H. Z. est divorcée et mère d'un enfant. Le 13 février 2004, un jugement est prononcé en sa faveur, lui accordant une pension alimentaire de 400 Dhs par mois et une autre pour son fils de 300 Dhs, et ce, à compter du mois de novembre 2003. Ensuite, en mars 2006, le tribunal hausse le montant de la pension alimentaire versée au fils à 500 Dhs par mois, outre 150 Dhs au titre de la garde de l'enfant. Un procès verbal constatant le refus de payer de son ex-époux a été établi le 4/9/2006. Pourtant, l'ex-mari est un haut cadre au sein d'une entreprise et ne manque pas de moyens pour subvenir aux besoins de son fils. Ce qu'il refuse jusqu'à présent de faire. « Quand les parents sont divorcés et que le couple a des enfants, le père se trouve devant une obligation : celle de payer la pension alimentaire de ses propres enfants », explique Maître Soumaya Bahhedi, avocate à Rabat. « Cette pension est mensuelle et accompagne l'enfant jusqu'à la fin de ses études et s'il s'agit d'une fille, cette pension s'arrête une fois la fille mariée, puisque alors c'est son mari qui la prend en charge. Selon le code de la famille, en particulier l'article qui parle de la pension alimentaire, c'est le père qui doit payer la pension alimentaire de sa fille jusqu'à ce qu'elle trouve un travail et touche un revenu ou jusqu'à ce qu'elle se marie et que ce soit son mari qui la prenne alors en charge. En ce qui concerne les enfants de sexe masculin, cette pension alimentaire va s'appliquer jusqu'à l'âge de 25 ans, c'est-à-dire jusqu'à ce que le garçon termine ses études. Concernant les enfants handicapés, le père se trouve devant l'obligation de payer la pension alimentaire de son fils jusqu'à la fin de ses jours et dans ce cas, si le père prouve qu'il n'a plus de revenus et que la maman se trouve dans une situation confortable, c'est elle qui prend alors en charge la pension alimentaire de son enfant handicapé ». Nombre de femmes, une fois mariées, renoncent à avoir une activité rémunérée pour se consacrer à leurs familles et se trouvent ainsi en totale dépendance financière envers leurs époux. Tant que le couple tient la route, cette situation est occultée, chacun participant à sa manière à la vie du couple. Mais dès que le couple se sépare, la femme se trouve en situation précaire, accusant une baisse nette de revenu, surtout que la garde des enfants lui revient de droit et qu'elle en assume directement la charge. Il lui faut alors attendre que la justice lui accorde une pension alimentaire que son mari devra lui verser, à elle et à ses enfants. Selon l'article 84 du Code de la famille, « les droits dus à l'épouse comportent : le reliquat du Sadaq, le cas échéant, la pension due pour la période de viduité (Idda) et le don de consolation (Mout'â) qui sera évalué en fonction de la durée du mariage, de la situation financière de l'époux, des motifs du divorce et du degré d'abus avéré dans le recours au divorce par l'époux. Durant la période de viduité (Idda), l'épouse réside dans le domicile conjugal ou, en cas de nécessité, dans un logement qui lui convient et en fonction de la situation financière de l'époux. A défaut, le tribunal fixe le montant des frais de logement, qui sera également consigné au secrétariat-greffe du tribunal, au même titre que les autres droits dus à l'épouse ». Bien des progrès ont été faits, mais... « Il y a longtemps, avant l'avènement du code de la famille, quand le juge fixait un montant pour une pension alimentaire, souvent d'un montant risible, cette pension devait servir à la scolarité, à l'alimentation et aux soins de santé de l'enfant», souligne Me Baheddi. C'est-à-dire que la femme était censée assurer la charge de ses enfants, les scolariser, les nourrir, et s'ils tombaient malade, de leur acheter les médicaments nécessaires avec cette risible pension alimentaire. Mais depuis l'avènement du code de la famille, la pension alimentaire est calculée de manière à englober l'alimentation, l'habillement, la médication en cas de maladie et l'enseignement des enfants, bref, tout ce qui est nécessaire pour éduquer des enfants. En plus, le père doit