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Pension alimentaire : Quand la justice devient injuste
Publié dans L'observateur du Maroc le 08 - 07 - 2022


Jetée à la rue
Malika Ouardi a 60 ans. Elle a autant de bleus sur le corps que sur l'âme. La voix tremblante, elle nous raconte son calvaire. « Au bout de trente ans de vie en commun, mon mari a décidé de me chasser de la maison. Le jour de laid mawlid, il m'a cassé quatre dents. Pour laid Al Adha, j'ai eu droit à un visage tuméfié, un œil au beurre noir et une mâchoire cassée. Il refuse depuis un an maintenant de me prendre en charge alors qu'il s'est emparé de toutes nos économies à mon insu », raconte Malika les larmes aux yeux. Un récit triste et une profonde détresse que la violence économique aggrave en poussant cette femme au bout de ses forces.
« Il fait ça en fait pour me priver de mes droits dans l'opération de relogement des locataires du bidonville « Kherbouch » à Sidi Maarouf. Après avoir supporté durant trente ans la vie dans une baraque, il refuse de payer ma pension alimentaire en prétendant être au chômage », ajoute-t-elle la mort dans l'âme. Aveuglé par son avidité, son mari la jette à la rue sans le sou.
« A la veille de l'Aid, je ne sais pas encore où je vais pouvoir loger. J'ai de la famille mais ils habitent loin à Oulad Âamrane à Doukala et j'ai même pas de quoi payer mon billet de bus », s'exclame-t-elle, incapable de comprendre ce qui lui arrive à cet âge là. « Je veux juste une chose avant de mourir : Justice ! J'ai trimé durant de longues années pour finir ma vie tranquillement. Et finalement je me retrouve à cet âge là au point zéro ! C'est tellement injuste ! », implore-t-elle, la voix affaiblie.
Double divorce
Aicha Swalhi, elle, est beaucoup plus jeune, mais souffre autant que Malika de l'abandon et la négligence. « Mon ex mari m'a jeté à la rue alors que j'étais enceinte de mon fils Ahmed qui a aujourd'hui 2 ans et 7 mois. A sa naissance, il n'est pas venu le voir. Au bout de presque 3 ans, il ne l'a jamais rencontré. Il refuse de le voir et de le prendre en charge », raconte résignée la jeune femme. Elle affirme d'ailleurs que depuis son divorce, elle n'a jamais touché un seul dirham de sa pension alimentaire. « C'était comme s'il a divorcé avec moi et avec son fils. Pourtant c'est un homme aisé. Il est propriétaire de nombreux lots de terrain et les 1000 dhs de pension ne représentent pas grand-chose pour son budget », commente Aicha.
Un double divorce ... de sa femme et de son fils, ce père négligeant a du par la suite payer lorsque Aicha s'est réfugiée auprès de l'association Tahadi pour l'égalité et la citoyenneté. « J'étais au bout du rouleau et je ne savais pas quoi faire pour réclamer mes droits et ceux de mon fils. Heureusement, on m'a orientée et accompagné à l'association. Grâce à cette aide précieuse, j'ai pu avoir ma pension alimentaire qu'il ne paie jamais à temps. Il la retient toujours en me tenant en otage », raconte la jeune femme.
Dépendance
Dépendante à 100% du montant de la pension, elle doit vivoter avec son fils de la somme qui s'est amassée chez son ex mari en attendant que son fils soit prêt à aller à la crèche. « Ce montant dépassait les 20.000 dhs mais il a juré au tribunal qu'il nous prenait en charge. Un pur mensonge ! Le juge a décidé alors de réduire le montant à 5000 dhs », regrette Aicha.
Reconnaissance, elle affirme que sans le logement de ses défunts parents, elle aurait pu vivre aujourd'hui avec son fils dans la rue. « J'ai un diplôme en informatique. Je compte chercher un boulot pour ne plus vivre dans cette situation de dépendance totale. Lorsque mon fils sera en âge d'aller à l'école, je sais très bien qu'il ne payera pas pour lui », conclut-elle dans un sursaut réaliste.
