Pour ses cent jours à la Maison Blanche, Barack Obama a vu les talibans arriver à cent kilomètres d'Islamabad, la capitale pakistanaise. Une avancée des fondamentalistes alliés à Al-Qaïda qui inquiète à Washington. Car pour le pouvoir américain, le Pays des Purs était à la fois le pivot de la sécurité de cette région qui englobe l'Afghanistan et l'Inde, et la pièce maîtresse de sa politique en Afghanistan. Barack Obama a fait de l'Afghanistan sa guerre. Il a parié qu'il stabiliserait le pays en remettant, d'abord, de l'ordre au Pakistan. Une stratégie en trois étapes. La première : la guerre américaine et de l'OTAN, sous le prétexte de la lutte contre le terrorisme, dans les montagnes afghanes. La deuxième : l'intervention s'est prolongée par des bombardements américains sur les zones tribales pakistanaises, fief des talibans afghans et pakistanais et des combattants d'Al-Qaïda. Troisième étape : les Américains ont bombardé à partir du Pakistan lui-même. A chaque étape, l'augmentation du nombre de soldats occidentaux et la multiplication des «bavures» (bombardements de villages) se sont traduites par une accélération de la guerre. Concrètement, c'est un fiasco en Afghanistan, comme au Pakistan. Au Pays des Purs, les talibans veulent conquérir le pouvoir et ne s'en cachent pas. Les Pakistanais modernistes sont tétanisés devant cette vague d'obscurantisme qui risque de les submerger. Déjà à Islamabad, des écoles ferment, par peur des représailles si elles persistent à accueillir des élèves filles. Dans la province de Swat, au nord-est du pays, comme hier à Kaboul, les talibans ont imposé l'application de la charia après avoir passé un marché de dupes avec le pouvoir. Ils ont fermé les écoles pour filles, interdisent aux femmes de travailler, les obligent à se voiler, prohibent la musique et imposent aux hommes le port de la barbe. A l'origine de cette situation : le refus de l'armée, pourtant forte de 800.000 hommes, de se battre contre les fondamentalistes. Les militaires craignent une guérilla qui leur a coûté beaucoup d'hommes dans le passé, et une partie des forces armées et des services de renseignement a toujours collaboré avec les fondamentalistes. Cette situation prend, pour Washington, des allures de cauchemar. Le Pakistan n'est pas seulement un immense pays de 165 millions d'habitants, c'est aussi une puissance nucléaire. L'idée que la bombe atomique puisse tomber entre les mains des talibans donne des sueurs froides aux Occidentaux. Il ne suffit pas au président Asif Ali Zardari d'affirmer, comme il l'a fait le week-end passé, que celle-ci est «sous sécurité renforcée» pour les rassurer. Washington ne peut se permettre de voir tomber le domino pakistanais (qui inclurait ipso facto la chute de l'Afghanistan). Les Américains font pression sur le président Zardari pour que l'armée se lance avec force dans la guerre contre les talibans et décide de conditionner son aide (1,5 milliard de dollars en cinq ans) aux résultats obtenus. En fait, si nul ne pense que le pays puisse tomber comme un fruit mûr aux mains des talibans, on n'exclut plus un nouveau coup d'état militaire. Au Pakistan, l'histoire balbutie.