Il y a une perversion qui, de manière insidieuse, a pénétré le microcosme médiaticopolitique. Tout acte, tout positionnement patriotique est devenu suspect. Défendre les intérêts supérieurs de la Nation, surtout quand cela rejoint une position officielle, est assimilé à une certaine forme de flagornerie. Les milieux des affaires sont la cible la plus facile, ils sont vite taxés de rechercher des protections, des rentes, comme si le fait d'être entrepreneur excluait de la citoyenneté. Car il ne faut pas se leurrer, c'est de citoyenneté qu'il s'agit. Celle-ci ne peut être uniquement entendue comme un ensemble de droits, extensible à souhait, sans aucune contrepartie, sans un certain nombre de devoirs et de contraintes librement consenties. La cité, le vivre ensemble c'est un socle de valeurs et de choix qui les fondent, dans un consensus. C'est aussi une lecture commune de l'Histoire, de l'identité, du devenir souhaitable. Le patriotisme c'est de défendre tout cela, sans relâche, mais sans exclusion de l'autre, de l'environnement extérieur. La différence avec le nationalisme se situe d'ailleurs à ce niveau. Le patriote défend une certaine idée de la Nation, le nationaliste défend toutes ses positions et renie aux autres le droit d'en faire de même. Au Maroc, nous sommes les dépositaires d'une Histoire très riche. Nos ancêtres, bien avant l'Islam, ont joué un rôle primordial dans la région. Juba, Juba II et même la Kahina, sont des figures historiques qui l'attestent. Ce rôle a été maintenu et accentué depuis les Idrissides, contrairement au discours d'une certaine élite, algérienne en particulier, il ne s'agit là aucunement d'un narcissisme historique, mais d'un enracinement identitaire, inscrit dans les gênes de la nation marocaine. Lyautey avait senti ce poids et a déclaré devant le parlement français : « Nous ne pouvons dominer indéfiniment cette nation pétrie d'Histoire ». C'est cette conviction, même non-exprimée, qui fonde le large consensus autour de l'intégrité territoriale, et le refus d'être réduit à une presqu'île assiégée. Cette tendance à la dévalorisation du patriotisme n'est pas uniquement le fait d'individus ou de cercles privés. Les pouvoirs publics y sont pour beaucoup. Les programmes de l'éducation nationale sont « épurés » d'une grande partie de notre Histoire, au mépris de la mémoire collective. Les valeurs du patriotisme ne sont ni enseignées ni valorisées au sein d'une école dont le rendement est de toute manière affligeant. Le résultat est qu'aujourd'hui tout intellectuel, tout journaliste qui se bat pour la souveraineté marocaine est traité de voix de son maître, à l'inverse de celui qui relaye la propagande de nos adversaires. On l'a vu lors de ce que l'on a appelé le Printemps arabe, ceux qui plaidaient la spécificité marocaine, ont été traînés dans la boue, avant que l'Histoire ne leur donne raison de la manière la plus magistrale. Défendre les intérêts de son pays, sa place dans le monde, sa stabilité est un devoir de citoyen. De la même manière que critiquer et s'organiser pour promouvoir ses opinions sont un droit inaliénable. La construction démocratique n'est possible, que si elle marche sur ces deux pieds.