Une issue absolument
Trouver absolument une issue à son calvaire pour pouvoir y survivre. Fatna Benâamer l'a fait pour élever ses trois enfants. Âgé de 19 ans,14 et 6 ans, chacun de ses fils a droit à 300 Dhs mensuellement comme pension alimentaire. « 900 dhs au total pour les nourrir, les loger, les habiller et les scolariser !!! », s'exclame Fatna. Mais le pire pour elle, c'est que même avec cette somme modique, elle n'a jamais pu en touché un seul sou. « Il prétend qu'il n'a pas de quoi payer. C'est un vendeur à la sauvette. Pour payer le loyer, nourrir mes enfants, les envoyer à l'école j'ai commencé alors à travailler comme femme de ménage », se résigne-t-elle.
Un sacrifice qu'elle fait pour éviter que son ex mari n'aille en prison. « Je ne veux pas qu'il aille en prison. Ca ne m'aidera en rien ! Par contre j'ai pu bénéficier de la caisse d'entraide familiale pendant deux ans mais depuis que la validité des documents requis a expiré en 2021, je n'ai plus touché cette aide ». Pourquoi ? « C'est un dossier avec plusieurs documents nécessitant beaucoup de déplacements. Avec le travail, je n'ai ni le temps ni la possibilité de les faire », regrette Fatna.
Enfants, victimes collatérales
Tout comme Fatna Benaâmer, elles sont légion les femmes au foyer sans qualification ni diplômes qui se retrouvent du jour au lendemain à la merci de leur ex maris. Un abandon lourd de conséquences qui chamboule leur existence mais surtout celle de leurs enfants. Khadija Wamou menait une existence tranquille malgré les petits problèmes jusqu'au jour où son ex mari décide de les abandonner, elle et ses deux enfants.
« Il nous a quitté en 2001, juste après la naissance de mon fils. Il a cessé ensuite de prendre en charge ses enfants en se consacrant complètement à sa deuxième famille. J'ai décidé alors d'aller en justice mais l'avocat n'a pas fait son travail et je me suis retrouvée avec plusieurs années de pension alimentaire perdues », raconte Fatna. Avec l'aide de l'association Tahadi, elle arrive toutefois à avoir gain de cause : un montant de 45.000 dhs au lieu des 200.000 dhs initiales.
« Mon avocat a pu avoir une interdiction de franchir les frontières qui l'a empêché de repartir en France où il vit dorénavant », ajoute Fatna qui a du travailler comme femme de ménage pour prendre en charge son fils délaissé.
« Mais ce qui me fait le plus mal, ce n'est pas cet abandon financier mais la blessure psychique de Anas, mon fils. A l'âge de 22 ans, il n'arrive toujours pas à comprendre comment son propre père l'a abandonné. Il en a développé un profond complexe : Toujours en colère, toujours triste, jamais satisfait ! Malgré son jeune âge, on dirait un vieillard aigri », décrit, le verbe ému, cette mère meurtrie.
Violence économique
Au-delà de l'impact socio-économique du désistement des pères après ou avant le divorce, l'effet psychique sur les enfants n'est plus à démontrer. « Sentiment accru d'insécurité, dépression, anxiété, perte de confiance en l'autre et parfois une culpabilité injustifiée. Tous ses sentiments négatifs doublés de la privation et de frustration aboutissent à de lourdes conséquences. Mendicité, prostitution, emploi informel... les mères tentent ainsi de trouver une issue », nous confie Bouhra Abdou, directrice de l'association Tahadi pour l'égalité et la citoyenneté.
Œuvrant auprès des familles en détresse, cette activiste en sait quelque chose sur leur enfer. « Privés de leur droit à l'enseignement parfois même n'ayant pas où loger ou quoi manger, ces enfants sont exposés à la délinquance, la déperdition scolaire certains deviennent des enfants de la rue. Une pension alimentaire non payée ou inadéquate est égale à plusieurs vies brisées », s'insurge Abdou.
Le problème, c'est l'application
Pour l'activiste même si la loi reste assez injuste envers les femmes et les enfants, la plus grande problématique dans les affaires de pension alimentaire reste les modalités d'application des sentences. « La contrainte par corps ou le fait d'emprisonner le père accusé de négligence et d'abandon de famille et n'ayant pas payé la pension alimentaire n'est pas une solution. Ce type de jugement ne rend service à personne tout au contraire », avance Bouchra Abdou. Explication ? « La femme et ses enfants resteront privés de leur pension. Le père, lui, va croupir en prison. Il mangera et vivra aux dépends des contribuables pendant quelques mois. Parfois il perd son travail à cause de cette sentence ! Il n'y aucun gagnant au final », argumente l'activiste.
