Célébrités anti-botox « J'ai envie de découvrir à quoi je ressemblerai une fois vieille. Et puis, je veux que mes enfants sachent quand je suis en colère, quand je suis heureuse et quand je suis perplexe », c'est une déclaration de l'actrice américaine Julia Roberts qui a toujours refusé de se faire « botoxer ». Sa collègue la talentueuse Naomi Watts, ne croit pas non plus à la chirurgie esthétique et spécialement au botox. « La plupart des personnages que j'incarne connaissent des bouleversements émotionnels. Si j'avais le visage engourdi, comment pourrais-je jouer ce rôle ? », déclare l'actrice au magazine Allure. Kate Winslet et Rachel Weisz sont également formelles. « Je suis une actrice, je ne veux pas figer les expressions de mon visage. Je ne céderai jamais », affirme Winslet qui a fondé avec Weisz la «British Anti-Cosmetic Surgery League » en 2011. « Le Botox devrait être interdit pour les acteurs, comme les stéroïdes le sont pour les sportifs. Jouer la comédie c'est être expressif », tranche Rachel Weisz. Une prise de position catégorique de la part des stars qui s'exposent à longueur de temps aux objectifs des caméras et aux regards des téléspectateurs. Ruiner « son capital » en s'injectant du botox au visage, l'actrice Nicole Kidman en a fait l'amère expérience il y a quelques années. Avec un visage figé et inexpressif, la star très courtisée a été mise au placard pendant une longue durée par les réalisateurs et les producteurs... Le temps qu'elle recouvre son apparence « humaine ». Largement démocratisé, effet réseaux sociaux aidant, le botox est loin d'être l'apanage des célébrités. En 20 ans, les injections de Botox ont augmenté de 459% en devenant la procédure cosmétique non chirurgicale la plus populaire chez les femmes et les hommes aussi. Etude troublante Les résultats de l'étude réalisée par l'Université de Californie à Irvine et AbbVie, une société de biotechnologie fabriquant du Botox, confirment d'ailleurs ces craintes. Les chercheurs ont effectué des analyses d'imagerie par résonance magnétique (IRM) sur des femmes de 33 à 40 ans. Ces scintigraphies cérébrales ont été opérées avant l'injection du Botox dans le front, puis trois semaines plus tard à titre comparatif. L'expérience consistait à présenter à ces femmes des photos de visages neutres, heureux ou en colère. Les mêmes clichés leur ont été montrés après l'injection au Botox. Les sujets ont été invités ensuite à interpréter les émotions véhiculées par les photos. Surprise ! En analysant les résultats, les chercheurs ont découvert que l'activité cérébrale des femmes a été altérée au niveau de l'amygdale. Cette partie du cerveau reçoit en effet les informations sensorielles et les évalue en permettant au cerveau de décoder les stimuli pour orienter et dicter des réactions comportementales. D'après les chercheurs, ces résultats viennent confirmer l'hypothèse de la rétroaction faciale. Explication ? Les êtres humains reflèteraient instinctivement les expressions faciales des autres pour pouvoir les identifier et ressentir l'émotion derrière. La paralysie des muscles faciaux causée par le botox désactive ainsi les capacités empathiques chez un individu en l'empêchant d'interpréter les émotions d'autrui. Le botox finira par créer des « robots » insensibles aux visages figés ? Eléments de réponses avec le psy dans l'entretien. Trois questions au psy Bernard Corbel, psychologue clinicien « Il faut s'inquiéter de cet effet du botox » L'Observateur du Maroc et d'Afrique : A quel point les résultats de cette étude sont-ils inquiétants ? Bernard Corbel : Effectivement on peut se poser la question : Faut-il s'inquiéter ? Est-ce que le botox fabriquerai des êtres froids incapables d'empathie ou avec une empathie diminuée tout en bénéficiant des effets thérapeutiques bénéfiques et stabilisateurs d'humeur ? Oui, la question de l'empathie est problématique parce que cette capacité est essentielle au fonctionnement des humains qui sont des êtres sociables vivant d'une manière collective et interactive. Dans les supplices, retenir une personne prisonnière c'est limiter ses interactions. Le pire c'est de lui infliger l'isolement total ce qui provoque une détérioration progressive du cerveau. Ceci dit, il y a certes une certaine inquiétude à avoir par rapport à cet effet secondaire du botox et surtout une réflexion à mener à ce sujet. A votre avis, le botox qui fige l'expression du visage, finira-t-il par « figer » les émotions et affecter la capacité d'empathie chez les personnes botoxées ? L'empathie c'est la capacité qui nous permet de nous mettre à la place de l'autre et de nous identifier à autrui et ressentir ce qu'il ressent et à le comprendre en profondeur. Les Humains n'ont pas de finalité individuelle. Ce sont des êtres qui sont en interaction les uns avec les autres en particulier à travers leurs émotions. Ces dernières ont cette capacité extraordinaire de se transmettre, d'être émises et d'être reçues. Cela se fait notamment par des indications qui apparaissent sur les traits du visage et en particulier la zone frontale. Lorsque cette zone est « figée » par le botox, l'empathie peut être diminuée car ces interactions se font à double sens. Il y a toujours une émission et une réception pour les individus en interaction. C'est-à-dire que lorsqu'une personne botoxée envoie des signaux de paix et de tranquillité, ça peut être nuisible dans le cas où ce « visage calme » ne correspond pas vraiment aux émotions réelles et à l'agitation ressenties et se cachant derrière ce masque impassible. Le botoxé qui serait dans un état « agité » avec des besoins accentués ne saurait pas les exprimer et ne serait pas reconnu par l'autre comme ayant ces besoins. L'empathie en prend ainsi un sacré coup ! Je voudrais également signaler l'importance du système des neurones miroirs. Ces derniers permettent l'ajustement des individus les uns par rapport aux autres. Une compréhension mutuelle qui permet de faire équipe au bureau, dans les grandes entreprises, les chantiers, en football ou encore dans les armées. Tous les individus ont besoin de se coordonner rapidement et instinctivement. Cela se fait par les neurones miroirs dont la fonction est perturbée par l'effet du botox. Les études démontrent toutefois que le botox a un effet antidépresseur. Comment est-ce possible ? Ce résultat s'appuie sur cette notion d'expression et d'échanges faciaux. Il y a un effet antidépresseur dans la mesure où la personne botoxée est habituée à se lire et lire son reflet, sans le savoir, dans le regard des autres. C'est un peu comme un miroir, le reflet est de meilleure qualité avec le botox qui fige l'expression. L'autre lui renvoie ainsi une image plus tranquille, plus paisible. Ceci tend, par rétroaction, à diminuer les niveaux de dépression et d'angoisse chez le botoxé. D'autres études ont montré néanmoins que la toxine botulique arrive à pénétrer dans le système nerveux et atteindrais des cibles dans le cerveau. Cela peut se concevoir aussi parce que ce sont des systèmes communicants en perpétuelle interaction les uns avec les autres. La rétroaction faciale n'est donc que l'une des hypothèses les plus probables qui sont retenues scientifiquement.