assurer un logement décent pour ses enfants. Le juge prend, par ailleurs, en considération comment les enfants vivaient avant le divorce, c'est-à-dire s'ils étaient inscrits dans des écoles privées ou publiques et leur mode de vie ainsi que la situation financière de la mère. Avant, toutes ces dépenses rentraient dans la pension alimentaire dont le juge fixait le montant souvent à quelque 300 Dh. L'ancienne Moudawana avait fixé un montant d'à peine 50 Dh à 100 Dh pour un enfant de moins de 2 ans, mais heureusement que, maintenant, les choses ont beaucoup changé». L'article 189 de ladite loi précise, d'autre part, que « l'entretien comprend l'alimentation, l'habillement, les soins médicaux, l'instruction des enfants et tout ce qui est habituellement considéré comme indispensable, sous réserve des dispositions de l'article 168 ci-dessus. Pour l'évaluation des charges inhérentes aux besoins précités, il est tenu compte, par référence à une moyenne des revenus de la personne astreinte à la pension alimentaire et de la situation de celle qui y a droit, du coût de la vie, et des us et coutumes dans le milieu social de la personne ayant droit à la pension alimentaire ». « Le juge ne peut pas déterminer la pension alimentaire d'une manière aléatoire », indique Me Baheddi. « Le juge se base sur les relevés bancaires du mari, les biens qu'il possède, son salaire, en bref tous les revenus mensuels, mais il prend aussi en considération les charges que le mari assume, c'est-à-dire s'il a des dettes à payer par exemple, et à ce moment-là, même si l'ex-mari touche un bon salaire, après la déduction des charges, il ne reste pas beaucoup. Mais dans tous les cas, avec le nouveau code de la famille, le juge ne fixe plus une pension alimentaire d'un faible montant. Les choses ont évolué dans le sens positif ». Qu'en est-il des ex-époux qui perçoivent de faibles revenus ? Comment la pension alimentaire est-elle fixée ? Comment détermine-t-on le montant de la pension ? « Il faut d'abord préciser à ce sujet qu'il n'y a pas de barème. Selon l'article 199 du Code de la famille, seul le juge peut fixer la pension alimentaire selon son estimation personnelle. Le juge fixe le montant de la pension alimentaire en prenant en considération le nombre d'enfants et le revenu du père. Le juge tient compte des capacités financières de l'ex- mari. Même si la femme touche un salaire plus élevé que son ex-mari, la pension alimentaire est une obligation du père. Ça ne se discute pas. La pension alimentaire est une obligation, et ce sans aucun doute, du père. Et comme je l'ai déjà dit, c'est sa valeur qui varie d'une personne à une autre, selon les circonstances. Si le mari touche, par exemple, 2500 Dhs et que la femme ne travaille pas, certainement que les enfants du couple suivent leurs études dans l'enseignement public, c'est-à-dire que le père ne va pas se trouver dans l'obligation de payer des frais de scolarité. Et si la femme travaille et que les enfants sont scolarisés dans l'enseignement privé, le juge prend en considération le fait que la femme participait aux charges du couple. Et c'est le juge qui dit son dernier mot ». « Mais il y a également les cas inverses, ajoute Me Baheddi, quand l'ex-époux est bien rémunéré mais verse une pension minable par rapport à ses moyens et le niveau de vie que menaient auparavant ses enfants. « J'ai sur mon bureau le cas d'un médecin qui vient de divorcer et qui a une petite fille asthmatique scolarisée dans une bonne école privée. L'épouse, dont je défends les intérêts, m'a apporté les ordonnances, le certificat du médecin et la facture de l'école. Et le juge a fixé pour cette petite fille 2500 Dhs de pension alimentaire mensuelle. Mais cette pension alimentaire fixée à 2500 Dhs, la mère la considère comme dérisoire comparée au niveau de vie dans lequel vivait cet enfant quand les parents étaient ensemble. « La fille est scolarisée à 800 Dhs, elle doit payer la cantine 400 Dhs. Ajouter à cela les médicaments que prend l'enfant qui est asthmatique. Franchement, les besoins dépassent en effet de loin le montant fixé par le juge, mais c'est