Une nouvelle étape est franchie aujourd'hui dans le dossier épineux de la Samir : le 25 octobre dernier, le tribunal de commerce a autorisé le syndic chargé de la liquidation de la raffinerie à conclure des contrats de location des bacs de stockage. L'exploitation a ainsi été confiée à une société nouvellement créée BGI Petroleum qui dispose quelques stations-service sous la marque « Yoom ». Une décision irréfléchie?... Le Syndicat national des industries du Pétrole et du Gaz (CDT) voit d'un mauvais œil cette décision et met en garde contre les répercussions de la location des bacs de stockage de la Samir sur le prix de la cession des actifs de l'entreprise, les droits des salariés et les intérêts des créanciers. Aussi, le syndicat juge que la décision est contraire aux règles de la transparence et de la concurrence entre les intéressés puisque les réservoirs ont été loués exclusivement à une seule entreprise et sans appel d'offres qui permet de choisir l'offre la plus appropriée qui garantira les intérêts de la Samir, contribuera à l'augmentation du stock national de pétrole et des hydrocarbures et contribuera à la baisse des prix au profit des petits et grands consommateurs et à l'amélioration des conditions de concurrence entre les acteurs du secteur. En gros, pour le syndicat il s'agit d'une « dérogation purement injustifiée ». La solution, selon la même source, serait uniquement le redémarrage de la raffinerie. «Après 8 mois de remise en état et avec un budget d'environ 2 milliards de dirhams, la Samir pourra fournir 67% des besoins du Maroc en produits pétroliers (essence, gasoil, kérosène, fioul et asphalte), avec un excédent pour l'exportation d'environ 2 millions de tonnes annuellement de produits semi-finis, notamment ceux utilisés comme matières premières dans les industries pétrochimiques », insiste le syndicat. ...ou plutôt sage? De son côté l'expert dans le domaine de l'énergie et des hydrocarbures en particulier, Charif El Hamraoui, pense que la location des bacs de stockage serait plutôt d'une « sage décision ». «C'est totalement irréfléchi de laisser autant de capacité de stockage inutilisée », souligne l'expert ajoutant que « le redémarrage de la raffinerie devient de plus en plus difficile et une telle décision permettra au syndic d'avoir des rentrées d'argent grâce à la redevance locative versée et à l'Etat de reconstituer les stocks stratégiques en carburant et assurer la sécurité énergétique du pays ». Aujourd'hui, l'essentiel du raffinage se fait dans les pays pétroliers et « une décision pareille confirme la théorie émise par le gouvernement qui estime que le Maroc n'a pas besoin de raffinerie. C'est donc une issue plus facile que la reprise », fait savoir le même expert En effet, la Samir dispose d'un parc de près de 280 réservoirs destinés au stockage du pétrole brut, de produits intermédiaires et raffinés. Les citernes sont réparties entre trois sites dont le plus important est celui où se situe la raffinerie (Mohammedia) avec une capacité de 1,51 million de m3. La capacité globale est estimée à 2 millions de m3 soit l'équivalent de 60 jours de consommation. Les réserves de sécurité aujourd'hui sont en dessous du minimum légal (20 à 26 jours alors que le minimum requis est de 60 jours). «Louer ces bacs de stockage pourra augmenter les réserves de sécurité et tirer les prix vers le bas», note El Hamraoui Autre avantage relevé par le même professionnel : Le Maroc veut adopter une stratégie de hub logistique et pétrolier et cette location de bacs de stockage de La Samir répond à cet objectif dans la mesure où cela permettra d'avoir un hub et exporter vers l'Afrique. Aussi, la récente acquisition de Total Mauritanie par Afriquia va dans le même sens, selon El Hamraoui qui explique que la location des bacs de stockage de La Samir pourra être bénéfique pour Afriquia qui jusque là disposait d'une capacité de stockage qui lui permettait à peine de couvrir les besoins nationaux. Mais, désormais, le groupe pourra saisir cette occasion et avoir de quoi stocker pour son internationalisation. Actuellement, El Hamraoui confie qu'il y a une bataille au niveau du marché national en vue d'une restructuration. « Les petits acteurs du secteur sont en train de disparaitre du marché. Cette restructuration est d'ailleurs justifiée par la hausse des cours. Et beaucoup d'acteurs qui avaient des moyens financiers limités finiront par se retirer du marché. Le tout sera bénéfique pour le consommateur », conclut l'expert.