C'est grâce à l'intercession de W. Churchill, fameux premier ministre britannique, et de celle du Major américain Conger A. Goodyear, fondateur du musée d'art moderne de New York que Hassan El Glaoui a pu vaincre les réticences de son père Hadj Thami El Galoui de triste mémoire, devenir un artiste peintre connu er reconnu, et séduire ainsi les plus grandes galeries nationales et internationales. D'aucuns lui avaient reproché d'être le fils de son père comme si les enfants étaient comptables des errements de leurs géniteurs. Lui, n'avait qu'une seule passion, la passion de l'art qui l'éloignait des passions de son père, la passion de la tyrannie et celle de la politique. Et c'est cette passion que nous restitue la galerie Mémoarts dans une rétrospective captivante, qui parcourt un demi-siècle de créativité sereine. Peu d'artistes ont eu un aussi prestigieux parrainage (un premier ministre peintre amateur et le président d'un des plus grands musées du monde). Mais le jeune visiteur de cette exposition qui s'étonnait devant les portraits, autoportraits, natures mortes, paysages et clowns, l'ignorait, qui répétait à qui voulait l'entendre, que pour lui Hassan El Glaoui était un peintre exotique mineur qui ne peignait que les chevaux, les cavalcades, et les fantasias. Fallait-il dire à ce jeune artiste en herbe que Hassan El Glaoui n'est pas le peintre des chevaux, que lui-même récusait avec force ce qualificatif, qu'il n'est pas mineur non plus dans le paysage pictural marocain mais grand parce qu'il est le peintre de l'élan, de « l'envolée céleste », du mouvement et du tourbillon fascinant des chevauchées, de la liberté, des couleurs intenses comme ce bleu intensément bleu des ciels vers lesquels s'élancent de glorieux cavaliers. Il m'aurait probablement reproché ce pluriel, qui lui aurait paru incongru et erroné. L'entretien aurait tourné court comme quand avait tourné court l'entretien avec un contempteur qui disait que Hassan El Glaoui était un peintre orientaliste alors que cette dénomination ne pouvait être attribuée qu'à un artiste étranger et que Hassan El Glaoui n'avait rien d'étranger, son art étant profondément ancré dans la terre et la culture de son pays et de ses ancêtres. Hassan El Glaoui n'était pas peintre des chevaux mais de ce que le philosophe Lucien Jerphagnon appelle « la Chevalité », en quelque sorte l'essence du cheval ou ce que les platoniciens appelleraient l'IDEE du cheval qui prime n'importe quelle existence de n'importe quel animal appelé cheval. Peintre des épopées équestres, ancestrales rayonnantes comme fut rayonnant le poney que son père lui avait offert et alors que la légende affirme qu'il l'aurait acheté avec son propre argent de poche. Ce ne sont pas des épopées de guerres, de feu, de destruction, mais des épopées joyeuses, colorées. On y entend le bruit et le frôlement des cavaliers qui encouragent leurs montures, les détonations qui scandent le rythme de la fête populaire, la clameur des spectateurs enthousiastes. On respire l'odeur enivrante de la poudre qui excite. Je ne sais si l'exposition, organisée l'année dernière à Londres par sa fille, qui réunissait ses tableaux et ceux de Winston Churchill avait servi la renommée de Hassan El Glaoui ou l'avait desservie, malheureusement, la rendant ambigüe, brouillant sa paisible visibilité. Un peintre dont les œuvres sont offertes à des chefs d'Etat en visite dans son pays est comme le dit Maurice Arama « un guetteur », dont la voix qu'il entend accompagne avec bonheur la vitalité de sa Nation... Il s'acquitte de sa mission : divertir, avertir, témoigner. Il est un passeur flamboyant d'entre les deux rives. Divertir ? Dans le sens pascalien du terme, c'est-à-dire aider à oublier la pénible quotidienneté des choses de la vie. Avertir ? En disant à ses compatriotes que tout se perd des traditions si tout dans la tradition n'est pas épuré. Témoigner, « de l'histoire qui dure » selon l'heureuse expression de Maurice Arama, quand l'histoire a commencé dans les premiers temps de l'art rupestre et qui, gravé dans nos roches, présenté dans nos galeries dit encore de nos jours « l'exception culturelle » d'une nation en paix avec elle-même et avec son histoire