L'histoire du film se passe à Toronto, dans le présent ou dans un futur proche, où un veuf et entrepreneur riche et élégant appelé Karsh (Vincent Cassel) a fondé un restaurant avec un cimetière attenant : un lieu de sépulture à la pointe de la technologie où les gens peuvent enterrer leurs proches avec un nouveau « linceul » dont des milliers de minuscules caméras peuvent enregistrer et transmettre en temps réel des images 8K de la décomposition du corps, que vous pouvez regarder sur votre smartphone. « Jusqu'où êtes-vous prête à aller dans la noirceur ? » demande Karsh, le protagoniste endeuillé de votre dernier thriller « Les Linceuls », que vous êtes venu présenter au FIFM. Est-ce que c'est une question que vous vous posez vous-mêmes en tant que réalisateur ? Avez-vous une ligne rouge à ne pas franchir ou êtes-vous prêt à aller toujours aussi plus loin ? C'est une question très philosophique et émotionnelle. Je ne crois pas que je vais plus loin cinématographiquement parlant, juste dans le but de choquer les gens, ou pour être plus choquant que quelqu'un d'autre. En fait, je ne pense pas du tout que mes films sont choquants. Je pense qu'il y a beaucoup de noirceur en ce qui concerne la condition humaine, d'ailleurs, à chaque fois que vous surfez sur internet, vous voyez énormément de noirceur, il y a de bonnes choses et en même temps de terribles choses. A mon sens, chaque artiste se doit de s'interroger sur la condition humaine, sur ce que ça fait d'être vivant en tant qu'être humain sur cette planète de nos jours ? Et si vous avez toujours à l'esprit des lignes rouges, des inhibitions culturelles, des restrictions, ... ça biaise les choses. Pour ma part, je ne me fixe aucune ligne rouge, je ne me censure pas, pour voir les choses comme elles sont réellement, et si mes intentions sont honnêtes, et je ne fais pas ce que je fais juste pour être effrayant ou choquant, je pense que c'est légitime que je parte aussi loin, là où ma vision ou mon imagination puissent m'emporter. Pourquoi avoir choisi Vincent Cassel pour interpréter votre double ? Et comment l'avez-vous préparé pour le rôle ? Les gens ne me croient toujours pas, mais je n'ai pas choisi Vincent parce qu'il me ressemble, d'ailleurs, je ne trouve pas qu'il me ressemble, à part ses cheveux ... et sa façon de jouer. On a travaillé à deux reprises ensemble, il connaissait ma femme Carolyn et il a senti que le meilleur modèle à suivre pour incarner le personnage, c'était moi. Il a donc observé la façon dont je bouge, dont je parle... ce qui est complètement différent de la façon dont il parle généralement dans les films. Vincent parle rapidement, il incarne des mecs durs, des gangsters, ... ce que je ne suis pas. Donc, je dirais que c'est une combinaison entre un accident et le métier d'acteur pour trouver les bases pour créer son personnage. Pourquoi Diane Kruger ? Diane ne ressemble pas du tout à ma femme. Les deux acteurs sont d'ailleurs magnifiques mais Diane a pris ses repères en se basant sur le scénario et les dialogues entre les acteurs. Certains personnages sont déjà bien décrits à l'écrit, et d'ailleurs, Vincent a dit que c'était « le film où il a parlé le plus », généralement, on le ne voit pas trop parler, et c'était un grand challenge pour lui. Diane ne connaissait pas ma femme mais elle pouvait comprendre rien qu'en lisant le scénario. Le script était très précis. Elle a d'ailleurs dit « qu'elle s'est beaucoup amusée en interprétant ce rôle, et surtout celui de la sœur jumelle méchante ». Est-ce que ce film était une manière pour vous de venir à bout de votre chagrin après la perte de votre femme en 2017 ? Non, ça ne fonctionne pas comme ça et je ne m'attendais pas à ce que ça fonctionne. C'est une discussion avec moi-même concernant ma peine. Pour moi, l'art ne peut jamais être une thérapie, des fois, on l'utile comme un moyen thérapeutique, mais créer une œuvre ne peut en aucun cas constituer une sorte de thérapie. Et c'est le cas en ce qui me concerne.