L'ironie du sort a fait qu'Aïcha Mokhtari est devenue une icône médiatique, un symbole même. Cette marocaine de 62 ans est atteinte du cancer des os ou, en langage médical, d'un «ostéosarcome de l'extrémité inférieure du fémur gauche avec métastases pulmonaires». Elle est le symbole de la politique répressive de visas poursuivie par la république française depuis l'arrivée de Nicolas Sarkozy à l'Elysée. Des faits douloureux Le cauchemar d'Aïcha commence le jour où elle a su qu'elle était atteinte d'un cancer, après une opération le 10 avril 2007 et trois séances de chimiothérapie, - la dernière ayant eu lieu au centre oncologique Hassan II à Oujda le 17 mars 2008. Le médecin Kebir Moulay Rachid exige que sa patiente soit transférée en France pour recevoir des soins indisponibles au Maroc. A partir de ce moment-là, un autre drame commence, un drame dont les héros seront des consuls, un ambassadeur, des ministres, des députés et Kafka. Le 2 avril 2008, Aïcha Moukhtari se voit refuser sa demande de visa soins médicaux présentée au consulat général de France à Fès. Depuis, «ma sur n'a plus fermé l'il», assure son frère, joint par téléphone à Oujda d'une voix triste. La demande sera jugée incomplète selon les mots du cabinet de Brice Hortefeux et du consulat français à Fès, le service des visas parle de «manque de moyens de subsistance suffisants pour assurer le séjour en France et garantir le retour dans le pays de résidence, inadéquation entre les documents présentés et doute sur les capacités de l'hébergeant à prendre en charge l'intéressée». Faux rétorque la famille : «Nous avions fournis tous les documents exigés pour ce genre de visas : une attestation de versement d'une partie des frais de soins à l'Institut Gustave-Roussy, le billet d'avion aller-retour, l'assurance à hauteur de 30.000 euros, deux certificats médicaux, dont un homologué par son médecin oncologue et une attestation d'accueil en France», affirme Abdelaziz. Malgré toutes ces garanties Mme Mokhtari sera considérée persona non gratta en territoire français. Un combat contre le temps et contre la bureaucratie commence pour la famille Un (peu) d'espoir Suite aux multiples correspondances d'Abdelaziz Mokhtari, il arrive à prouver qu'il y au eu une erreur administrative dans le traitement du dossier de sa sur. Selon lui, il y a eu une confusion de dossiers avec une dame homonyme du nom de Mme Mokhtari, algérienne, née le 03/10/1932 à Mostaganem, à laquelle le consulat de France à Oran aurait refusé un visa le 10 avril 2007. «Le fichier interne de l'ensemble des consulats de France à l'échelle internationale est relié par un fichier central. Malheureusement, à ce jour, ce dernier affiche seulement les données de cette dame et mon dossier n'a pas été introduit pour des raisons inconnues», écrit Aïcha dans une lettre adressée à la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France. Depuis, le frère de la patiente demande que «cette erreur soit rectifiée car l'erreur est humaine». Pour y arriver, la famille envoie un nombre considérable de lettres aux responsables français, «beaucoup ont été flouées au départ par les affirmations du ministère français de l'Immigration, de l'intégration et de l'identité nationale mais on a réussi à prouver qu'on avait une demande dans les normes». La sénatrice de Paris Alima Boumédiene-Thiery a apporté son soutien à Aïcha et elle a contesté la décision du consulat français. «Nous regrettons de constater que le pays des droits de l'homme utilise de faux prétextes pour justifier son refus de visas», affirme-t-elle dans un courrier adressé au ministère de l'Immigration. Malgré les nombreuses attestations médicales et autres documents prouvant l'erreur administrative «la France refuse de reconnaître qu'il y a eu erreur», regrette Abdelaziz. Côté marocain c'est le silence radio ou presque, la famille Mokhtari a envoyé des lettres aux sept députes de la région Est présents au Parlement ainsi qu'aux ministres de l'Intérieur et de la Santé pour protester contre la négligence des autorités face à cette situation. La seule formation politique à avoir répondu à la demandes des Mokhtari c'est le PJD qui a envoyé des lettres au Premier ministre et à la ministre de la Santé, qui a répondu que «la patiente a quitté volontairement le centre d'oncologie d'Oujda et a demandé un certificat pour être soigné à l'étranger», ce que dément avec force la famille, «le médecin traitant de ma sur a exigé qu'elle soit transférée en France pour recevoir les soins requis», répond M. Mokhtari. Le cas de Mme Mokhtari illustre les différences dans les attitudes des responsables français et marocains face à un même dossier ainsi que le peu d'intérêt affiché par ces derniers à ce sujet. Tout cela pousse aujourd'hui le frère de Aïcha à envisager sérieusement de porter plainte contre des responsables marocains, «j'ai eu des réponses de Kouchner, Rama Yade, Hourtefeux, Dati et Amara alors qu'aucun responsable marocain n'a dédaigné nous répondre, c'est honteux», s'indigne Abdelaziz Mokhtari. «L'état de santé de ma sur se dégrade de jour en jour, elle n'arrive même pas à marcher et elle parle difficilement». La fondation Lalla Salma de lutte contre le cancer a demandé de recevoir le dossier médical d'Aïcha, «chose que nous avons fait mais depuis pas de nouveau». La famille a un dernier espoir : «En ces moments difficiles on invoque, l'intervention du Roi Mohammed VI pour qu'il sauve notre sur d'une mort qui s'approche».