souvent le cas. Et si le père paie la pension alimentaire d'une manière régulière, il envoie le mandat à travers la poste et n'a pas honte de déduire les frais du transfert de ce montant de 2500 Dhs ». « Bon, écoutez, je sais que je touche un bon salaire, mais je préfère que le juge me fixe le strict minimum et comme ça, si je veux donner quelque chose de plus à mes enfants, je le ferais, mais que je ne me sente pas obligé de le faire. C'est-à-dire que je le ferais par amour pour mes enfants. Je donne un chèque à mon ex-épouse qui correspond à la pension alimentaire exacte fixée par le juge, mais je donne toujours un supplément en liquide, comme ça, je m'assure que mon ex-femme n'ira pas chercher à se remarier ». C'est ainsi que se justifie Y. K, commerçant, divorcé et père de trois enfants. Sauf qu'il y a bien des cas où, avec le temps, quand l'ex-époux fonde un autre foyer, ce « supplément en liquide » se réduit et disparaît avec les années. Une nouvelle famille, de nouveaux enfants et ce sont les enfants de l'ex-épouse qui en font les frais. Un expert auprès des tribunaux exerçant à Agadir raconte jusqu'où peuvent en arriver certain ex-époux qui veulent payer le minimum de pension alimentaire à leurs enfants. Dissimulation et refus de s'acquitter de la pension « Mon travail commence quand un juge devant statuer sur une affaire de divorce et fixer les montants des pensions alimentaires à verser à son ex-femme et à ses enfants éventuellement cherche à déterminer le revenu réel du conjoint, quand celui-ci est membre d'une profession libérale ou commerçant. Et depuis le temps que j'exerce comme expert auprès des tribunaux, j'en ai vu de toutes les couleurs à ce sujet. La règle générale, c'est la dissimulation. Ils font tout pour cacher leurs revenus réels, surtout dans un pays où la fraude fiscale est un sport national très prisé. Il y en a qui ont tout vendu à leurs parents avant de demander le divorce, de manière à se retrouver sans avoirs au moment où il faudra déterminer leurs revenus. Autre cas : quand on adresse à la Conservation foncière,bizarrement, il s'avère que ce monsieur n'a jamais possédé quoi que ce soit, qu'aucun titre foncier ne porte son nom. Et j'en passe... » Qu'en est-il de l'exécution des jugements prononcés ? « Vous avez touché là à un point sensible. Concernant l'exécution des jugements, les problèmes sont énormes. L'application de la loi est dans certains cas difficile. Quand la femme divorcée s'adresse à un avocat pour demander de l'aide, tu sais très bien que cette femme ne veut pas savoir comment tu vas faire. Pour elle, c'est l'argent qu'elle doit toucher de son ex-mari qui compte le plus. Dans certains cas, cela reste difficile. C'est-à-dire que quand on reçoit un nouveau dossier, on pose toujours devant nous l'éventualité de rencontrer de grosses difficultés qu'on pourrait rencontrer dans l'application du jugement. L'exécution des jugements ne commence qu'une fois toutes les procédures de recours épuisées par les ex-maris et que des jugements pour abandon de famille sont prononcés. Certains maris persistent à refuser de s'acquitter de leurs obligations et préfèrent faire un peu de prison plutôt que de payer. Je peux citer comme exemple une femme, une de mes clientes, qui avait demandé la pension alimentaire et qui ne l'a touchée qu'une seule fois dans sa vie. Les enfants ont grandi depuis et ils se sont même mariés et jusqu'à présent, le père refuse de payer. Parfois, certains maris s'obstinent à refuser de payer la pension alimentaire et préfèrent faire de la prison. J'étais dernièrement en train de traiter justement une affaire où l'ex-mari devait passer trois mois de prison ferme et payer une amende de 2000 Dh. C'était à la veille l'Aïd et de proches parents à lui sont venus me supplier de laisser tomber les poursuites et de ne pas exiger le paiement du cumul de pensions alimentaires impayées. Bien sûr, j'ai refusé, puisqu'il s'agit de ses pauvres enfants qui se trouvent dans le besoin. Ce monsieur, qui travaille dans une société d'embouteillage d'eau minérale, a deux filles. Il y a des années de ça, le juge