Dans tous les domaines et secteurs d'activités les crises s'installent et s'expriment comme un levier à intégrer dans la normalité de la vie des individus et dans les cultures des organisations. Plusieurs événements de ces dernières années ont corroboré cette réalité. Il va falloir, par conséquent, admettre ces nouveaux phénomènes et développer une culture d'incertitude qui interroge constamment les croyances et convictions pour s'affranchir des biais découlant des retours d'expérience. La résilience des organisations devient alors le grand défi des managers et des décideurs et appelle une remise en cause des modèles managériaux pour atténuer les incidences des crises et cerner leurs déterminants pour inventer un nouveau générateur de performance. Le modèle de résilience qui peut contenir la complexité des organisations appelées à opérer à la limite du chaos s'articule autour de trois piliers : (1) la valorisation de la raison d'être, (2) l'efficience organisationnelle et (3) le leadership écosystémique. * La valorisation de la raison d'être. Les entreprises dans l'ère des pandémies et des crises à impacts systémiques, telles celles vécues depuis 2020, gagnent à percevoir les signaux VICA (Volatilité, Incertitude, Complexité, Ambiguïté) de l'environnement comme une invitation à revisiter leurs missions et visions pour trouver des connexions avec ces signaux à même de valoriser la raison d'être et aligner leurs actions avec les sollicitations structurelles de l'environnement. Cette valorisation peut s'appuyer sur trois options interdépendantes : * o Un alignement intelligent des stratégies avec les impératifs sociaux et sociétaux pour transformer les problèmes et frustrations sociales et sociétales en opportunité d'affaire et d'engagement des parties prenantes ignorés par les modèles stratégiques classiques. o Une fondation culturelle du business-model et du modèle managérial enrichie par l'ouverture et la capture des diversités culturelles pour embrasser la réalité complexe des profils des acteurs avec qui les entreprises seront appeler à interagir notamment dans un contexte de mondialisation des métiers. o Un management des risques éclairés qui perçoit les menaces et changement de l'environnement comme des surprises qui peuvent suggérer des opportunités d'optimisation des projets et des business-model. * L'efficience organisationnelle. La performance économique se traduit de plus par la recherche de l'optimisation des dépenses et la chasse au gaspillage que par la croissance du chiffre d'affaire limité par la concurrence et saturation des marchés. Cette efficience peut résulter d'un style de management qui puise sa force de quatre options interdépendantes : * o L'engagement des collaborateurs suscité par une culture de confiance qui libère l'organisation et les énergies et donner à l'intelligence humaine un espace d'expression et d'apprentissage. Cet engagement procure à chaque collaborateur la responsabilité et l'autonomie permettant de faire plus et mieux avec moins de ressources et permettant, de facto, à l'entreprise un gain de frugalité. o L'intelligence collective animé par une stratégie de management de connaissance qui reconnait les connaissances tacites et explicites capitalisées sur le retour d'expérience et qui les fait partager pour générer de la valeur. L'intelligence collective améliore la compréhension par l'organisation des événements intramuros et des leviers de l'environnement et favorise, une meilleure réactivité, mais aussi une meilleure proactivité. o L'agilité organisationnelle qui incite à une organisation du travail en équipe et, chaque fois que possible en mode projet. Elle permet la collaboration des acteurs autour des objectifs partagés et du service client et elle tire son avantage du processus d'amélioration continue et de la culture d'apprentissage. Elle permet, par conséquent, de réduire les efforts et l'utilisation des ressources pour permettre des solutions viables et efficiente. o L'architecture d'entreprise qui permet de baser l'architecture du business model et la chaine de valeur sur les ressources technologiques mobilisées par l'entreprise. Elle permet de réussir l'intégration de la technologie aux métiers de l'entreprise et aux processus de leur gestion. Cette intégration profite des avantages technologiques pour une efficacité efficiente de l'organisation. * Le leadership écosystémique. La complexité de l'environnement invite l'entreprise à développer plus de proximité avec son espace d'action pour mesurer les impacts que produit la prise en charge de ses activités. La prise de connaissances des acteurs impactant la performance de l'entreprise ou impactés par son action permet de définir l'étendu des acteurs avec qui il est indiqué d'interagir pour partager les risques, les ressources, les collaborations et la performance. Le leadership écosystémique est une compétence que l'entreprise peut développer grâce à quatre options : * o La transformation digitale du parcours client qui permet d'intégrer tous canaux de service qui interpelle la présence du client. Elle permet de prendre connaissance de l'étendu des écosystèmes clients et de la multiplicité des points de contact. Elle permet aussi de cerner les intermédiaires possibles pour mieux servir le client et enrichir ainsi l'écosystème des partenaires. o L'amélioration, grâce à la digitalisation, de l'expérience client qui peut être le fruit d'un management de la relation client performant. Cela permet de développer l'affinité client et la personnalisation des offres pour évoluer