Barack Obama veut emprunter un sentier plein de symboles. Sur les pas de John Kennedy, sur ceux d'Abraham Lincoln principalement. L'un démocrate d'il n'y a pas finalement si longtemps, l'autre est un président républicain aux convictions anti-esclavagistes de légende. Il ne voudrait surtout pas de jaloux : un coup pour son camp, un autre pour le camp adverse. C'est une politique de l'équilibrisme, de la prudence et du centrisme. Il est de bon ton de saluer ce pragmatisme, avec de profonds airs de componction à peine retenue. Les gens qui partout dans le monde, non pas seulement en Amérique, affectent les airs qu'arborent ceux à qui on ne la fait pas, murmurent que l'homme Barack Obama, le quarante-quatrième Président des Etats-Unis d'Amérique est un homme habile, roué même. Un calculateur hors pair, qui en plus sait se faire entourer et est très économe de ses promesses - ces choses qui ne font vraiment plaisir qu'à ceux qui les donnent. Entre début novembre dernier et cette semaine au cours de laquelle le nouveau président américain entre solennement dans sa nouvelle demeure toute blanche à Washington D.C., où il disposera de l'immense pouvoir que lui confère sa position à la tête du pays le plus puissant du monde, il aura fait une transition de qualité. L'industrie, l'agriculture, le commerce, la technologie, l'intellect, la recherche scientifique et tout le reste sont les atouts majeurs d'une nation toute tournée vers l'avenir et qui montre, sur beaucoup de plans, le sens de l'avenir du monde. L'Amérique du Nord que prend en charge désormais le noir (ou le métis, comme on souhaite le qualifier), est, bien sûr, loin d'être le royaume de la félicité et des performances. On sait que les Américains ont l'exaspérante habitude de se parer de toutes les vertus, avec souvent une propension à l'auto-adulation. Cette image d'eux-mêmes (les yankees) sur fond de contentement de soi - jusqu'à la puérilité des fois - a vite fait de se transformer en attraits irrésistibles sur une partie du monde, qui voyait en les neveux de l'Oncle Sam le parangon de toutes les qualités. La fascination qui a opéré depuis un siècle et demi pratiquement a fait chavirer une partie de l'humanité dans une américano-mania excessive, qui ne voulait pas ou ne pouvait pas se regarder vraiment telle qu'elle est. Une autre partie de cette même humanité ne voulait voir que l'envers cruel du décor chez ce peuple, né il y a peu de siècles, paraissant porter, allègrement et avec satisfaction, l'épithète de «peuple neuf». Par rapport à quoi et à qui ? A tous les autres de la planète, ceux des civilisations de la Méditerranée, de l'Asie et bien sûr de la Vieille Europe. Il est symptomatique que jamais la comparaison ne se fait avec ces peuples américains que le rouleau compresseur post-colombien a fait passer du stade épars et grégaire à celui d'une situation précaire et résiduelle. On en sait beaucoup sur les Indiens peaux-rouges et sur toutes leurs douloureuses pérégrinations (confinés dans des réserves, parqués en marge de la société américaine, etc.), pour qu'il soit nécessaire de s'étendre ici sur cet aspect des choses. L'affrontement des WASP avec tous les autres passe aujourd'hui par la prolifération remarquable de ceux qu'on appelle «les latinos», devenus la deuxième communauté des USA, avant même les noirs. L'édification du mur de séparation entre les Etats-Unis d'Amérique et le Mexique, grosso modo le long du Rio Grande, n'endiguera pas ce flux du sud d'ici à demain. Le quarante-quatrième président trouve un pays, qui par sa population et par son étendue, est sûrement prêt non seulement à relever tous les défis auquel il est confronté en cette première décennie du siècle nouveau, celui du vingt et unième, mais également d'affronter le péril du renversement positif des valeurs. En tout cas, il nous semble que sous la conduite de Barack Obama, épaulé par une équipe gouvernementale multicolore politiquement, soutenu par un congrès où les démocrates sont assez nombreux pour servir concrètement le chef de l'Etat, des choses importantes se produiront et auront des échos au-delà même de l'attente. Mais, s'il est permis de penser que le nouveau patron de l'exécutif s'occupera activement du volet extérieur de la politique américaine, ne serait-ce qu'en raison du legs désastreux de son prédécesseur républicain, il ne voudra pas, avant plusieurs mois, s'occuper d'autre chose que tout ce qui concerne le domestique. Mettre de l'ordre dans la maison ébranlée, dans ses fondements mêmes, par un Georges Walker Bush irraisonnable jusqu'au suicide. Il faudra à Barack Obama une bonne moitié de mandat -au moins- pour faire sortir l'Amérique des affres dans lesquelles elle se débat. Peut-être que le Président pourra avoir, lui aussi, des rêves d'imperium à son tour, mais gageons que cela n'atteindra jamais les délires de celui qui quitte, sous les huées, le bureau ovale. Des guerres à répétitions interventionnistes et criminelles, des manquements gravissimes aux droits humains, une politique aberrante dans l'esprit bien compris du nécessaire équilibre écologique de la planète, et j'en passe, font que Barack Obama aura assurément un bon délai de grâce. Assez facilement, mais il devra néanmoins s'armer de beaucoup de courage, d'audace Jusqu'à présent, il aura fait un «sans faute» remarquable. Mettra-t-il ses pas dans ceux du grand Luther King tout simplement. C'est-à-dire d'une démocratie véritable pour l'Amérique qui gommerait les clivages pour instaurer, pour installer ad ?ternam, l'égalitarisme dans la patrie de Georges Washington - qui en a bien besoin, malgré qu'elle a pu terrasser l'ogre soviétique, d'une manière soft, depuis les années surprenantes de Ronald Reagan. Pour devenir sans conteste le chef de file du monde, les USA doivent commencer à faire le ménage, en premier, chez eux. Avant de s'occuper des affaires du monde. Espérons que le locataire actuel s'y attellera en priorité, fort sérieusement