Aïn Diab s'invente une autre vie durant le mois sacré. Haut lieu de divertissement pour les Casablancais, la zone devient la scène de tous les spectacles... Les Casablancais aiment sortir ! La preuve: ce flux impressionnant qui, chaque soir de Ramadan, prend d'assaut la corniche et ses multiples espaces de divertissement. Chacun s'approprie, à sa manière, les lieux. Et tous s'amusent et se divertissent après une longue journée de jeûne. Cafés, restaurants, cabarets, pubs... le visiteur n'a que l'embarras du choix. Les prestataires, redoublant d'ingéniosité pour attirer la clientèle, se livrent à une rude concurrence. Les grandes affiches aguichantes avec les nombreuses têtes d'affiche du chaâbi et de la chanson orientale sont une invitation ouverte à faire la fête. Fiesta tous azimuts ! « Il faut dire que Ramadan reste un mois assez particulier. Avec la disparition de l'alcool des cabarets, ces derniers commencent à accueillir un autre type de clientèle qui n'est pas toujours habituée à sortir la nuit », nous explique Mouss Maher. Ce chanteur met en avant deux types de sorties : « Après Tarawih, il y en a ceux qui préfèrent les soirées papotage sur les terrasses des cafés, mais il y a aussi ceux qui veulent déstresser après une longue journée de travail et de jeûne ». Lui-même anime les soirées ramadanesque du cabaret Moual. Encouragés par l'ambiance conviviale et «surtout familiale des lieux», insiste le chanteur, les clients viennent en groupes d'amis, en couples et en famille pour danser et passer du bon temps. « Ces sorties sont souvent une belle manière de tuer le temps en attendant l'heure du shour », déduit l'artiste. Pour Adil, jeune gérant du VIP et de Layali Palace, ces établissements continuent d'accueillir leur clientèle habituelle en plus des nouveaux venus « les clients spécial Ramadan ». « Disons que la bonne programmation attire beaucoup de monde ! », se réjouit-il, précisant que des soirées animées sont proposées respectivement par 12 et 7 chanteurs de Châabi et de l'oriental dans les deux établissements. A l'affiche : Daoudi, Khadija Bidaoui, Senhadji...et bien d'autres. Une sacrée brochette d'artistes que les deux lieux réunissent pour satisfaire une clientèle demandeuse mais « essentiellement pour rester ouverts durant le Ramadan et maintenir le lien avec notre clientèle », argumente Adil. Un lien qui coûte 100 dirhams l'entrée « à l'instar des autres établissements de Ain Diab. Ce n'est pas cher, c'est même réduit à 50% par rapport aux jours ordinaires. Cela permet aussi de conserver un certain niveau de la clientèle », explique Adil en faisant allusion aux cafés convertis en cabarets et aux « tentes » ramadanesques installées sur la plage proposant un divertissement « bon marché» : à 30 dirhams seulement. Concurrence déloyale ? Adil et Mouss s'en défendent. « Nous n'avons pas la même cible ! », répond le gérant avant d'ajouter : « et carrément pas la même programmation prestigieuse », argument-t-il. Par programmation prestigieuse le jeune gérant veut dire des artistes connus, médiatisés et surtout chèrement payés. « Le cachet peut aller de 3.000 à 7.000 DH la soirée selon l'artiste et le lieu. Si le chanteur est invité occasionnellement, le cachet peut être de l'ordre de 45 à 50.000 DH. Ceci sans parler de la ‘ghrama' (offrande des clients) », confie Mouss Maher. La baraka du Ramadan ? Peut être ! En tout cas, ces prestations bien payées font le bonheur, au quotidien, de nombreux artistes mais également de leur public. Ce dernier, privé de sorties culturelles et artistiques, trouve là l'occasion de rencontrer ses idoles, d'apprécier leurs musiques, de s'amuser et de consommer... « C'est un pack gagnant ! », lance un habitué des soirées ramadanesques. « Gagnant », une épithète que le gérant de Layali Palace et du VIP modère en évoquant une clientèle qui semble frappée cette année par la crise. « Au bout d'une semaine, le mouvement se fait plus lent, le type de clientèle aussi change et les recettes diminuent par rapport à l'an dernier. L'effet de la crise commence à se faire sentir », constate Adil tout en notant les pics exceptionnels du week-end, spécialement les soirées du vendredi et du samedi. Même constat chez Mouss Maher qui décrit une semaine plutôt calme qui n'a pris de l'élan que le samedi et le dimanche durant lesquels « Moual », avec ses 600 places, a affiché complet à minuit. « Cela s'explique peut être par le fait que ramadan a commencé cette année un mercredi, un jour travaillé... », avance le chanteur. Jour travaillé ou journée libre, les soirées ramadanesques sont pour de nombreux Casablancais une occasion de rattraper leurs journées estivales vécues à demi sous l'effet du jeûne. Une démonstration bien marocaine du dicton : « Un temps pour Dieu et un temps pour soi... »