Pour l'association Tahadi, l'Etat devrait jouer son rôle pour apporter une solution durable et pratique à cette problématique. Comment ? « Une caisse permanente qui paye la pension aux femmes ayant porté plainte contre un père négligeant. Ceci en attendant que ce dernier s'acquittent de ses dettes », propose Abdou. Une solution utopique ? « Non, en fait pour re-alimenter cette caisse, les pères accusés au lieu d'aller simplement en prison devront être employés sur des chantiers de l'Etat, dans le travail social ou autre. Une partie de leurs salaires doit être versée automatiquement à la caisse en compensation de la pension déjà octroyée d'une manière régulière à leurs familles » explique Abdou.
Quelles alternatives ?
Une solution alternative parmi d'autres que l'association Tahadi et le réseau Amane pour la lutte contre la violence basée sur le genre ont déjà élaboré sous forme d'un dossier revendicatif. Son objectif ? La refonte du Code de la famille et en particulier les articles concernant la pension alimentaire. Un dossier qu'ils comptent adresser au ministère de la Justice, celui de l'Intérieur et au ministère de la Famille. « Nous comptons également enrôler des groupes parlementaires dans cette démarche afin de protéger les femmes et leurs enfants des aléas du divorce », insiste l'activiste.
« La réforme de la moudawana et spécialement des lois sur la pension alimentaire est un dossier qui me tient au cœur. Ceci dit le problème ne réside pas forcément dans le texte mais plutôt dans la manière de l'interpréter et de le façonner en décisions par les juges », diagnostique Zahia Aâmoumou, avocate au barreau de Casablanca et activiste féministe. Plus précise, cette femme de loi met le doigt sur le problème. « Les juges de famille ont tout le pouvoir de définir le montant de la pension alimentaire or ils ne sont pas toujours en mesure de bien la calculer. Ils en oublient parfois de privilégiant l'intérêt supérieur de l'enfant et de la famille abandonnée », regrette l'avocate.
Un barème de pension alimentaire
« De nombreux juges au tribunal de la famille sont encore trop jeunes pour bien comprendre l'impact de la décision d'octroyer le misérable montant de 300 dhs comme pension mensuelle à un enfant qui doit être logé, nourri, habillé et scolarisé par une mère sans emploi », s'insurge Aâmoumou qui côtoie au quotidien des destins brisés à cause d'une injustice chronique.
« J'ai vu des familles, des mères et des enfants qui vivaient dans l'opulence et qui du jour au lendemain se sont retrouvés dans la rue et sans ressources car le père, qui est aisé, a réussi à falsifier des documents en prétendant être dans le besoin », nous affirme-t-elle. Pour éviter cette cet « aspect aléatoire » dans le calcul de la pension alimentaire, l'avocate propose d'instaurer un barème bien défini et précis avec un montant minimal à ne pas franchir. « Ce montant devrait être en adéquation avec le niveau de vie initial des enfants, leurs besoins et les moyens réels du père. Ce barème « scientifique » peut ainsi garantir la justice dans l'application de la loi », tranche l'avocate.
Vous avez-dit égalité ?
Cette dernière nous apprend qu'une caisse d'entraide familiale offre un maximum de pension de 900 dhs pour toute famille ayant trois enfants et plus. Ceci lorsque le père s'avère incapable de prendre en charge la pension alimentaire. « Pour pouvoir en bénéficier la mère doit constituer un dossier complet avec les pièces justificatives requises. Une fois cette pension touchée elle n'a plus le droit de réclamer la pension au père », précise-t-elle, en mettant l'accent sur les sommes trop modiques accordées et qui restent bien loin du cout de vie réel actuel.
« En octobre 2008, le ministère de la justice a réalisé une importante étude sur l'élaboration d'un barème pour définir et calculer la pension alimentaire. Un travail louable et prometteur avec des recommandations et des outils de travail pratiques qui a été rangé dans les tiroirs sans jamais le mettre à profit. Un véritable gâchis ! », regrette l'avocate.
« En décalage avec l'évolution sociale, le code de la famille en général et la loi sur la pension alimentaire en particulier sont injustes envers la femme et les enfants. Une réforme s'impose d'ailleurs. C'est même une urgence pour être en accord avec les engagements nationaux et internationaux du Maroc. Le principe d'égalité prôné par la constitution 2011 s'en trouve profondément compromis », conclut Zahia Aâmoumou.


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