Alors que le président iranien occupe un rôle fonctionnel et que le guide suprême Ali Khamenei conserve l'autorité ultime, la perte de Raïssi représente un coup dur pour Khamenei et un facteur de déstabilisation potentiel pour le régime. La mort de Raïssi intervient à un moment où le régime iranien est déjà aux prises avec de nombreuses crises internes et externes, exacerbant encore davantage ses vulnérabilités. Raïssi était l'instrument soigneusement choisi par Khamenei pour renforcer la position dure du régime et réprimer la dissidence à l'intérieur du pays. Sa politique étrangère belliqueuse, en particulier au Moyen-Orient, impliquait une ingérence dans les affaires intérieures d'autres pays par le biais de groupes mandataires. La décision de Khamenei de promouvoir Raïssi à la présidence a été motivée par la loyauté inébranlable de Raïssi et son passé notoire, notamment son rôle dans le massacre d'environ 30 000 prisonniers politiques en 1988. Ce massacre, ordonné par un décret du chef suprême de l'époque, Ruhollah Khomeini, imposait l'exécution de tout prisonnier fidèle à l'Organisation des Moudjahidine du peuple d'Iran (OMPI/MEK). L'implication de Raïssi dans un épisode aussi brutal a fait de lui une figure vilipendée en Iran. Le risque calculé par Khamenei en élevant Raïssi, malgré son bilan notoire, visait à créer une structure de pouvoir monolithique capable de résister aux pressions internes et externes. Raïssi était considéré comme le candidat idéal pour purger les dissidents et garantir une obéissance absolue à la vision de Khamenei. En préparant l'accession de Raïssi à la présidence, Khamenei a nommé Raïssi à la tête du pouvoir judiciaire, plaçant cet organe sous son propre contrôle. De plus, il a progressivement éliminé tous les rivaux possibles, y compris certains piliers du régime au sein de sa propre faction. Raïssi a été très utile à Khamenei pour atteindre ces deux objectifs, son absence crée donc des problèmes majeurs pour Khamenei. Le ministre des Affaires étrangères Hossein Amir-Abdollahian, qui a également péri dans l'accident, était un autre acteur de la stratégie du régime dans la région. Connu pour ses liens étroits avec Qassem Soleimani, le commandant de la Force Qods du Corps des Gardiens de la révolution islamique (CGRI) (tué en Iraq dans une frappe du drone américain en janvier 2020) et ses mandataires, dont le Hezbollah au Liban, Amir-Abdollahian a joué un rôle clé dans la politique régionale de l'Iran et dans son soutien à divers groupes militants. Ses efforts diplomatiques visaient souvent à renforcer ces groupes, à conclure des ventes d'armes et à fournir un soutien logistique, tout en présentant un vernis de diplomatie légitime sur la scène internationale. En bref, il a consolidé l'emprise du CGRI sur la politique étrangère du régime. La conséquence immédiate de cet incident est une profonde aggravation des crises existantes du régime. Sur le plan interne, l'Iran est confronté à d'importants défis sociaux et économiques, avec un mécontentement généralisé au sein de la population. La crainte du régime est palpable que cet accident d'hélicoptère ne devienne un catalyseur des unités de résistance, rappelant les manifestations généralisées qui ont éclaté ces dernières années. Le régime est désormais confronté au défi de trouver des remplaçants appropriés capables de faire preuve du même niveau d'obéissance et de cruauté que Raïssi, tout en gérant le mécontentement accru du peuple iranien. La stratégie de Khamenei consistant à consolider le pouvoir grâce à des fonctionnaires loyaux et impitoyables est perturbée, rendant le régime plus vulnérable.