La dette publique en Afrique a connu une augmentation rapide en pourcentage du PIB, exacerbée par la pandémie de Covid-19 et la crise de l'Ukraine. La région subsaharienne a été particulièrement touchée, atteignant un ratio dette/PIB d'environ 56% l'année dernière, le niveau le plus élevé depuis les années 2000. «Il y a une pression sur le financement, à la fois dans le monde entier, mais surtout en Afrique », lance d'emblée la ministre de l'économie et des finances, Nadia Fettah Alaoui, lors de la 1ère édition africaine du forum Bloomberg New Economy tenu à Marrakech. Aggravation de la crise de la dette Selon elle, cette crise de la dette est due à des chocs provenant de l'extérieur de l'Afrique notamment la hausse du dollar qui affecte les devises sur le continent. « Cela entraîne une évaluation disproportionnée des risques en Afrique, avec une prime de risque environ trois fois plus élevée que dans les marchés émergents », déplore la ministre. De son côté Abebe Aemro Selassie, directeur du département Afrique chez le Fonds monétaire international, note qu'avant la pandémie, la région faisait déjà face à des vulnérabilités en matière de dette, mais les pays investissaient principalement dans des secteurs importants tels que l'infrastructure, la santé et l'éducation. « L'augmentation de la dette était considérée comme une approche appropriée, mais les gouvernements ont négligé de collecter les retours sur investissement grâce à un système fiscal adéquat », explique le représentant du FMI ajoutant que la situation s'est détériorée avec l'arrivée des récents chocs, dont la plupart des pays sous-estimé l'impact brutal sur la région. « Les pays qui manquaient de résilience et dont les marchés financiers étaient peu développés sont poussés à bout, et certains sont même confrontés à des problèmes de solvabilité ». Pour Anne-Laure Kiechel, fondatrice et directrice générale, de global sovereign advisory, Il est insoutenable d'emprunter sur les marchés financiers à des taux de 8%, 9% ou 10%, surtout lorsque les dépenses sont principalement orientées vers des secteurs sociaux tels que la santé et l'éducation. « Bien que ces investissements génèrent des rendements à long terme pour la population, il est nécessaire de trouver des solutions pour réduire le fardeau de la dette », affirme-t-elle ajoutant que les institutions financières internationales ont un rôle important à jouer dans ce domaine, et des approches innovantes, telles que le financement mixte en combinant différentes sources de financement, peuvent contribuer à réduire les coûts. Comment s'en sortir ? Pour sortir de cette crise de la dette, un engagement fort de toutes les parties prenantes est essentiel. « En tant que décideurs politiques, nous avons certainement la responsabilité d'adopter les politiques appropriées pour gérer cette crise de la dette et créer les bonnes conditions de croissance. Mais je pense que la communauté internationale a également un rôle à jouer et qu'elle a le devoir d'aider l'Afrique à résoudre cette crise, face à ces chocs sans précédent auxquels nous sommes confrontés », recommande la ministre. Face à une dette clairement insoutenable, la restructuration de la dette est une option à envisager, de l'avis de Abebe Aemro Selassie. D'après Anne-Laure Kiechel, le manque de récupération fiscale adéquate a également contribué à l'insuffisance des ressources fiscales, aggravant ainsi le fardeau de la dette. « Cela limite considérablement la marge de manœuvre fiscale des pays, qui se retrouvent confrontés à des choix difficiles entre rembourser la dette ou investir dans des secteurs cruciaux tels que la santé et l'éducation », regrette t-elle. Pour elle, la situation nécessite une attention urgente, tout en reconnaissant que des solutions à long terme sont également nécessaires pour favoriser des économies durables axées sur les exportations et la croissance économique. Cependant, cette transition prendra du temps et nécessitera une approche à long terme. « La difficulté réside dans l'équilibre entre les besoins immédiats à court terme et les mesures à long terme, ce qui constitue le défi actuel auquel nous sommes confrontés », résumme Kiechel. Améliorer la collecte fiscale Aminu Umar-Sadiq, directeur général de Nigeria Sovereign Investment Authority préconise ainsi d'améliorer la collecte fiscale, notamment en renforçant la confiance entre le gouvernement et les contribuables. Selon lui, l'amélioration des recettes fiscales offrent une source de financement plus efficace que l'endettement. Avis partagé par Abebe Aemro Selassie qui recommande de son côté, d'avoir le courage de collecter davantage les impôts en élargissant l'assiette fiscale et en réduisant les incitations fiscales non essentielles et lutter contre les pratiques visant à minimiser la charge fiscale. « Cette combinaison de mesures permettra d'augmenter progressivement le ratio impôts/PIB au fil du temps. L'expérience montre que les pays peuvent augmenter leur collecte fiscale d'environ un demi-point à un point de pourcentage du PIB par an.», fait-il savoir. Au Maroc, des mesures ont été prises pour renforcer la confiance des entreprises et assurer une visibilité à moyen et long terme en matière de fiscalité. Cela a permis d'augmenter les recettes fiscales de 21 % en 2021 et de 17,4% en 2022. Nadia Fettah Alaoui a mis l'accent aussi sur le rôle de la protection sociale dans l'augmentation des recettes fiscales. « Lorsque les personnes voient les avantages de la sécurité sociale, comme l'accès aux soins médicaux, elles sont plus disposées à payer leurs impôts », admet-elle. Défis à relever Les négociations pour établir un cadre commun de résolution de la dette ont été confrontées à des défis et à des retards. Selon la ministre des finances, des progrès ont été réalisés, avec certains pays bénéficiant déjà de traitements de dette et d'autres étant engagés dans des discussions actives. D'après elle, il est essentiel de reconnaître la diversité des créanciers et la complexité du paysage de la dette, à la fois au niveau bilatéral et multilatéral. Elle soulève la question de la représentation insuffisante de l'Afrique dans les instances décisionnelles internationales et appelle à une réforme de la gouvernance pour assurer une représentation adéquate. LIRE AUSSI Partenariats public-privé. accélérateurs d'investissements en Afrique L'Afrique doit investir environ 100 milliards de dollars par an dans les infrastructures si elle veut tirer parti de son potentiel économique. Mais, dans un contexte où les ressources financières publiques sont souvent limitées, les partenariats... Pour résoudre la crise de la dette en Afrique, il est crucial selon les experts, de fournir un financement extérieur concessionnel afin d'aider les pays à faire face à leurs problèmes de liquidité et de les soutenir dans des investissements essentiels tels que la santé, l'éducation et les infrastructures. Cela contribuera, selon eux, à créer une région résiliente à long terme. Il est également important que les créanciers fassent preuve de responsabilité envers les pays débiteurs. Ces derniers doivent de leur côté, s'engager en matière de gouvernance, de durabilité et d'utilisation judicieuse des fonds. En conclusion, la résolution de la crise de la dette en Afrique nécessite des solutions à court terme et des mesures à long terme. Un engagement fort, des réformes structurelles, un financement extérieur concessionnel et une gestion fiscale adéquate sont nécessaires pour surmonter les défis actuels et créer une région résiliente à long terme. LIRE AUSSI Live. 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