Les vacances, le mois du ramadan, la rentrée scolaire. Voilà des rendez-vous qui donnent le droit de s'interroger sur leurs "conséquences" directes sur le moral des ménages et sur la santé de leur portefeuille. Ils sont des indicateurs fiables sur la réalité sociale des populations, et essentiellement celles vulnérables. Selon Abdelkader Zaïr, secrétaire général-adjoint de la CDT, le gouvernement est appelé à déployer davantage d'efforts pour préserver le pouvoir d'achat des ouvriers et des fonctionnaires et donc atténuer la crise sociale, en particulier après les hausses successives des produits de première nécessité. Le gouvernement se doit d'assumer ses responsabilités, repenser sa stratégie et formuler des propositions sérieuses qui auront des retombées bénéfiques sur les bourses modestes, a-t-il ajouté en substance. Ce point de vue serait-il inscrit à l'ordre du jour des négociations prévues dans les prochains jours? Il est clair que la rentrée sociale, à forte dose politique, sera chaude pour l'équipe El Fassi. Pour le secrétaire général-adjoint de l'UGTM, Mohamed Laâbi Kabbaj, les propositions présentées par le gouvernement restent satisfaisantes. «Le gouvernement est déterminé à aller de l'avant dans ce processus», a-t-il dit. La réaction de l'UGTM, proche du parti de l'Istiqlal, ne recoupe pas celle des autres syndicalistes. El Walidi My Ahmed, syndicaliste et membre de la FDT, s'insurge: «Pas un seul des dossiers qui font l'objet de discussion avec le gouvernement n'a été pratiquement résolu. Cela peut paraître exagéré, mais en réalité l'on retrouve toujours les mêmes sujets qui reviennent chaque année, sans changement notoire.» Situation qui le pousse à qualifier 2009 d'année sociale blanche. Il a même exprimé sa déception quant aux propositions du gouvernement relatives à la hausse des salaires, aux indemnisations et à la promotion. Quant à A. Zaïr, il déclare que le gouvernement fait plus de manuvres pour contourner les vrais sujets qu'il ne discute pas réellement. Ces syndicalistes, contactés par L'Observateur du Maroc, ont été unanimes à émettre des réserves sur l'idée d'échelonnement des augmentations annoncées sur plusieurs étapes. Ce qui n'est pas l'avis du gouvernement qui annonce à chaque fois, sur un ton solennel, que la moitié, voire plus, du budget de l'Etat est dédié aux secteurs sociaux. Cela est vrai du moment où des postes comme l'Enseignement ou la Santé sont budgétivores du point de vue de leur fonctionnement, mais les syndicats estiment qu'il s'agit d'une contrainte qui n'a rien à voir avec les doléances des fonctionnaires. Pour eux, la difficile conjoncture sociale actuelle, aiguillonnée par la flambée mercuriale des prix, exige des réponses précises et urgentes aux attentes des salariés. En tout cas, ces syndicalistes veulent désormais que le timing du prochain rendez-vous du dialogue social, qui se tient normalement en septembre, soit respecté pour que ses résultats puissent être inclus dans la loi de finances 2010. Selon Miloudi Moukharik, secrétaire national de l'UMT, le gouvernement est appelé, durant la prochaine session du dialogue, à donner un accord de principe sur l'augmentation salariale qui pourrait être appliquée à l'horizon 2010. «Il faut au moins un engagement pour les années à venir», dit-il. A la question de savoir si les syndicats vont recourir à la grève pour faire valoir leurs revendications, L. Kabbaj répond que «le dialogue social entre les syndicats et le gouvernement n'est pas encore clos». Quelle baguette magique va donc faire sortir Abbas El Fassi pour résoudre l'équation : la paix sociale en période de crise économique ? La paix sous la crise ! Après avoir enregistré une cascade de mauvaises nouvelles : baisse des recettes fiscales, chute des investissements directs étrangers, diminution des transferts en devises combinée à une présence moins importante des Marocains résidant à l'étranger cet été, un panier en devises qui fond comme neige au soleil, une activité économique plombée par les effets de la crise mondiale (secteur automobile, touristique, immobilier, textile ), il est clair que la situation est tellement complexe et profonde que le levier actionné n'est pas seulement celui de la simple reprise du dialogue social, mais aussi de la croissance économique. Saïd Saadi, ex-ministre des Affaires sociales, n'hésite pas à parler des impacts sociaux de la crise systémique mondiale. Il rappelle que la crise frappe fortement les ménages car ceux-ci consacrent une part élevée de leur budget à l'alimentation (46% en moyenne au Maroc, et jusqu'à 75% chez les plus démunis). Ceci dit, ceux qui n'ont aucune responsabilité dans la crise financière, mais qui dans l'immédiat et le futur en paieront le prix en perte d'emplois et de revenus, doivent recevoir un soutien. S. Saadi affirme que les effets de la crise, qui arrivent par-dessus l'augmentation des prix des aliments, continueront à provoquer une chute vers la récession, qui pourrait être durable et sévère si le gouvernement ne prend pas des mesures socio-économiques rapides et coordonnées. Quant à A. Zaïr, il avance que les causes de la dégradation du pouvoir d'achat du Marocain sont beaucoup plus d'ordre structurel que conjoncturel. Il rappelle que les activités rentières développées (services, immobilier, privatisation, etc.) se font au détriment des véritables activités productives industrielles et de l'investissement direct étranger qui n'a pas de véritable impact sur la croissance du pays. Pour lui, l'Etat soutient les groupes d'intérêt et les lobbies aux dépens des petites et moyennes entreprises dont 60%, voire même 80%, souffrent de difficultés financières. L'Etat doit entreprendre des réformes de fond sur la façon de produire ainsi que sur les modèles de consommation. L'argent doit travailler pour les citoyens. Le nouveau régime de l'économie de marché doit être fondé sur l'éthique traditionnelle selon laquelle le dur labeur doit être récompensé de façon juste. «Notre système financier doit soutenir, et non pas saper, la justice sociale et le caractère durable des entreprises, ainsi qu'un travail décent, ce qui est productif de communautés stables et pacifiques» affirme-t-il. Le secrétaire général-adjoint de la CDT revient à la charge pour mettre dans le collimateur la politique des subventions et de compensation. D'après lui, les aides pour maintenir la paix sociale doivent changer de formule. C'est l'heure des chèques de subvention octroyés directement aux nécessiteux. Cet avis est à rapprocher de celui de M. Moukharik, qui crie haut et fort que l'ère de la Caisse de compensation, dont bénéficient aussi les riches, est révolue !