A l'heure où les rapports de la FAO (Food and agriculture organization) sont des plus accablants, enrichir les produits alimentaires en nutriments essentiels reste de loin la meilleure solution pour lutter contre certaines carences. C'est bien connu, les vitamines et sels minéraux existent tous sous forme de traces dans les aliments, or qui dit traces dit également difficultés à réunir les quantités journalièrement recommandées. Manque de moyens et régimes déséquilibrés sont responsables de ce que l'on a coutume d'appeler dans le jargon : la faim silencieuse. En 2007, l'anémie ferriprive touchait 45 % des femmes enceintes, 30% des femmes en âge de procréation et 34 % des enfants de moins de cinq ans, tandis que 41% des enfants âgés entre six mois et 6 ans souffraient d'un manque en vitamine A (cf. Situation alimentaire et nutritionnelle au Maroc : éléments pour une politique alimentaire, par le Dr Benjelloun Sabah, consultante nationale en nutrition humaine). Obéissant à une stratégie étatique, la fortification alimentaire, débutée en 2005, vise surtout les denrées de première nécessité, consommées en très grande quantité par la population du pays (huile, farine, sucre, sel ). «Avant de procéder à ce genre de manipulation, il faut d'abord déterminer quelles sont les carences régulièrement observées puis les produits les plus consommés par la population. Dans le cas du Maroc, des études effectuées il y a plusieurs années par le ministère de la Santé et ses partenaires ont démontré que des millions de Marocains souffraient d'un manque en vitamine A, D et de fer. Il fallait dès lors s'assurer que ces personnes reçoivent les doses préconisées à travers des produits bien ciblés», explique, Aziza Hadad, directrice du contrôle qualité à Lesieur Maroc. «Pour notre part, nous avons été les premiers, avec le ministère, à mener cette étude qui s'est soldée par un enrichissement de nos huiles en vitamines A et D selon les normes internationales. Mis à part ces ajouts spécifiques, nous réalisons dans nos laboratoires des mélanges entre les huiles concentrant les plus fortes teneurs en vitamine E, Oméga 3 et 6, sans que cela ne se répercute sur les prix qui restent, eux, très accessibles». L'aspect pécuniaire demeure ici un atout majeur pour booster la consommation des familles. Un autre must de l'alimentation marocaine qui fait l'objet de tels ajouts : la farine. Interrogés à ce propos, Kaoutar Sebar et Christophe Ratier, directrice qualité et directeur industriel du groupe Tria, ont rapporté faire appel à des complexes regroupant différents éléments (vitamine B, fer ). Là encore, une initiative de l'Etat qui ne vient pas sans campagne de sensibilisation sur les bienfaits d'une alimentation riche en éléments essentiels (publicité, logo sur l'emballage des denrées enrichies destinés à les différencier des autres). Les producteurs sont également encouragés à participer à l'effort national en la matière. C'est le cas par exemple pour les minotiers qui bénéficient de réductions douanières sur tous les composants importés pour traiter et enrichir leurs farines. A côté, ce sont d'autres marques qui se lancent dans la course et mettent en avant des boissons ou des biscuits vitaminés. On passe du coup à un registre différent mais non moins bénéfique qui va au-delà de la nourriture de base des citoyens : Dan up aux céréales, Moufid jiby, Golden-vitamix de Bimo, etc. La nécessité de contrôle L'ensemble de ces manuvres reste bien évidemment soumis à de rigoureux contrôles pour ce qui est de la procédure à suivre, les quantités envisageables et la traçabilité. Toujours selon Aziza Hadad, un dossier technique recensant et réglementant les différentes étapes de la fortification dans l'agro-alimentaire est sur le point de voir le jour. «En attendant ce code, toutes les entreprises concernées font l'objet d'audits de la part du ministère de la Santé et par le Service de la répression des fraudes». Des moyens supplémentaires d'assurer la fiabilité du produit et d'éviter tout risque de surdosage. Un aspect de la question, maintes fois soulevé à l'échelle internationale par les associations de consommateurs, mais qui continue d'être écarté par l'OMS, pour qui ces craintes sont «non justifiables par rapport aux problèmes de déficit».