lui a fixé 200 Dh au titre de la pension alimentaire de chacune de ses filles. J'avais même demandé l'augmentation de cette pension alimentaire, il y a quelques années et le juge avait répondu positivement à notre demande. Il l'avait fixée à 500 Dh pour chacune. La femme avait divorcé avant 1995, le jugement fixant la pension alimentaire à 200 Dh avait été prononcé en 1995 et le montant de la pension a été porté à 500 DH en 1999. Le cumul des pensions alimentaires impayées depuis 1999 représente maintenant un fardeau pour cet homme qui n'arrive plus à s'en sortir. Surtout qu'après 1999, cet homme a prit sa retraite. Quand il était en activité, il savait très bien qu'il ne pouvait pas ne pas payer sa pension alimentaire. Il savait très bien qu'on pouvait faire bloquer son salaire, donc il ne posait pas de problème. Quand il était salarié, il avait une adresse fixe où l'on pouvait le joindre, c'était son lieu de travail. Et bien entendu, toutes les convocations du tribunal, il les recevait. Mais une fois à la retraite et comme il n'est que locataire et qu'il n'a pas de voiture, nous ne parvenions plus à lui mettre la main dessus ». Et les enfants qui payent l'addition... « Ayant cessé de payer et n'ayant plus de domicile connu, nous n'avions plus de moyens de l'obliger à continuer de verser la pension alimentaire. Cette situation a duré jusqu'à 2005 et quand nous avons pu le trouver, celui-ci a refusé de payer. A ce moment-là, nous avons fait rédiger un procès verbal, « mahdar al imtinâa », indiquant que le monsieur en question refusait de s'acquitter des pensions alimentaires impayées. Nous étions obligées d'accompagner cette procédure par une autre procédure, celle de la négligence de la famille, «Ihmal al oussra ». Après quoi, nous avons déposé une plainte auprès de la police, en 2005. Ce n'est qu'en 2009 que la police a pu enfin l'arrêter. Donc, si on compte le cumul des pensions alimentaires impayées depuis 1999 et jusqu'en 2009, au montant de 500 Dh pour chaque fille, cela fait 1000 Dhs par mois pendant 10 ans. 12 fois 1000 Dhs, c'est 12 000 Dhs et 10 fois 12 000 Dhs, c'est 120 000 Dhs. Donc l'ex-mari devait payer 120 000 Dhs qu'il n'avait pas. Quand il s'est fait arrêté par la police, ses proches parents sont donc venus supplier sa femme et lui demander de lui pardonner. Et savez-vous ce qu'ils entendaient par lui pardonner ? Et bien tout simplement de renoncer à l'argent des pensions alimentaires qu'il devait verser et qu'il a lui-même laisser s'accumuler pendant dix ans. Et généralement, quand la femme ainsi traitée refuse de renoncer à ce qui lui revient de droit, les gens ont la drôle de réaction de la traiter de « bent lehram ». La pauvre femme dont je vous ai parlé a travaillé pendant des années comme femme de ménage afin de pouvoir subvenir aux besoins de ses filles. Elle a eu un cancer et malgré ça elle a continué à lutter contre sa maladie et la négligence de son ex-mari. Les gens n'estiment pas à leur juste valeur de tels sacrifices consentis par les femmes divorcées et qui ne perçoivent pas les pensions alimentaires que les tribunaux leur ont accordé de droit. Et les proches parents des ex-époux osent demander sans vergogne à ces femmes de renoncer à ce qui leur revient de droit. Les proches parents du monsieur qui n'avait pas payé la pension alimentaire à sa femme pendant dix ans n'ont trouvé pour prétexte à invoquer pour que son ex-femme renonce à ses droits que c'est « leâwasher » (jours de fête) et qu'elle ne pouvait donc pas faire envoyer son ex-mari, qui l'a abandonnée avec son enfant pendant dix ans la veille de l'Aïd, en prison ! Ce que je n'oublierai jamais, c'est que cette même femme est venue dans mon bureau il y a des années pour me demander de trouver le moyen de marier sa fille, qui avait alors à peine atteint l'âge de 12 ans. C'était la misère qui poussait cette pauvre femme à réfléchir ainsi, la nécessité qui l'a poussé à penser marier sa fille de douze ans. Quand les proches parents des ex-maris viennent demander de laisser tomber les sommes dues, ils ne pensent pas à la misère dans laquelle ses enfants ont