Cet été, ceux qu'on appelle - abusivement - les politiques n'ont pas chômé. Ils ont animé un processus électoral très long pour élire les bureaux des communes, puis ceux des chambres professionnelles et enfin les conseils provinciaux. Tout ceci dans la perspective du renouvellement du tiers de la chambre des conseillers qui concerne tous les collèges. Ce processus n'a pas échappé à la règle. L'argent a coulé à flots, et surtout aucune alliance politique n'a tenu la route. Plus grave, pour l'élection des conseils provinciaux, ce sont les listes S.A.P qui arrivent en tête. Or, lors des communales, les sans appartenance politique ont constitué un phénomène très marginal et peu d'entre eux ont été élus. Nous sommes face à des conseillers communaux, élus sous une étiquette partisane et qui se présentent aux conseils provinciaux en SAP, contre la liste du parti qui les a présentés ! Les ambitions personnelles expliquent cette migration affligeante. Les alliances d'individus ont abouti à des listes transversales sans logique politique et cela a marché puisque ces listes se sont imposées un peu partout avec des scores qui les situent en première place souvent. Ainsi un membre du bureau politique de l'UC a concocté une liste SAP dont il a pris la tête, une liste UC qu'il a confiée à son frère et s'est allié avec deux autres listes, l'une SAP et l'autre partisane. Résultat, il est à la tête du conseil provincial et a repris sa casquette UC ! L'opposition en tête ! Le PAM a gagné le plus de sièges, suivi de l'Istiqlal, du RNI et de l'USFP. A eux quatre, ces partis totalisent 47,2% des sièges au sein des conseils provinciaux. Des résultats peu conformes à ceux du 12 Juin, mais qui se soucie de cohérence dans cette foire d'empoigne ? Le PAM, ayant aussi remporté les élections des chambres professionnelles, ne cache plus son ambition : prendre la présidence de la chambre des conseillers qui paraît promise au parti de Fouad Ali El Himma, malgré les défections en nombre qu'il a enregistrées. Cela signifie que la deuxième chambre sera tenue par l'opposition. Or elle a toutes les compétences, y compris celle de faire tomber le gouvernement. C'est une pression supplémentaire sur le cabinet El Fassi, déjà très souffreteux. Ce même gouvernement subit d'autres pressions, encore plus puissantes. Les syndicats, eux aussi en période électorale, promettent une flambée sur le front social. Le gouvernement, qui a perdu ses largesses budgétaires puisque les recettes fiscales ont largement baissé, ne peut tenir ses promesses. L'affrontement est plus que probable entre des centrales qui se sentent flouées et un gouvernement pressé par Bank Al-Maghrib de ne pas céder et laisser filer les déficits. C'est une pression d'autant plus importante que l'image du cabinet chez l'opinion publique n'est pas bonne et ce depuis son installation. Le tempo du Roi Mais la plus forte pressions vient du souverain lui-même. Lors de ses derniers discours, le Roi n'a pas manqué de demander au gouvernement une accélération de ses efforts, autour des réformes en cours. Il a établi une feuille de route qui prévoit l'élargissement de l'élaboration de la réforme au-delà de l'exécutif. La réaction du gouvernement a été rapide : deux conseils du gouvernement successifs pour remettre à plat les dossiers et la constitution de groupes de travail. Aller plus vite en besogne avec une obligation de résultats, tel est le challenge fixé. Cela nécessite des modes de gouvernance en rupture avec ceux qui ont présidé jusqu'ici. Les réformes de l'éducation nationale et de la justice sont des priorités, mais aussi des zones de conflit avec des lobbies très puissants. Elles nécessitent créativité et détermination pour accélérer le mouvement dans le bon sens. Les autres programmes d'investissement, des questions comme celle de la grippe porcine ou encore le code de la route ne sont pas moins pressantes. On le voit, la rentrée n'est pas de tout repos. Le gouvernement risque de payer un lourd tribut à ces deux tares originelles. Les conditions de sa constitution l'ont plombé dès le départ. Il ne bénéficie ni de l'aura démocratique qui a été celle du premier gouvernement Youssoufi, ni de l'image technocratique de Driss Jettou. A cela s'ajoutent les effets de l'affaire Ennajat sur l'image du Premier ministre. La deuxième tare est celle de la communication. Elle est mauvaise collectivement parce que la primature est absente médiatiquement et individuellement, parce que la plupart des ministres sont tièdes. Même des gens comme Taoufik Hejira ou Karim Ghellab, bons communicateurs il y a quelques années, paraissent timorés, voire tétanisés. Or le gouvernement aura besoin d'un réel soutien de l'opinion publique sur l'ensemble des dossiers classés prioritaires. S'il ne réussit pas cet examen de passage, le cabinet El Fassi installera un peu plus l'idée d'un exécutif incapable de suivre le tempo royal, ce qui n'est pas bon pour les institutions ou la construction démocratique. C'est aussi l'un des enjeux de cette rentrée à hauts risques !