futur Code de la famille dévoilées par l'Instance chargée de sa révision, le 24 décembre 2024 et suite à la création d'une commission chargée de la rédaction du projet de loi modifiant et complétant la loi n° 70.03 relative au Code de la famille », explique à L'Observateur du Maroc et d'Afrique Bouchra Abdou, directrice de l'Association Tahadi pour l'égalité et la citoyenneté. La loi à l'épreuve des faits L'une des principales associations féministes ayant longtemps réclamé la réforme de la Moudawana et ayant participé aux concertations de sa refonte, « l'ATEC partage aujourd'hui son avis et sa position sur ces conclusions afin de contribuer à l'amélioration du travail de la commission de rédaction juridique fraichement créée. Notre mémorandum est une contribution à l'élaboration d'un texte de loi directement inspiré de la vie réelle de la famille marocaine, du terrain, des affaires et des cas qui remplissent les tribunaux du Maroc », note de son côté maître Zahia Aâmoumou, avocate, activiste féministe et conseillère juridique de l'ATEC. Un code de la famille garant de l'égalité et de la dignité de toutes ses composantes D'après cette dernière, cette proposition détaillée vise à garantir la rédaction d'un texte équilibré et conforme aux objectifs fondamentaux de cette révision. « A savoir la protection et la promotion des droits des femmes, la préservation de la dignité des hommes et la priorité de l'intérêt suprême de l'enfant. Loin de marginaliser les hommes, nos propositions sont égalitaires, visent à souder la famille et à la protéger dans toutes ses composantes : homme, femme et enfant. C'est justement notre motivation première pour la formulation de ce mémorandum », insiste Bouchra Abdou, en réponse aux détracteurs du nouveau Code de la famille en gestation. 10 points clés En termes pratiques, le mémorandum de l'association aborde onze thématiques centrales, dont la polygamie, le mariage des mineures, la reconnaissance du mariage, le divorce par consentement mutuel, la filiation biologique, la garde des enfants ou encore le partage du patrimoine matrimonial après le divorce. Il traite également de sujets à portée plus générale, comme la spécialisation des juridictions familiales et des ressources humaines en charge, la révision des procédures judiciaires, la facilitation de l'accès à la justice et l'accélération de la numérisation des procédures. Trois revendications « incontournables » sont cependant défendues bec et ongles par les activistes de l'ATEC et qui représente le cœur de ce mémorandum. « Nous insistons sur trois réformes fondamentales : L'abolition définitive du mariage des mineures en abrogeant l'article 20 du Code de la famille. Source de vulnérabilité et de précarité pour les jeunes filles, aucune dérogation à cette interdiction n'est tolérée», réclame Abdou. De son côté Zahia Aâmoumou appelle à l'instauration de l'expertise génétique. « Un droit fondamental pour garantir la filiation et l'égalité des enfants, conformément à la Constitution marocaine et aux conventions internationales ratifiées par le Royaume », argumente l'avocate. Perçue comme un déséquilibre profond au sein de la société, l'ATEC réclame l'interdiction définitive de la polygamie. « Une pratique qui doit être abolie afin d'assurer une égalité réelle entre les époux », soutient la directrice de l'ATEC. Applicabilité Des propositions concrètes pour une réforme effective et surtout pour une application des textes facilitée. « Avec ce mémorandum, nous nous sommes projetés dans la phase « post nouvelle Moudawana ». Nous avons pensé aux modalités d'application du texte légal. Notre action sur le terrain et notre expérience dans les tribunaux, nous ont appris qu'un texte (loi) a beau être bien écrit, il perd de sa force sans les détails et les modalités de son application sur le terrain avec les cas réels », regrette l'avocate. D'après cette dernière, la nouvelle Moudawana devrait s'offrir les moyens de ses ambitions. Un texte inspiré directement inspiré de la réalité marocaine et "facilement" applicable Décryptage ? « Des moyens financiers adéquats et des ressources humaines qualifiées et surtout spécialisées dans la juridiction familiale. Juges, parquet, avocats, assistants sociaux... Trêve de personnel « polyvalent », la nouvelle moudawana a besoin de gens spécialement formés pour bien la porter et lui permettre d'atteindre ses objectifs », indique Aâmoumou. Pour Bouchra Abdou, la mise en application de la nouvelle Moudawana n'est pas l'affaire du seul ministère de la justice. « Le ministère de la santé doit également s'y mettre avec un accompagnement par des cellules psychiatriques et médicales ; pour l'évaluation de l'aptitude psychique et physique des nouveaux époux à la vie conjugale et éviter des mariages qui se soldent au bout de deux mois par le divorce », plaide la directrice de l'ATEC. Responsabilité commune Dans son mémorandum, l'association recommande plusieurs mesures pour renforcer la justice familiale : confier aux adouls l'exclusivité de la documentation des fiançailles dès 18 ans, simplifier les procédures de reconnaissance du mariage pour protéger les droits des enfants, et garantir un cadre juridique plus protecteur au divorce par consentement mutuel. Elle appelle aussi à une égalité parentale en matière de tutelle légale et à la reconnaissance du travail domestique dans le partage des biens. Enfin, Tahadi plaide pour un droit au logement conjugal élargi, notamment en faveur des enfants en situation de handicap ou en bas âge après le décès d'un parent. Convaincue que la réforme du Code de la famille ne peut se faire sans l'implication des acteurs associatifs et des citoyens, l'association s'engage à partager son mémorandum avec les institutions concernées et à le rendre accessible au grand public. « C'est un plaidoyer qui s'inscrit dans une dynamique de changement, où l'égalité et la justice restent au cœur de nos priorités. Nous œuvrons pour l'intérêt de la femme aussi bien celui de l'homme et surtout pour l'intérêt supérieur des enfants », concluent les activistes de l'ATEC.