vécu. J'ai quand même essayer de trouver un arrangement et je leur ai demandé à ce que cet homme paye au moins une partie des sommes dues. Et bien rien, il ne voulait rien payer. Il a finalement préféré passer 3 mois en prison plutôt que de payer ». Le parcours du combattant de la femme divorcée, c'est surtout des procédures à ne plus en finir et des démarches qui durent de longues années. « Depuis 1999 jusqu'en 2005, date du constat du refus de payer la pension alimentaire, le montant avait été fixé à 50 000 Dh, en prenant en compte que l'une des filles s'est mariée et qu'elle n'est plus sous la charge du père », continue Me Baheddi à propos de l'affaire de la femme divorcée qui n'a pas perçu de pensions alimentaires pendant dix ans. La prison plutôt que de payer « Autrement dit, les 3 mois de prison correspondent au montant fixé pour cette période. Maintenant, on doit présenter une autre procédure qui demande l'application du jugement depuis 2005, la date du PV de refus jusqu'à aujourd'hui. Et si le mari refuse encore de payer cette pension pour ladite période, il passera alors quelques mois en prison et la mère ne touchera jamais un sou de ces millions qui ne lui sont accordés que sur du papier. Donc, il y a des cas où le mari est un salarié et le problème ne se pose pas puisque la pension alimentaire est prélevée par un ordre du juge directement sur le salaire. Mais il y des gens qui gagnent bien leur vie et qui refusent pourtant de payer jusqu'à la fin de la procédure, c'est-à-dire jusqu'à ce qu'on en arrive à la police. Et pour éviter d'être arrêtés, ils payent alors contraints et forcés ». Et des cas comme ça, il suffit de passer quelques temps dans un cabinet d'avocat pour en rencontrer à la dizaine. Mme F.S. a vu le tribunal de première instance de Salé prononcer un jugement en faveur de sa demande d'augmentation de la pension alimentaire versée à ses deux filles, Nawal et Iman, à la somme de 500 Dhs par mois, à partir du mois d'août 1999, avec exécution d'urgence, et ce, en 2001. L'ex-époux a toutefois refusé de se plier à la décision de justice. Les procédures d'exécution ont été mises en œuvre par l'huissier de justice. Un procès verbal constatant le refus de payer a été établi. Ensuite une plainte a été déposée pour négligence de sa famille, qui a donné lieu à un autre jugement qui condamne l'ex-mari à trois mois de prison et à 2.000 Dhs d'amende. Cette dame n'avait perçu la pension alimentaire qu'une seule fois auparavant, avant que son ex-mari n'aille à la retraite. F.L a obtenu par jugement du tribunal, en mars 2006, une pension alimentaire de 250 Dhs et une autre pension alimentaire de 250 Dhs au profit du fils. Outre des versements mensuels de 150 Dhs pour la garde de l'enfant, 150 Dhs au titre des frais de logement. L'ex-mari a fait appel et la Cour d'appel a conforté le premier jugement par décision datant de juin 2008. Le second jugement a également accordé à l'épouse répudiée un montant de 1.500 Dhs au titre des fêtes à verser par l'ex-mari. Toutefois, ce jugement n'a jamais connu un début d'exécution en raison de l'absence de l'ex-mari, qui vivrait à l'étranger. R. E a obtenu une pension alimentaire de 400 Dhs en 2004. Cette pension alimentaire, elle ne l'a jamais perçue. Le mari est soldat et elle ne sait pas dans quelle garnison il se trouve. Les jugements prononcés par les Tribunaux de famille sont de plus en plus conformes aux attentes des épouses répudiées, mais encore faut-il que l'ex-époux veuille s'acquitter de ses obligations. Le mari de A. J a demandé de divorcer d'elle et un jugement a été prononcé à ce sujet en avril 2009, accordant le divorce et un montant de 50.000 Dhs à titre de don de consolation, 6.000 Dhs au titre de la période de viduité qu'elle passerait dans le logement de l'ex-mari, outre une pension alimentaire de 2.000 Dhs par mois et un montant de 300 Dhs au titre des frais de garde de l'enfant. L'ex-mari, médecin militaire, verse bien le montant de la pension alimentaire, mais pas les frais de garde de l'enfant. En outre, il n'a plus d'adresse connue. Et il y a pas mal de femmes, trop pauvres ou