À l'initiative du ministère de la Solidarité, de l'insertion sociale et de la famille, la 21ème Campagne nationale de lutte contre la violence à l'égard des femmes et des filles a été lancée cette semaine. Son thème central est "La violence est condamnée. Mobilisons nous pour la signaler en tous lieux". Se poursuivant jusqu'au 10 décembre, cette nouvelle campagne a pour objectif " d'assurer un environnement sûr permettant de protéger les femmes et les filles des différentes formes de violence", annonce le ministère. Lancée en partenariat avec le Fonds des Nations Unies pour la Population ( UNFPA ) et avec l'appui du ministère des affaires étrangères du Danemark, cette initiative coïncide avec l'organisation de la campagne " Tous UNiS ". Seize jours d'activisme lancés par l'ONU pour prévenir la violence à l'égard des femmes et des filles. Dénonçons la violence ! Expliquant le choix de l'axe central de cette 21ème campagne, la ministre de la Solidarité, de l'insertion sociale et de la famille a insisté sur l'importance de la sensibilisation et de la promotion de la culture du rejet de la violence auprès des différentes composantes de la société marocaine. Aawatif Hayar a, par ailleurs, souligné l'aspect impératif de la dénonciation des actes de violences à l'encontre des femmes pour lutter contre l'impunité.: "Le ministère est déterminé à faire de cette campagne une étape cruciale pour la mobilisation sociétale, la préservation des acquis et la création d'un environnement sain rejetant toute forme de violence et de discrimination". Un souci partagé par les activistes féministes qui n'ont pas raté cette occasion pour revenir à la charge. Déplorant les statistiques et les chiffres inquiétants des violences faites aux femmes au Maroc, ces associations constatent "l'inefficacité" des lois en vigueur. " La loi 103-13 doit faire l'objet d'une révision intégrale pour optimiser la prévention de la violence, renforcer la protection des femmes, favoriser la prise en charge des victimes et la pénalisation des agresseurs ", réclame Bouchra Abdou, directrice de l'association Tahadi pour l'égalité et la citoyenneté ( ATEC). Une loi inneficace Même constat de la part de Amina Lotfi, présidente de l'Association démocratique des femmes du Maroc (ADFM). " La loi 103-13 n'a fait que réviser certains articles du Code pénal sans répondre pour autant aux standards internationaux. Pour une meilleure efficacité, il faut absolument aligner ses dispositions avec la Constitution de 2011 et les conventions internationales ratifiées par le Maroc ", réclame la présidente de l'ADFM. 82,6% de femmes marocaines ont subi au moins une forme de violence durant leur vie Pour la directrice de l'ATEC, il est temps de créer l'Instance de la parité pour mieux lutter contre toutes les formes de discriminations et offrir un cadre institutionnel à cette lutte. " En attendant , la révision intégrale de la loi 103-13 est une urgence pour protéger les femmes des violences aussi bien dans l'espace public, privé ou numérique ", insiste Abdou. " Au bout de cinq ans d'application, la situation des femmes n'a fait que s'aggraver notamment en termes économiques. La crise a frappé de plein fouet et d'une manière plus prononcée la gent féminine. Un double calvaire que la loi 103-13 n'a nullement arrangé ", fustige la militante féministe en réclamant la révision immédiate de cette loi. En quoi consiste la révision espérée ? " Commencer par les définitions claires et précises de toutes les formes de violence afin d'éviter les mauvaises interprétations et autres "détournements", et définir aussi les responsabilités de tous les intervenants des actions de lutte anti-violence contre les femmes ( police, justice..) " s'accordent à réclamer les activistes féministes. D'après ces dernières, la loi doit spécifier les mesures adéquates et précises permettant aux autorités concernées le déclencher les enquêtes, sanctionner les agresseurs et réparer les préjudices subis par les victimes. Indémontables, les associations en appellent à l'abrogation des articles permettant aux coupables d'échapper aux poursuites judiciaires si toutefois la victime choisit ou "est forcée" de retirer sa plainte. " Nous réclamons également le groupement de tous les textes et des lois concernant la violence numérique contre les femmes dans un seul Code de lutte anti-violence numérique ", ajoute-t-on auprès de l'ATEC. Chiffres inquiétants Selon l'enquête nationale sur les violences faites aux femmes, menée par le HCP en 2019, sur une population de 13,4 millions de femmes et filles âgées de 15 à 74 ans, plus de 8 femmes sur 10 ont subi au moins une forme de violence durant leur vie (82,6%). Cette prévalence globale est encore plus élevée dans certaines Régions du Maroc, notamment à Casablanca-Settat (92,8%), Beni-Mellal-Khénifra (92,5%), Tanger-Tétouan-Al Hoceima (91%) et Souss-Massa (90,3%). Elle est, cependant, moins élevée dans d'autres régions, comme l'Oriental (71,3%), les Régions du sud (76,3) et Draa-Tafilalt (78%). " Ces pourcentages très élevés illustrent l'aspect structurel de la violence dans la société marocaine " commente le HCP. Gagnant du terrain, la violence numérique et électronique représente désormais 19 % de toutes les formes de violence faites aux femmes. Elle touche près de 1,5 million de Marocaines. Un chiffre qui reste assez relatif et à revoir à la hausse vu la loi du silence pesant sur ce type d'affaires et empêchant les victimes de dénoncer leurs bourreaux. Ce pourcentage monte toutefois en flèche chez les filles âgées de 15 à 19 ans pour atteindre 34% et 28 % chez les jeunes femmes âgées de 20 à 24 ans. L'incidence de ce type de violence est nettement plus élevée chez les jeunes femmes (29%), les diplômées de l'enseignement supérieur (25%), les femmes seules (30%) et les étudiantes (36 %).