Toutes les catégories sociales essayent de trouver leur bonheur, mais ce sont essentiellement les ménages aisés qui semblent profiter le plus de la période estivale en optant pour des vacances à l'étranger. Pour ce faire, les Marocains concernés passent par des agences de voyage. Ces intermédiaires rassurent à plus d'un titre : billets d'avion, transferts..., mais répondent aussi à toutes les questions relatives aux destinations phares : Italie, Costa Del Sol, Las Palmas et Egypte. Malheureusement, les prix des vacances à l'étranger devenant de plus en plus prohibitifs, bon nombre de Marocains finissent par opter pour des vacances dans leur pays. Cette catégorie utilise diverses formules, telles que les voyages organisés par des agences ou encore proposés sur le marché noir. En clair, la notion de vacances diffère d'une couche sociale à l'autre, mais la finalité demeure la même : la recherche du bien-être. Marocain débrouillard D'après Jamal Choufani, sociologue, les voyages ont toujours été inscrits dans les rituels des Marocains. Il précise que les formes de loisirs évoluent, mais les manières de les «consommer» sont, elles, loin de suivre. La raison ? Une telle évolution est étroitement liée à celle du pouvoir d'achat. D'où la question qui taraude l'esprit du Marocain à revenu limité à la veille de ses vacances : comment changer d'air sans gaspiller le peu d'argent dont il dispose ? Face aux possibilités réduites, épargner pour voyager n'est pas le point fort de la majorité des Marocains qui se débrouille toujours pour minimiser les dépenses liées aux vacances. L'essentiel est de passer cette période de l'année loin de la maison. Toujours selon le sociologue, cet état d'esprit règne de plus en plus en l'absence de gammes de services hôteliers, de restauration touristique répondant convenablement aux attentes des gens en termes de coût et d'adaptabilité aux habitudes. Résultat : bien que les Marocains aient toujours voyagé, la plupart d'entre eux séjournent chez les proches pour économiser les frais d'hôtel. Une enquête réalisée par un cabinet international sur le comportement et les attentes des vacanciers marocains (pour laquelle 6 000 personnes ont été consultées) montre que 73% des touristes nationaux préfèrent les séjours chez des membres de leur famille, étant donné que les coûts du loyer grèvent une grande partie de leurs budgets (déjà très maigres ). Ceux qui peuvent compter sur l'appartement vacant d'un proche sont très bien lotis. En revanche, ceux qui souhaitent rester indépendants optent pour d'autres formules de bricolage : la location pour une semaine ou deux dans le cadre du tourisme informel (très florissant en cette époque). Des particuliers louent leurs demeures pendant la période des vacances à des prix défiant toute concurrence. De 100 à 300 dirhams la journée, l'offre est attractive alors que les tarifs des hôtels classés sont inaccessibles. Pêcheur à El Jadida, Said Rajji, dont le revenu est insuffisant pour répondre aux besoins de sa famille, loue en été les chambres de sa maison à 80 dirhams la journée. Quant à ses huit enfants, ils s'entassent durant ce temps dans une seule pièce. Les recettes recueillies pendant la période estivale lui permettent de faire face aux besoins de la vie quotidienne. Il dit ne pas avoir d'autres solutions. «Si les prix des hôtels baissent, je crois que nous aurons des difficultés à trouver de la clientèle», fait-il remarquer amèrement. D'autres encore préfèrent le camping sauvage, en raison de la proximité et surtout du coût. Le coût d'un congé de 15 jours pour deux, entre les plages de Casablanca et El Jadida, est estimé à 2.000 DH. Les étudiants et autres élèves se débrouillent eux aussi pour organiser (plusieurs mois à l'avance) des voyages durant leurs vacances. Souvent, ces jeunes optent pour des voyages au bord de la mer. Tentes au sein d'un camping ou chambre louée dans un appartement importent peu tant que l'ambiance est au rendez-vous. Passer des vacances dans ces structures qui échappent à tout contrôle rend les nuitées passées par le Marocain dans les hôtels très marginales. Elles représentent 22% du nombre total de nuitées passées à l'hôtel. La cause? De nombreux Marocains se plaignent que les offres destinées aux touristes internationaux soient beaucoup plus intéressantes que celles qui leur sont faites à eux. A la découverte des «Trésors» Le marché intérieur a enregistré des millions de voyages. Un chiffre qui demeure faible. L'essor du tourisme interne est fortement conditionné par la mise en place d'une gamme de services touristiques répondant aux attentes des citoyens. Ce n'est pas Mohamed Boussaid, ministre du Tourisme et de l'artisanat, qui dira le contraire. Selon lui, «la contrainte majeure au développement du tourisme interne est relative à l'absence de la démocratisation de ce secteur. Ce qui nous oblige à prendre en considération le pouvoir d'achat de nos compatriotes. L'obstacle est donc le coût des nuitées», affirme-t-il. «L'offre arrive. On va donner au tourisme interne la place qu'il mérite dans la vision 2010», ajoute-t-il. La stratégie de promotion du tourisme national vise à faire basculer une partie de la demande qui utilise des structures non payantes, comme les familles et amis, vers des structures formelles telles que les campings, les résidences touristiques ou les hôtels. Selon la fédération du tourisme, le Plan Kounouz Biladi s'inscrit dans cet effort. Composante de la stratégie marocaine Vision 2010 pour le développement du tourisme, ce plan vise à augmenter le tourisme interne en créant des espaces suffisants pour accueillir les familles marocaines. Le programme prévoit de doubler le nombre de voyages liés aux vacances vers le secteur formel, pour atteindre 2 millions en 2010 contre 1,1 million en 2003. Le Plan Biladi espère également encourager les nuitées dans les établissements touristiques formels, plutôt que dans les établissements du "marché noir", pour atteindre 6 millions à l'horizon 2010. Le Plan Biladi créera ainsi 11.000 nouveaux lits dans des hôtels conventionnels et 19.000 autres dans des campings au sein des régions privilégiées par les nationaux. Les prix (plus abordables) devraient aller de 200 à 500 dirhams par nuit et par famille en hôtel, et de 100 à 150 dirhams par emplacement et par nuit en camping. Les agences de voyage marocaines auront également la possibilité de faire des réservations en masse, ce qui aura une incidence favorable sur les coûts. Pour le sociologue Jamal Bouaarrouf, la réalisation des promesses gouvernementales concernant le plan Biladi entraînera une transformation notoire dans la société marocaine