Le débat à propos de la réforme en urgence de la Moudawana reprend de plus belle après les déclarations choquantes de l'actrice Jamila El Haouni sur la chaîne M24. « Je vis dans la terreur à l'idée de perdre la garde de mon enfant en me remariant. Mon ex-mari m'en a littéralement menacé si je décide un jour à me remarier », se confie l'actrice dans l'émission « Le monde de Chahrazad ». L'ex-mari en question n'est autre que l'acteur Amine Naji. Divorcés, les ex-époux s'affrontent actuellement devant la justice pour la tutelle légale de leur fils. « Même s'il n'est pas présent dans la vie de notre fils, ne s'en charge pas financièrement... Il entrave cependant le cours normal de sa vie. Il l'a déjà empêché de faire ses études dans les missions étrangères. Dernièrement, il l'a privé d'un voyage en Espagne pour aller s'entrainer à Barcelone et jouer un match amical », raconte, désolée, l'actrice. "Jamais sans ma tutelle" D'après El Haouni, même en ayant la garde de l'enfant, « Naji persiste à prendre en otage leur vie à tous les deux », d'où le procès intenté en justice devant le tribunal de la famille à Rabat. « Je veux avoir la tutelle légale de mon fils et le droit de décider de son avenir et des détails de sa vie de tous les jours. Je suis la personne la plus indiquée pour cette responsabilité étant sa mère » réclame alors l'actrice. Un cri du cœur qui a vite fait le tour de la toile en provoquant un grand élan de solidarité avec Jamila El Haouni et toutes ses semblables. Une réaction qui rappelle le soutien massif suscité l'année dernière par un post de l'actrice et modèle Fati Jamali à l'occasion de la fête des mères. Exprimant sa colère sur sa page instagram, Jamali a dit son ras le bol par rapport à l'injustice légale dont sont victimes beaucoup de femmes divorcées. « Je ne veux pas célébrer la fête des mères ! Je veux surtout célébrer leurs droits. La mère n'a pas besoin d'une phrase ou de quelques mots postés sur les réseaux sociaux. Elle a besoin en fait de protéger ses droits et ceux de ses enfants. Elle a besoin d'égalité avec le père », s'insurgeait à son tour Fati Jamali. Une situation qui la met comme beaucoup d'autres femmes marocaines, au pied du mur lorsqu'il s'agit de procédures et démarches administratives. Un code à réformer « L'actrice Jamila El Haouni comme beaucoup de femmes divorcées souffre des retombées de la problématique de la tutelle légale. La loi marocaine favorise largement le père aux dépends de la mère qui a souvent la garde et au détriment de l'intérêt des enfants », commente la Fédération des ligues des droits des femmes dans un communiqué de solidarité avec l'actrice. « L'affaire d'El Haouni n'est qu'un cas parmi des milliers de destins et de vies brisés à cause d'une loi injuste, inadaptée et en décalage avec la réalité sociale de notre pays », ajoute le communiqué. De son côté l'association « Kif mama kif Baba », a publié un communiqué exprimant son soutien à l'actrice et à toutes les mères privées de la tutelle légale de leurs enfants. « Cette problématique est une flagrante violation du principe d'égalité prôné par la Constitution 2011. Les mères divorcées sont considérées comme des « sous-parents » ou des parents de seconde classe et c'est complètement anticonstitutionnel », commente l'association. Cette dernière en appelle à la « réforme urgente et radicale d'une loi profondément ségrégationniste ». Calvaire Véritable calvaire pour les mères divorcées, la loi sur la tutelle légale des enfants du divorce est considérée comme «inadaptée et décalée » par les juristes féministes. D'après l'avocate Zahia Ammoumou, au bout de 18 ans d'application, le code de la famille devrait évoluer. « La loi ne suit pas les mutations sociales. Elle est loin de l'esprit de la constitution de 2011 et des conventions internationales des droits humains signées par le Maroc », nous explique auparavant l'avocate. Une vingtaine d'année après son entrée en vigueur, la Moudawana aurait montré ses limites selon les activistes féministes. L'Union de l'action féminine (UAF) ne cesse de pointer du doigt les graves lacunes de sa mise en application. « L'application engendre beaucoup de contradictions et de problèmes graves. L'exemple le plus éloquent reste la garde et la tutelle des enfants en cas de divorce » regrette-t-on à l'UAF. Injustice Selon la loi, une mère n'a pas le droit de faire une demande d'obtention de passeport pour ses enfants mineurs. Pire, elle n'a pas le droit de demander un transfert ou un changement d'école pour son enfant même en ayant sa garde. Seul le père peut procéder à cette démarche. Autre point épineux que la Moudawana cautionne : « la déchéance du droit de garde de la mère si cette dernière se remarie. Si elle décide de refaire sa vie avec un autre homme, elle perd automatiquement la garde de ses enfants », ajoute l'avocate. Injuste ? Les associations féministes ainsi que celles défendant les droits des enfants trouvent que ces lois ne sont nullement adaptées à la nouvelle réalité sociale marocaine. Notant le caractère délicat et l'impact d'une telle injustice sur la vie des femmes divorcées mais surtout sur l'avenir de leurs enfants, les acteurs associatifs plaident pour la concrétisation des dispositions des conventions internationales ratifiées par le Maroc et celles de la Constitution. « Il faut faire prévaloir le principe de parité, prôné par la constitution. Ce principe est bafoué par plusieurs dispositions du Code de la famille à leur tête la tutelle légale sur les enfants », critique Bouchra Abdou, directrice de l'association Tahadi pour l'égalité