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Algérie « Un simulacre de transition ne réglera rien »
Publié dans L'observateur du Maroc le 28 - 04 - 2014

Politologue et chercheur algérien associé à l'Institut français de recherches et d'études sur le monde arabe et musulman (IREMAM), Mohammed Hachemaoui a publié en 2013 « Clientélisme et patronage dans l'Algérie contemporaine », un ouvrage basé sur des enquêtes sociologiques (Editions Karthala-Iremam).
L'Observateur du Maroc : Sans surprise Abdelaziz Bouteflika a été réélu. Pourquoi le système l'a-t-il finalement reconduit alors que Gaïd Salah, le chef d'Etat major de l'armée et le général-major Toufik Mediene qui dirige depuis 1990 le DRS, les services de renseignements, semblaient en désaccord sur un quatrième mandat ?
Mohammed Hachemaoui : Bouteflika 4 est un compromis par défaut arraché in extremis par ces deux principaux protagonistes de l'oligarchie militaire.
Il ne s'agit pas d'un modus vivendi mais d'une trêve précaire avant les grandes manoeuvres pour savoir comment reconfigurer le système politique au lendemain du départ – inévitable – de Bouteflika.
Abdelmalek Sellal (le premier ministre qui a fait campagne à la place de Bouteflika, ndlr) a lui même affirmé dans un meeting que ce dernier « transmettrait le flambeau à la jeune génération au plus tard en 2015 ».
Quant au DRS, il n'était pas, contrairement à ce qu'il a fait croire, opposé à ce 4e mandat qui rend un immense service à Toufik.
La police politique peut ainsi canaliser le mécontentement populaire à travers le rejet de ce vieillard malade afin de mieux préserver les autres secteurs du système, à commencer par la police politique et l'armée.
Tel est le principal enseignement tiré par le DRS, qui monopolise l'ingénierie politique du système, des soulèvements populaires arabes et des recompositions politiques qui s'en sont suivies – notamment en Egypte où l'armée a sacrifié Moubarak afin de mieux préserver l'Etat dans l'Etat et l'empire économique que constitue l'institution militaire dans ce pays.
Dans le cas algérien, Bouteflika et ses deux frères, le « patron » du FLN, Amar Saadani, un ou deux tycoons réputés pour leur proximité avec le « clan présidentiel » sont des cibles toutes indiquées pour servir de fusibles le moment venu.
Il s'agit d'autre part de donner l'illusion que le DRS est déstructuré et en déclin sous les coups de butoir du président qui, depuis septembre 2013, aurait engagé une épreuve de force avec Toufik en limogeant notamment ses deux principaux lieutenants, les généraux Tartag et M'henna.
Or, le Journal Officiel n'a toujours pas publié leur mise à la retraite et Tartag est aujourd'hui à l'Etat-major ! Qui peut croire qu'un président quasi impotent et neutralisé politiquement au moins depuis le remaniement gouvernemental de 2010 – qui l'a privé de ses deux « tours stratégiques », Nourredine Zehrouni à l'Intérieur et Chakib Khelil à l'Energie – et la divulgation, par le DRS, de dossiers de grande corruption impliquant son premier cercle, a pu réussir ce qu'il n'a pu obtenir en quinze ans de règne : assumer un leadership réel et mettre sur pied ce ministère de la sécurité qui entendait prendre les services de sécurité sous son aile...
Au final qui gouverne en Algérie ?
Il faut distinguer deux niveaux d'analyse: « qui décide ? » – le haut commandement militaire – et « qui impose les décisions » sur le terrain ? Le deuxième niveau soulève la question, fondamentale, du « pouvoir infrastructurel » qui, dans les années 1960, 1970 et 1980, comprenait l'Armée, les services de renseignements, le Parti, la technostructure, les sociétés nationales, les banques publiques, l'administration, la centrale syndicale, l'association des moudjahiddin... La survie du système autoritaire décidée manu militari en janvier 1992 a peu à peu contribué, à l'ombre des purges, de la répression et de la politique des sales coups, à confondre ce pouvoir infrastructurel avec la police politique.
Celle-ci s'est transformée en ce que j'appelle un Etat profond.
La sortie en 2004 du chef d'Etat-major Mohamed Lamari après son impéritie à s'opposer au deuxième mandat de Bouteflika illustre bien cette mutation et montre que seul le DRS dispose d'un réel pouvoir infrastructurel en mesure d'imposer ou de défaire sur le terrain les décisions prises au sommet.
Depuis la sortie notamment des généraux Mohamed Lamari, Larbi Belkheir, le cercle des « décideurs » s'est donc rétréci considérablement.
Le patron des services peut contourner le veto du chef d'Etatmajor grâce à l'Etat profond qu'il a érigé ces 25 dernières années.
Les nouveaux millionnaires algériens sont-ils impliqués même indirectement à la décision ?
Ces magnats doivent leur fortune au « capitalisme de copinage », c'est-àdire à ce système de faveurs qui préside aux transferts de rente, à l'octroi des oligopoles et autres faveurs fiscales.
Aspirant à devenir oligarques, ils sont « tenus » et n'ont aucune marge d'autonomie politique.
Vous avez fait allusion à la corruption. Quel rôle joue-t-elle ?
Dès avant l'indépendance, l'oligarchie militaire a érigée la corruption en mode de régulation des conflits.
Ultima ratio, la corruption permet de neutraliser les concurrents, de discréditer les adversaires, de fragmenter l'élite politique.
Chaque fin de règne est ainsi agitée par le déballage d'affaires de grande corruption...
Pourquoi le régime a-t-il organisé cette fausse compétition ?
C'est une élection sans la démocratie qui consacre l'exclusion politique : il n'y figurait ni islamiste ni « poids lourd ».