vers l'excellence du service client. L'excellence du service client requiert la maitrise des ressorts émotionnels qui dirige l'acte d'achat et aussi les avantages procurés par les produis et services vendus qui apporte une valeur ajoutée au client. o La croissance via une stratégie d'export qui permet à l'entreprise de prospecter de marchés porteurs dans de nouveaux espaces économiques pour faire prévaloir la qualité de ses produits et service et élargir ainsi la sphère commerciale et ses écosystèmes clients et partenaires. o Le management écosystémique qui peut piloter les stratégies développées et favoriser leur bon déploiement. Il permet de prendre connaissance de l'ensemble des acteurs qui gravitent autour de la mission de l'entreprise. Cette prise de connaissance permet d'apprécier les dépendances entre les actions des différents acteurs et situer les champs de collaborations à faire émerger et à promouvoir. Il permet, in fine, de gagner en frugalité et en résilience. En outre, ce moment de questionnement est aussi un moment de prise de conscience de la transformation des modèles managériaux et de disruption de leurs règles. Cette disruption managériale peut être élucidée par les énumérations ci-après : * L'environnement ne peut plus être perçu seulement comme des menaces et des opportunités avec un focus sur le méso et le micro environnement mais doit aussi être apprécié selon un environnement macro et en VICA (Volatilité, Incertitude, Complexité et Ambiguïté) pour cerner les enjeux politiques, économiques, climatiques et de développement durable qui vont piloter les impératifs sociaux et sociétaux. * Le management VICA exigera un style de management holistique, euristique et sceptique pour composer par la complexité et les variables stochastiques de l'environnement et être préparer à identifier les signaux faibles de cet environnement global et les cygnes noirs qui peuvent en découler. * L'avantage stratégique n'est plus basé sur le centrage sur le core business mais sur le focus sur le Core competencies puisque les vagues de disruption s'accélèrent et remettre en cause les métiers notamment des entreprises établies. Seules les compétences capitalisées par les retour d'expérience et le know how peuvent compter pour repenser les métiers, les produits et service. * Le management stratégique classique est supplanté par une pensée stratégique et le now strategy qui incite les managers à intégrer dans tout processus de prise de décision l'ensemble des parties prenantes. Cela permet de développer une approche open strategy capable de bien scruter l'environnement et déceler les espaces de service non encore explorés (approche océan bleu). * L'adoption de l'externalisation est un principe de management pour externaliser outre les activités support mais aussi les activités critiques quand cela permet de gagner en performance et en partage des risques. * L'intégration de la culture de prise de risque pour améliorer l'appétence aux risques chez les collaborateurs et managers pour que le management des risques trouver sa place dans la recherche de la performance au niveau des projets et au niveau du business model. * La conception d'un modèle global de performance (ESGW) qui dépasse les objectifs de performance économique (E) pour intégrer la performance sociale (S), la bonne gouvernance (G) et le bien-être des collaborateurs (Wellbeing : W). * Les processus d'animation de l'organisation sont désormais basés sur une culture de confiance multiculturelle, d'équipe et d'adaptabilité que sur des principes classiques de hiérarchie, de direction en silos et de contrôle de fiabilité. * Le changement est intégré non plus comme un projet à manager ou à conduire mais comme un style de management favorisant l'agilité et la transformation constante des processus. * Le notion client que le marketing classique a promu est étendu pour intégrer l'ensemble des parties prenantes des écosystèmes de l'entreprise comme des bénéficiaires de l'action de l'entreprise. Cette approche permet de négocier l'équilibre des intérêts des acteurs concernés par la mission de l'entreprise. * Les transformations managériales que les expériences professionnelles digitales ont révélées sont adoptées pour approcher la chaine de valeur et le business model des modèles des entreprises native-digitales et les licornes. * La gestion des employés et des ressources humaines est supplantée par le management des talents et la management COBOT (Collaborateurs et Rebots) pour réussir l'intégration l'intelligence des talents, l'intelligence des technologies et de l'intelligence artificielle. * L'organisation et temps de travail est désormais hybride où le télétravail se confirme comme un mode inéluctable pour gérer la relation collaborateur et son engagement en ces temps de mobilités et de crises. Cela génère une transformation des bureaux de travail flexible et partageable (flex office), transforme le parcours collaborateur et appelle une intégration de la vie privée à la vie professionnelle plutôt que gérer, comme auparavant, leur équilibre. * Le collaborateur n'est plus vu comme un employé et un centre de dépense mais comme un partenaire qui construit son job (job-crafting) et agit en tant qu'entrepreneur pour donner du sens à sa contribution. Toutes ces énumérations sont des marqueurs des modèles de organisations résilientes qui font des crises, grâce au triptyque Raison d'être pertinente-Organisation efficiente- Leadership écosystème, un inducteur d'accélération des changements et de renouvellement des performances.