«Le monde arabe va-t-il les imiter?» demandait la semaine passée au Caire un blogger qui utilisait un pseudonyme, en accompagnement d'une photo de manifestation à Téhéran. Dans un l'éditorial, le quotidien anglophone The Egyptian Gazette se disait perplexe devant le silence des grands pays arabes face à la fièvre populaire iranienne. Est-ce pour ne pas se mettre à dos le puissant pays des mollahs qui finance le Hezbollah ou le Hamas, interrogeait-il. L'Iran est devenu le sujet de conversation numéro un dans les salons égyptiens et les jeunes qui rêvent de réformes ne cachent pas leur admiration pour les Iraniens qui défient le pouvoir et refusent la fraude électorale en dépit de la répression. Le monde entier a le regard tourné vers Téhéran. Comme la révolution khomeyniste avait été l'un des moteurs de la poussée islamiste dans le monde sunnite en 1979, chacun pressent que la révolte iranienne, si elle n'est pas brisée dans le sang, marquera un tournant capital pour l'ancienne Perse mais aussi pour l'ensemble du Moyen-Orient et au-delà. Qu'est-ce qui pourra empêcher Benyamin Netanyahou, le très va-t-en-guerre Premier ministre israélien, de bombarder les installations nucléaires iraniennes si jamais le tandem Khamenei-Ahmadinejad emploie une répression démesurée pour contraindre les protestataires ? Dans l'immédiat, le chef du gouvernement israélien se contente de demander un renforcement des sanctions. Américains et Européens, ravis de l'audace des manifestants, ne voudraient pas commettre d'impair et donner de l'eau au moulin du président Mahmoud Ahmadinejad qui crie déjà à l'ingérence extérieure. Les paroles de soutien des Occidentaux sont prudentes. Barack Obama refusant de suivre le Congrès qui voudrait le voir partir en guerre verbale contre les ayatollahs, condamne la répression en termes mesurés. A Téhéran, les ambassades occidentales sont dans l'embarras. Elles reçoivent des mails envoyés par des ONG européennes qui leur demandent d'accueillir les blessés et d'offrir l'asile politique aux pourchassés. Une liste circule sur Internet donnant les noms des chancelleries qui ouvriraient leurs portes. Est-elle exacte ? Rien n'est moins sûr. La France a demandé que les pays européens adoptent une position commune. Et dans l'immédiat, il ne peut être question d'offrir, au moins officiellement, d'asile politique. Il faut tenter de rallier aux protestataires la population la plus pauvre et la plus religieuse qui a voté pour Ahmadinejad, une tâche peu aisée dans ce pays extrêmement nationaliste. Est-ce impossible ? A Chiraz, Kerman, Tabriz, la capitale de la région azérie et ville natale du candidat malheureux Mir-Hossein Moussavi, des dizaines de milliers d'Iraniens sont aussi descendus dans la rue. Manifestement le Guide de la révolution, l'ayatollah Ali Khamenei a hésité, au moins jusqu'au lundi 22 juin, à réprimer à grande échelle, en dépit des 17 morts. Il rêve d'une révolte à huis clos. Impossible. Certes les correspondants étrangers sont interdits d'images ou expulsés, 43 journalistes iraniens ont été arrêtés, mais si les autorités politiques peuvent compliquer la tâche des bloggers, elles ne réussissent pas à fermer totalement Internet et à empêcher la diffusion d'images. Les nouvelles technologies volent au secours des manifestants. Les dictateurs sont contraints d'en tenir compte.