L'échange a été bref : la rencontre avec Elisabeth Borne, la première depuis le début en janvier d'une vaste mobilisation contre la réforme, a duré moins d'une heure et s'est conclue par un «échec», selon les huit organisations regroupées en intersyndicale. «Nous avons redit à la Première ministre qu'il ne saurait y avoir d'autre issue démocratique que le retrait du texte. La Première ministre a répondu qu'elle souhaitait maintenir son texte, une décision grave», a déclaré le président du syndicat de la CFTC, Cyril Chabanier, au nom de l'intersyndicale. Les syndicalistes avaient prévenu qu'ils quitteraient la réunion si Elisabeth Borne refusait de parler du recul de l'âge de départ, la mesure-phare de cette réforme qui alimente la colère depuis plusieurs semaines en France et qui sera au cœur d'une 11e journée de mobilisation prévue jeudi. Borne qui recevait les organisations à Matignon pour la première fois depuis le 10 janvier, avait promis d'être «à l'écoute de tous les sujets», en dépit de «points de désaccord», et espérait pouvoir aborder d'autres réformes à venir, notamment sur la pénibilité au travail ou le partage des richesses. «Nous refusons de tourner la page et d'ouvrir, comme le propose le gouvernement, d'autres séquences de concertation», lui a répondu l'intersyndicale mercredi. Le gouvernement français, qui a fait adopter la réforme des retraites le 16 mars sans passer par un vote à l'Assemblée nationale, espérait renouer le fil du dialogue tandis que les syndicats avaient prévenu qu'ils continueraient de réclamer le retrait de ce texte voulu par le président Emmanuel Macron, qui relève de 62 à 64 ans l'âge de départ à la retraite. Depuis fin janvier, cette réforme très impopulaire selon les enquêtes d'opinion a généré en France une mobilisation quasi hebdomadaire inédite, poussant dans la rue jusqu'à 1,3 million de personnes le 7 mars (selon les autorités). Et ces manifestations ont connu un regain de tensions après l'adoption sans vote de la réforme au Parlement, via l'article 49.3 de la Constitution, qui symbolise selon l'opposition de gauche et certains syndicats une crise bien plus profonde. Chef de file du parti de gauche radicale LFI, Jean-Luc Mélenchon a ainsi accusé la Première ministre de se «mur(er) dans le déni de réalité» et de transformer, par son «obstination», «une crise sociale en crise politique». Syndicats et gouvernement ont désormais les yeux tournés vers le Conseil constitutionnel qui dira le 14 avril si cette réforme est conforme à la loi fondamentale française. Les Sages se prononceront également ce jour-là sur la validité d'un texte déposé par l'opposition de gauche qui pourrait ouvrir la voie à un référendum sur les retraites.