Quel sera le paysage urbanistique de la ville de Casablanca en 2020? Cette échéance pourrait apparaître lointaine pour certains d'entre nous, mais il suffit de se dire qu'on y sera dans moins de 11 ans pour y être déjà. La capitale économique du royaume est-elle prête pour accueillir ces milliers de personnes qui s'y installent chaque année ? Dispose-t-elle de l'assiette foncière à même de lui permettre de bâtir des dizaines de milliers de logements qui lui seront nécessaires ? Et quelle politique l'Etat et les collectivités locales casablancaises doivent suivre pour résorber le déficit actuel en logements, tout en assurant une production soutenue en unités immobilières capables de satisfaire les nouveaux besoins ? Pour répondre à toutes ces questions, le ministère de l'Habitat, de l'urbanisme et de l'aménagement du territoire a lancé une série d'études sur l'immobilier dans plusieurs villes du Maroc d'ici à 2020. «L'objectif de cette étude est de doter les régions et les grandes agglomérations urbaines d'une meilleure visibilité du secteur immobilier résidentiel à l'horizon 2020», souligne un haut cadre du département de l'Habitat. Et d'ajouter qu'il s'agit également de «mettre à la disposition des acteurs publics et privés concernés un référentiel partagé des marchés immobiliers locaux et leurs perspectives de développement». Enfin, et comme nous l'explique la même source, le dernier objectif derrière le lancement de ces travaux d'analyse du marché de l'immobilier national est de «renforcer les dispositifs de planification et de programmation du secteur sur la base d'approches locales qui prennent en compte les besoins de toutes les couches sociales». L'étude sur le Grand Casablanca a été bouclée en décembre 2008 alors que celles des autres régions sont en cours d'élaboration. 15.000 logements construits par an Pour ce qui est de la métropole, et avant de faire des projections sur la douzaine d'années à venir, le ministère de l'Habitat a procédé à un diagnostic de l'existant. L'étude élaborée nous arriver à ainsi que le parc logement de Casablanca a doublé en 27 ans. En 1980, la ville blanche disposait de 360.000 logements. Ce parc s'est développé au fil des années pour atteindre 557.700 en 2002 avant d'atteindre les 725.000 en 2007. «La croissance du nombre des ménages (+2,6%) est plus forte que celle des personnes (+1,5%)», soulignent les experts du ministère de l'Habitat. Qu'est -qui caractérise ces centaines de milliers de logements ? Une prédominance de l'habitat collectif. Les maisons marocaines (construites en R+2, 3 ou 4) constituent 51 % de ce parc, suivies par les appartements modernes (26 %). Ces derniers sont talonnés de très près par les bidonvilles et autres foyers d'habitat insalubre avec un total de 18 %. Enfin, les villas ne constituent que 5 % de l'offre logement de la capitale économique. Pour ce qui est de l'utilisation de ces différentes unités de logement, l'immense majorité sert à l'habitation. En effet, l'étude montre que 85% de ce parc est à usage d'habitation alors que 8% sont destinés à des locaux professionnels et 6% restent vacants. Et malgré cette croissance soutenue de l'offre immobilière dans le Grand Casablanca, cette dernière est loin de répondre aux besoins de ses habitants, également en croissance exponentielle. Il ne faut pas oublier que la région concentre une bonne partie de l'activité économique nationale, ce qui en fait une destination privilégiée de l'exode rural notamment. Dans ce cadre, l'étude du département de Taoufik Hejira démontre qu'entre 1994 et 2006, la ville enregistrait un déficit annuel allant de 4.500 à 5.000 logements. Les enquêteurs ont comparé l'évolution annuelle des constructions (la moyenne sur cette période est de 14.800 logements construits par an) à la formation de nouveaux ménages (19.700 nouveaux ménages annuellement). Il en résulte donc un déficit global de 162.00 habitations à fin 2007. L'aggravement du déficit année après année a eu des conséquences néfastes sur le tissu urbain casablancais. L'exemple le plus édifiant est la multiplication des bidonvilles malgré tous les efforts qui sont conjugués pour en venir à bout. Ainsi, l'étude dévoile le nombre de 98.000 ménages qui vivent dans des baraques dans le Grand Casablanca, mettant cette région en tête de liste des agglomérations souffrant de l'habitat insalubre dans le pays. Ce chiffre présente une évolution de 75% par rapport à 1994. Cette tendance haussière s'est accentuée depuis 2002 avec un taux de croissance annuel des ménages «bidonvillois» de l'ordre de 7 %. A ceci s'ajoutent près de 72.000 ménages vivant dans des logements menaçant ruine, dans l'ancienne médina par exemple. Ces derniers souffrent d'un mal supplémentaire, toujours selon les conclusions de l'étude, puisque le taux de cohabitation forcée atteint les 50 % ! Le salut dans le logement économique Une fois ce diagnostic établi, l'étude présente une projection de l'immobilier à Casablanca à l'horizon 2020. Et d'emblée, le caractère attractif de la métropole est mis en avant pour expliquer des chiffres en croissance permanente. «Le Grand Casablanca, appelé très prochainement à de fortes mutations économiques, industrielles et touristiques, exercera davantage d'attraction sur la population pour y trouver un emploi et y résider», soulignent les experts de l'Habitat. Concrètement, cela donnerait une ville de 4,8 millions d'habitants, soit près de 1,1 million de ménages supplémentaires à cette échéance. Pour ce qui est des estimations des besoins en logement, l'étude a fait une distinction entre deux périodes : 2007-2012 et 2013-2020. La première période sera plus riche en construction avec une moyenne annuelle estimative de 40.000 logements, contre 29.000 nouveaux logements prévisionnels chaque année durant la seconde période. Au total, Casablanca aura besoin de pas moins de 427.700 logements d'ici 2012. La plus grande demande émanera de la classe moyenne avec 58 % des besoins. Les ménages vivant avec moins d'une fois et demie le SMIG représenteront 25 % des demandeurs de logements. Pour ce qui est du type de logement, le parc de villas connaitra une augmentation de 23% entre 2007 et 2020. Les appartements, pour leur part, connaitront une hausse de 61%. Ces besoins nécessiteront la mobilisation de plus de 4.500 hectares par les autorités urbanistiques de la métropole sur cette période. Une fois ces besoins identifiés, l'étude propose de nombreuses mesures à même d'éviter une véritable crise du logement à Casablanca. Les experts du ministère de l'Habitat recommandent ainsi d'accroître le rythme moyen de production actuelle d'au moins 35%, tout en maintenant l'accroissement de ce rythme de 3 à 4% par an pour répondre principalement aux besoins de la croissance des ménages. Ces objectifs ne pourraient être atteints sans une politique de mobilisation du foncier et sa mise à la disposition des promoteurs, privés ou publics.