Richard Holbrooke, conseiller de Barack Obama pour l'Afghanistan et le Pakistan et vieux routier de la politique étrangère américaine ne l'a pas caché : «Je n'ai jamais vu depuis la guerre du Vietnam, quelque chose d'aussi difficile à faire. Ce sera beaucoup plus dur que l'Irak. Et ce sera très, très long». L'Afghanistan est à la fois en effet le principal défi international d'Obama et un problème quasi insoluble. Il y a deux raisons à cela : aucune intervention étrangère n'a jamais réussi à triompher d'une guérilla sur le sol afghan et la défaite de l'armée soviétique, qui a occupé le pays de 1979 à 1989 sans jamais parvenir à le contrôler, le rappelle cruellement. L'autre raison ajoute à la complexité du problème : l'avenir du conflit en Afghanistan est indissociable de la situation au Pakistan voisin où les talibans, défaits en novembre 2001 par les forces de la coalition occidentale, ont fait des zones tribales leurs nouveaux sanctuaires. Les talibans capitalisent l'échec militaire et humanitaire Dès lors, comment mettre en place une stratégie militaire gagnante dans ce pays où l'administration Bush, obnubilée par l'Irak, a laissé la situation se dégrader sur les plans militaire et humanitaire ? C'est la tâche à laquelle s'est attelée le patron des opérations américaines au Moyen-Orient, le général Pétraeus qui procédait à une réévaluation totale de la stratégie américaine avant même l'entrée en fonction d'Obama. On est loin en effet du temps où les troupes de la coalition étaient accueillies en libératrices par la partie des Afghans qui étouffaient sous le joug des talibans. Huit ans après, le souvenir de la dictature obscurantiste des «étudiants en religion» s'est estompé. Et les troupes de l'Otan sont d'autant plus perçues comme des forces d'occupation que la reconstruction du pays est en panne, que la vie des Afghans reste synonyme de pauvreté et de souffrances et que la corruption de l'administration du président afghan Hamid Karzaï est patente. Pire : les «bavures» des forces de l'Otan qui font des dizaines de victimes civiles, dont de nombreux enfants, ont fini de rendre la population hostile à l'égard de ceux qui étaient censés la libérer. Les opinions hostiles au renforcement des troupes de l'Otan Les talibans, réorganisés depuis leurs sanctuaires dans les zones tribales de la frontière pakistanaise, ont su parfaitement capitaliser ce contexte pour ouvrir des fronts à l'Est de l'Afghanistan. En dépit de la présence de 70.000 hommes, dont la moitié d'Américains, 2007 et 2008 ont ainsi été marquées par une forte dégradation de la situation militaire. On ne compte plus ainsi les tentatives d'assassinat contre le président Karzaï ni les victimes au sein des forces de l'Otan. Faut-il face à une telle situation augmenter ces forces comme le demande Obama, qui vient d'annoncer l'envoi de 17.000 hommes supplémentaires ? Si les opinions occidentales y sont plutôt hostiles, se retirer entraînerait le chaos et la victoire des intégristes. La France soucieuse, après sa réintégration dans l'Otan, d'y occuper un rôle de premier plan, a décidé en avril d'envoyer 700 hommes supplémentaires, ce qui porte son contingent à 3.300 hommes. Réticente, l'Allemagne aurait finalement décidé de dépêcher «temporairement» 600 soldats de plus mi-juillet à l'occasion des élections présidentielles afghanes prévues le 20 août. Mais les Américains, tout en espérant d'autres renforts européens, semblent surtout compter désormais sur un envoi de renforts civils, pour former la police afghane - il manquerait 100.000 policiers - et des équipes pour la reconstruction. Mais au delà de ce renforcement militaire et/ou civil et des problèmes d'acheminement des armes et des hommes qui se posent aux Américains, la vraie question porte sur la stratégie à mener pour combattre l'avancée des talibans, étant entendu qu'il ne peut y avoir de solution militaire. Les tribus contre les talibans ? Faut-il, comme en Irak et au Pakistan, s'appuyer sur des milices tribales pour mettre en déroute les talibans ? En Irak, les tribus sunnites ont en effet fini par se retourner contre les combattants d'Al Qaïda, tandis qu'au Pakistan, les tribus du nord-ouest se sont alliées au pouvoir d'Islamabad pour combattre les insurgés pakistanais et afghans. D'où l'offensive de l'armée pakistanaise pour tenter de reprendre le contrôle des zones tribales. Mais faute de rétablir durablement son autorité, Islamabad a accepté le 16 février de suspendre son offensive contre les fondamentalistes et d'imposer la loi islamique dans la région de Malakand, notamment la vallée de Swat. S'il s'agissait d'une reconnaissance de la force des insurgés et de l'incapacité à en venir à bout, le précédent serait dramatique. Faut-il y voir au contraire une volonté d'acheter la neutralité d'une partie des talibans qui se trouvent au Pakistan pour avoir les mains libres et mener une réelle offensive contre les combattants d'Al Qaïda retranchés dans ce pays ? Il est évidemment trop tôt pour connaître les dessous de cet apparent marché «paix contre charia». En attendant, le général Pétraeus entendrait «fracturer le camp des insurgés» en tentant de négocier avec ceux d'entre eux qui accepteraient l'idée d'une réconciliation et en tentant de liquider les autres. Une chose semble en tout cas acquise : le mot négocier n'est plus tout à fait tabou et la volonté de renforcer les troupes de la coalition viserait aussi à aborder, le temps venu en position de force, une négociation avec les ennemis d'hier