Terre d'accueil. Une expression qui peut faire peur lorsqu'on n'en connaît pas les limites. Le Maroc n'est plus uniquement considéré comme une ultime escale avant de gagner les côtes européennes, il est devenu un pays où l'on reste, un pays où l'on cherche asile et protection. «La famille» des réfugiés s'agrandit, se diversifie, et à côté de Palestiniens ou d'Algériens viennent désormais se greffer d'autres nationalités. Dans un rapport datant de fin mars 2009, le Haut commissariat pour les réfugiés estimait à 756 le nombre de ses protégés, tous pour la plupart originaires de Côte d'Ivoire (38%) ou de la République démocratique du Congo (28%), suivis de près par les Irakiens (20%). Flou juridique Malgré l'organisme dont ils se prévalent, le statut de ces individus reste quelque peu mitigé pour ne pas dire nébuleux. Les problèmes que connaît actuellement le Maroc en matière d'immigration clandestine ne sont pas sans compliquer les choses pour les gens de bonne foi. Représentant du HCR au Maroc, Johannes van der Klaauw admet que la conjoncture actuelle affecte forcément les rapports des réfugiés avec l'Etat, dans la mesure où ils sont inévitablement associés aux autres flux migratoires. Toute personne considérée comme réfugiée se voit remettre par le HCR une carte attestant de sa situation sur le territoire marocain. Cela dit, cette pièce qui ne dispose d'aucune valeur légale, ne fait pas toujours l'unanimité au sein des forces de l'ordre. Sans doute en raison des cas de fraude ayant eu lieu quelques années auparavant et portant sur d'anciens documents (non sécurisés à l'époque). « Les problèmes de falsifications que l'on a rencontrés il y a quelques années cumulés à ceux de l'immigration illégale ont donné lieu à un climat de méfiance dont beaucoup de réfugiés ont pâti». Affirme Rkia Chafaki Chef de projet migration et développement à la fondation Orient et Occident de Rabat (en partenariat avec le HCR). Elle met également cela sur le compte d'une sous-information des agents de police. «Pas toujours au courant des procédures en la matière, les gendarmes ne savent pas trop sur quel pied danser et ont tendance à placer tout le monde dans le même panier sans égard aux spécificités des uns ou des autres». Concernant les prérogatives que confère cette carte, elles sont paraît-il très minces. «Il y a un vide juridique concernant cette question» reprend Johannes van der Klaauw. «Cette carte que nous délivrons sous certaines conditions protège contre les expulsions, mais ne constitue nullement un permis de séjour et ne permet pas d'avantage d'en obtenir un. Impossible dès lors d'accéder à un emploi dans le secteur formel, ou d'avoir ne serait-ce qu'un contrat de bail. Tous les réfugiés quelque soient leurs nationalités font face à ce genre de situations. Fort heureusement, nous arrivons avec l'assistance de nos partenaires à leurs fournir certains soins médicaux et des formations professionnelles». En l'absence d'un véritable consensus sur la marche à suivre, la situation des réfugiés reste des plus instables. Même son de cloche du côté de l'OMDH, chargée de leur fournir une assistance juridique et d'oeuvrer dans le sens d'un plaidoyer devant les autorités publiques. «Hormis la convention de Genève à laquelle le Maroc a adhéré en 1956 et un décret royal datant de 1957 (non appliqué), il n'existe ni loi, ni institution nationale régissant le statut de ces personnes», nous dit Amina Bouayach. Si comme tous tendent à le dire, cette convention demeure l'unique référentiel, les champs d'action restent effectivement très minces. De l'autre côté du pont Atterris ici en raison de l'insécurité régnant dans leur pays, beaucoup d'entre eux n'aspirent qu'à se trouver à l'abri des bombes et des tueries sanglantes. Rencontré à la fondation Orient-Occident, S.G est ressortissant de la RDC. Arrivé au Maroc en novembre 2005, il a choisi de fuir après que sa famille ait été entièrement décimée. « Il n'y avait plus aucun salut pour moi là-bas, les forces armées voulaient m'enrôler de force alors que je n'avais aucune expérience militaire, la fuite était la seule issue. Je ne pense pas retourner là-bas un jour, je n'ai plus rien, ni personne au Congo, et surtout je n'ai plus la force de faire marche arrière. Ici ce n'est pas toujours évident, entre le dépaysement et l'agressivité de certains, il est difficile de se sentir à l'aise ». A.M, sa compatriote n'est guère plus chanceuse. Mineure et mère de deux enfants en bas âge, elle est là depuis 2 ans. En raison de son jeune âge elle bénéficie d'une subvention mensuelle de 800 DH, somme qu'elle complète en faisant la manche (le plus souvent à Rabat). «Il m'est arrivée de me prostituer, mais c'était au tout début, aujourd'hui je me contente de demander la charité» Pour cette orpheline, seul importe dorénavant de pourvoir aux besoins de ses filles, le reste c'est une autre histoire... «Les gens ne se reconnaissent pas en nous, les différences de culture, de religion et de langue n'aident pas et beaucoup nous considèrent comme des parias. Sans papiers, sans emploi, et avec une dignité en berne, comment leur prouver le contraire ?». Il est hélas vrai qu'en l'absence de mesures légales accompagnant les efforts déjà déployés par le HCR et ses partenaires, il est difficile, voire impossible d'envisager une régularisation en bonne et due forme.