Elle vise, comme toutes celles qui l'ont précédé depuis 1995, à reconduire le système autoritaire.
Le DRS entend, lui, prendre prétexte de la reconduction d'un homme impotent pour imposer, dans la révision annoncée de la Constitution, soit un viceprésident soit plus de prérogatives régaliennes au chef du gouvernement, des législatives anticipées pour recomposer une Algérie de façade par « partis d'opposition », « icônes » du « renouveau de la société civile » et télévisions privées interposés.
Le plan du DRS, c'est de vendre la « relève générationnelle » de l'élite civile et militaire et des généraux majors Gaïd Salah et Mediene, comme un changement en soi du système ! C'est un faux semblant, une réforme cosmétique qui épargnera les arrangements institutionnels du système autoritaire, à commencer par l'omnipotence de la police politique.
Cette situation reflète aussi le vide politique du pays. Comment l'expliquer?
En 1992, la volonté de perdurer du régime a laminé la société par la répression, les coups tordus, les manipulations, les assassinats politiques... L'action conjuguée de la généralisation de la violence, de la corruption et de cette politique des coups tordus a brisé les ressorts des sociétés civile et politique... En contrepartie, on a fabriqué une classe politique factice qui participe à l'autoritarisme électoral consacrant l'exclusion, cautionne des parlements croupions, participe à des gouvernements non représentatifs et s'inscrit dans des réseaux clientélistes de cooptation et de corruption... Cela a fini par affaiblir sinon laminer les intermédiations entre gouvernement et société.
Vingt cinq ans plus tard, on en voit le triste résultat : des partis dits d'opposition sans ancrage populaire que les Algériens ne distinguent guère du système.
Voilà pourquoi les conflits sociaux prennent souvent la forme d'émeutes, de jacqueries, de conflits tribaux, et ne sont jamais encadrés par la société civile ou les partis politiques.
Les intermédiaires représentatifs comme les syndicats autonomes et l'association des chômeurs sont en revanche la cible prioritaire de la répression et de la corruption.
C'est pour cela que les chan- gements cosmétiques programmés dans le cadre de cette « transition » annoncée ne règleront rien.
Le régime surfe beaucoup sur le traumatisme de la guerre civile pour faire peur aux Algériens et signifier qu'il était le seul « garant de la stabilité ». Cet argument prend-il vraiment ?
Le régime joue sur ce symptôme post-traumatique afin d'empêcher l'émancipation de la société.
Il entend ainsi empêcher l'intrusion, dans le conflit qui se joue au sommet, d'un acteur incontrôlable : la rue.
Mais la peur ne touche pas toute la société de la même façon : les jeunes vivant dans les ghettos urbains ou rurbains sont moins concernés par la peur que leurs aînés, sans doute parce que dans leur vie quotidienne, la violence est banalisée.
Ils peuvent même défier des policiers armés sans la moindre peur... Le régime laisse d'ailleurs s'exprimer leur violence, ferme les yeux quand ils privatisent des rues et s'auto-proclament « chefs de parkings ».
C'est une sorte de compromis : « on vous laisse faire vos petits business, mais pas plus »…
Le débat porte nécessairement aujourd'hui sur le rôle de l'armée et du DRS.
Des personnalités comme Mouloud Hamrouche estiment qu'aucun changement ne peut se faire contre l'armée et en appellent à ceux qui, en son sein, sont inquiets de la dégradation de la situation de l'Algérie... Est-ce une illusion de miser sur les nouvelles générations de militaires?
Si le DRS veut contourner la collégialité du haut commandement de l'armée, c'est parce que des officiers supérieurs soutiennent des hommes comme Hamrouche.
Ceux qui aujourd'hui reprochent à ce dernier « d'appeler à un putsch » et disent qu'il « ne faut pas s'adresser à l'armée » roulent encore pour le DRS, lequel entend, par le truchement de l'Etat profond, mettre le haut commandement de l'armée devant le fait accompli.
Le nouveau ne vient pas de rien : l'armée est la colonne vertébrale de ce système, aucune sortie de ce système ne peut se faire contre elle.
Seule une véritable révolution serait en mesure de réaliser l'exception.
Or les auteurs de ces appels, qui ne disposent pas d'ancrage populaire, n'appellent pas à faire la révolution.
Sur quoi comptent- ils alors s'appuyer pour réussir la transition démocratique ?
Une transition est-elle au final possible ? Et avec qui ?
La transition vendue actuellement par les relais politiques et médiatiques du DRS est un trompe l'oeil.
Il n'y aura pas de changement profond et réel du système autoritaire sans un démantèlement des arrangements institutionnels liant pouvoir et richesse, autoritarisme et corruption.
La police politique est au coeur de ces arrangements.
Le gouvernement du réformateur Mouloud Hamrouche (1989 et 1991) a entamé ce travail à travers la suppression de la « fiche bleue » (ces enquêtes d'habilitation de la police politique qui conditionnent toute nomination dans l'administration publique civile et militaire), du ministère de l'information, des moudjahidines, la suppression des tribunaux d'exception, l'autonomie des entreprises publiques, l'indépendance institutionnelle de la Banque d'Algérie, la libéralisation du champ politique, médiatique et associatif... Un changement véritable du système ne pourra pas faire l'impasse sur la reddition des comptes, pas davantage sur le travail de la justice et du pardon.
Or, les feuilles de route de la transition déroulées depuis quelques semaines font précisément l'impasse sur ces questions.
Que veut dire une transition qui maintienne et renforce le poids du « capitalisme de copinage » et qui ne démantèle pas la pieuvre institutionnelle de la police politique ? ❚


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