occupées pour suivre des procédures interminables et qui finissent tout simplement par laisser tomber. Une caisse qui tarde à venir, faute de financement Malika, mère de trois enfants, tous des garçons, est divorcée depuis le mois de février 2008. Une pension alimentaire lui a été accordée d'un montant de 400 Dhs, ainsi que 300 Dhs par enfant, plus un montant de 800 Dhs pour la fête d'Aïd El Fitr, 1.200 Dhs pour la fête de l'Aïd El Adha. On pourra dire que cette femme a obtenu justice. Sauf que Malika a par la suite fini par renoncer à ses droits. C'est qu'en l'absence de son ex-mari, dont personne ne semble savoir où il se trouve actuellement, le jugement n'a jamais été exécuté. Il est étonnant de constater avec quelle facilité il est possible de disparaître au Maroc. Le 29 janvier 2003, lors d'un discours à Agadir, SM le Roi avait souligné : « Ainsi, au lieu de créer une caisse de pension alimentaire, qui pourrait être perçue à tort comme une incitation à ce qui constitue pour Dieu le plus détestable des actes licites, et aboutit à l'éclatement de la famille, Nous donnons Nos instructions à Notre Gouvernement pour étudier minutieusement la mise en place d'un Fonds d'entraide familiale, qui serait alimenté, partiellement, à partir du produit de timbres à valeur symbolique apposés sur les actes relatifs au statut personnel et familial, Fonds dont les prestations seraient allouées selon des critères rigoureux, l'objectif étant de garantir les droits de la mère démunie et de protéger les enfants qui risquent d'être livrés à l'abandon à la suite du divorce de leurs parents ». Jusqu'à présent, cette caisse n'a jamais été créée. La loi de Finances 2010, qui vient d'être votée au parlement, comporte un amendement portant création d'un compte spécial dédié à la pension alimentaire. C'est un pas en avant depuis le temps où cette caisse devait être créée mais ce n'est pas toujours le fonds attendu. Pour la création de celui-ci, il faudrait qu'un texte de loi soit élaboré et voté par les deux Chambres du parlement. Comment financer cette caisse et à quel organisme en confier la gestion ? Il existe bien une proposition pour confier ce fonds à la CNSS, en suivant l'exemple tunisien. Mais c'est au niveau du financement que le vrai problème se pose. Mais ne faudrait-il pas d'abord penser à rationaliser l'estimation de la pension alimentaire ? « Fixer un barème est une très bonne idée et le montant fixé par le barème ne sera pas très loin de la réalité et de la nécessité de l'enfant », estime Me Baheddi en réponse à une question à ce sujet. « Effectivement, même la décision du juge ne sera plus remise en question. C'est une très bonne idée, en effet. Un barème qui prendrait en considération le salaire du mari, celui de la femme, la scolarisation des enfants, leurs besoins, et à travers tout ça, fixer le montant de la pension à verser. C'est comme une programmation où l'on se contente d'introduire toutes les données pour obtenir le montant déterminé. Je trouve que le système judiciaire marocain doit penser à cette solution afin de mettre fin à l'injustice qui peut toucher des enfants innocents, qui paient pour les mésententes de leurs parents. On rencontre souvent un problème, le mari qui touche un salaire minable mais qui, en parallèle, dispose de biens qu'il a pu hériter, comme des maisons qu'il loue et qui a par conséquent d'autres revenus, à part son salaire. La juge demande à l'épouse de ramener un justificatif qui prouve que le mari dispose de biens et de revenus qu'il n'aurait dissimulé. Malheureusement, la femme ne peut pas obtenir facilement ce genre de documents et le juge fixe sa pension alimentaire par rapport au seul salaire dérisoire déclaré ». Deux mots viennent à l'esprit au terme de cette enquête : l'inconscience et l'irresponsabilité. Les pères qui refusent de verser la pension alimentaire de leurs enfants sont-ils conscients qu'ils font du mal à leur progéniture ? Avons-nous vraiment affaire à des citoyens responsables ? Régler les comptes entre conjoints sur le dos d'enfants innocents est le sommet de l'ignominie. Asmâa RHLALOU et Ahmed NAJI