L'Algérie a eu une petite série de stratégies et d'innombrables petites tactiques pour contrer le Maroc avec l'objectif permanent de l'encercler, de le réduire, de le vaincre - indépendamment quelquefois de l'affaire du Sahara. Avoir un accès direct à l'Océan atlantique. L'Algérie a toujours balayé d'un revers de main la proposition de Rabat de lui faire accéder à la mer, pour ses minéraux, par un accord fraternel avec son voisin, car elle voulait passer par une voie autre, celle empruntant un pays sous sa tutelle situé «au sud du Royaume». D'où l'idée de se poser en héritière de l'Espagne franquiste en encourageant la création d'un Etat tampon qui couperait le Maroc de son prolongement politico-géographique naturel qui est l'Afrique subsaharienne, qu'atteste une histoire séculaire. Usant d'hypocrisie à haute dose, les dirigeants d'Alger, avec à leur tête le duo Houari Boumediene et Abdelaziz Bouteflika, entamèrent très tôt, dès que le généralissime Francisco Franco eut, en 1974, affirmé solennellement qu'il avait décidé de mettre sa possession au Sahara Occidental sur la voie de l'indépendance totale, contre les aspirations longtemps affirmées légitimement par le Royaume, leur offensive multiforme pour appuyer la lutte de libération d'«un peuple sahraoui» improbable. Il fallait, coûte que coûte, imposer, contre toute vraisemblance humaine, historique ou géopolitique l'existence de cette entité imaginaire et factice. Alger appela le ban et l'arrière-ban de tous les alliés et amis d'une Algérie qui a su faire fructifier tout ce qu'elle a engrangé depuis la guerre menée par le F.L.N - à partir de 1954 jusqu'à 1962 - avec notamment l'appui et l'aide du Maroc ainsi que de la Tunisie, bien sûr. Nombre de pays du Tiers-monde, mais pas seulement, inclinèrent, sans trop y réfléchir, à suivre les thèses algériennes. Cela tandis que le Tercio espagnol, sous le commandement du général Salazar, aidait adroitement le Polisario, créature de la Libye, de l'Espagne et bien sûr de l'Algérie, à installer des maquis de souveraineté partout en colonie anciennement ibérique. Grosse première erreur tragique du Maroc : les troupes des Forces armées royales, menées par l'officier supérieur Ahmed Dlimi, s'acharnèrent à gagner sur le terrain, c'est-à-dire à occuper le plus de territoire possible au sud de Tarfaya pour parvenir jusqu'à la frontière mauritanienne, lieu de jonction avec l'armée de Nouakchott où le Président Mokhtar Ould Daddah semblait tenir la main. Erreur tragique et grossière puisqu'on a négligé le facteur populations, même si nomades et disséminées. On a, en quelque sorte, poussé par la terreur toute ces masses humaines dans les bras de l'armée algérienne, qui s'est immédiatement chargée de les accueillir et de les encadrer dans ces fameux camps de Tindouf, terreau d'une «conscience sahraouie» à construire. Les coups de reins du Maroc - institutions, partis politiques et société civile - eurent peine à remonter la pente puisqu'Alger semblait marquer points après points contre un Maroc, qui n'arrivait pas à disposer, malgré ses diplomates souvent de qualité, d'un instrument performant pour illustrer et défendre sa politique étrangère. Ce dernier argument ne m'a jamais semblé décisif, ne serait-ce qu'en raison du fait que, du côté algérien, je n'ai jamais observé une efficience hors pair qui m'ait fait frémir d'inquiétude. Certes, il nous est nécessaire, impératif, d'aller de l'avant pour mieux faire et gagner de nouveaux défis. Quand une guerre est déclenchée, il faut toujours et nécessairement la gagner. Les Marocains sont extraordinaires pour gagner leurs défis dans l'urgence, même extrême, quand il s'agit du ponctuel, d'une action précise, aussi difficile qu'elle soit, mais ne sont pas endurants quand ils doivent affronter le long cours. La tendance à se reposer sur ses lauriers, de se complaire dans l'autosatisfaction forcément démobilisatrice, érode leurs facultés combatives. On dirait que notre pays fonctionne, bien ou mal, par pulsions plutôt que par longues ferveurs. C'est peut-être là le génie de ce vieux peuple admirable par intermittence, mais décevant par moments. Alors que les troupes de l'armée royale et les équipes de l'administration avançaient dans la contrée sahraouie en 1975, il y a eu à Amgala une grave confrontation avec les forces régulières algériennes à l'avantage des F.A.R. - avec prise de butin et prisonniers nombreux. Cela prouvait indéniablement que l'Algérie songeait sérieusement à quadriller le terrain sur son flanc sud-ouest au Sahara atlantique et qu'elle ne croyait pas à la détermination de Hassan II de défendre bec et ongles ce morceau spolié du Maroc. L'Algérie était manu militari là bas, tout en formant et équipant un Polisario supplétif, croyant à son avenir. Pendant longtemps, une partie de yo yo s'est jouée entre Rabat et Alger : reconnaissance de la R.A.S.D. ou refus de le faire. Des décomptes d'épicière qui fatiguaient l'observateur comme le lecteur ou le téléspectateur. Cela apparaissait insipide et sans conséquences réelles, parce que ces détails ne touchaient en rien le fond du problème. Aujourd'hui, bientôt en 2010, où en est-on ? L'Algérie de Abdelaziz Bouteflika, président par trois fois du pays voisin de l'Est, natif ainsi que citoyen de notre pays jusqu'à la fin de son adolescence, s'est installé dans le costume de tous ses prédécesseurs - à l'exception unique et troublante de Chadli Benjedid. L'Algérie qu'ils veulent est celle que leur a léguée la France gaulliste, celle qui va jusqu'à Tamanrasset et qui étend sa souveraineté sur Tindouf, le Tidikelt jusqu'à Reggane, territoire marocain sur lequel a été opéré l'essai nucléaire français à la fin des années cinquante. Aujourd'hui, la nouvelle tactique de nos frères-ennemis algériens est de nous faire accroire que le Sahara est un handicap grave pour l'avenir proche du Royaume ! Employons-nous donc à prouver par l'intention et l'acte que cela n'est absolument pas vrai. Le Maroc continue avec les qlalech, dont a parlé Hassan II, le Royaume peut les digérer - les a digérés - sans problème majeur. Que l'Algérie le sache !