Le scénario est parfaitement huilé. Deux fois l'an, lorsque la date butoir pour imposer de nouvelles sanctions à l'Iran approche, les grandes puissances haussent le ton. La semaine passée, l'éventualité de frappes aériennes contre les sites nucléaires iraniens était de nouveaux dans l'air. Rien d'officiel certes. Mais un général américain a agité la menace et les Israéliens ne cachaient pas qu'ils ne laisseraient pas l'Iran de Mahmoud Ahmadinejad se doter de l'arme nucléaire. Ils frapperont avant que la république islamique ne sache fabriquer l'uranium hautement enrichi, à 93%, qui lui permettrait de fabriquer la matière fissile utilisée dans une bombe atomique. Dans les années 80, pour les mêmes raisons, ils avaient bombardé Osirak, le site nucléaire irakien. Israël affirme aujourd'hui que ce moment est proche en Iran. Une affirmation non partagée par l'ensemble de la communauté scientifique. Néanmoins, la crainte d'une éventuelle intervention israélienne était renforcée, le 7 septembre, par les rumeurs sur un voyage secret du Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, en Russie. Un voyage - vrai ou faux - dévoilé après les déclarations sur le rôle joué par Israël pour mettre fin à la mystérieuse épopée du cargo Artic Sea supposé transporter des missiles anti-aériens S300 à destination de l'Iran. Benyamin Netanyahou serait-il allé demander à Vladimir Poutine de ne pas livrer ces missiles? Israël dit craindre que, disposés autour des sites nucléaires, ils ne rendent leurs bombardements plus dangereux. Netanyahou est-il allé avertir son homologue russe (Israël entretient d'excellentes relations avec la Russie) de l'éventualité de prochaines frappes militaires ? Réalité ? Ecran de fumée? Dans ce jeu du chat et de la souris entre la république islamique et les Occidentaux, les seconds n'ont pas toutes les cartes en main. Américains et Européens sont convaincus que la possession de l'arme atomique par les Iraniens entraînerait immédiatement une dissémination nucléaire parmi les pays de la région (Arabie Saoudite, Egypte, Turquie, Algérie ). Ce sera la fin de l'ordre international, fort injuste, mis en place au lendemain de la seconde Guerre mondiale et par lequel seuls cinq pays ont droit à l'atome à des fins militaires : Etats-Unis, Russie, Chine, France, Grande-Bretagne. Israël, le Pakistan et l'Inde, sont devenus clandestinement des puissances nucléaires. Une route que l'Iran, qui veut être reconnue comme une puissance régionale, semble avoir décidè de suivre, tout en affirmant enrichir l'uranium à des seules fins civiles. L'embarras des Occidentaux est donc grand. Comment faire changer d'avis une république islamique qui n'a fait que chausser les bottes de son impérial prédécesseur ? Depuis 2005, ils alternent la carotte -les pourparlers -et le bâton-trois séries de sanctions -pour amener Téhéran à suspendre son programme d'enrichissement d'uranium. Aujourd'hui, ils proposent de nouveau à l'Iran de se doter, sous contrôle international, d'une énergie nucléaire à des fins civiles et parallèlement de suspendre l'enrichissement d'uranium. Téhéran propose, elle, de «discuter du désarmement nucléaire mondial» mais estime non négociable son droit à enrichir l'uranium à des fins civiles. La rencontre, le 1er octobre, en Turquie (la première depuis janvier 2008), entre le négociateur iranien Saeed Jalili et les cinq membres du Conseil de sécurité (Etats-Unis, Russie, Chine, France, Grande-Bretagne) plus l'Allemagne et l'UE, risque de tourner court. Que se passera-t-il alors ? L'Europe souhaite durcir les sanctions (un embargo sur les exportations de pétrole raffiné vers l'Iran) et les appliquer fin septembre. Barack Obama rechigne à ouvrir un nouveau front de crise et veut attendre la fin de l'année. La Chine et la Russie les refusent. Sans compter que Téhéran pourrait probablement faire contourner les nouvelles sanctions en se tournant encore plus résolument vers l'Asie à laquelle elle fournit déjà son brut. L'impuissance occidentale ressemble à une impasse.