Jamais deux sans trois Après les mises en garde du FMI et de la banque mondiale sur l'état des finances publiques, ce sont maintenant les marchés financiers qui alertent le Maroc sur sa situation. Le Maroc, en examen depuis 2011, vient d'être officiellement et sans surprise dégradé par Morgan Stanley Capital International Inc., un des chefs de file dans l'élaboration d'indices boursiers mondiaux, couvrant plus de 98% de l'univers des valeurs disponibles. En effet, l'examen annuel de la classification indicielle opérée fait état de l'exclusion du Maroc de l'indice des Marchés Emergents et sa nouvelle inclusion dans l'indice MSCI Frontier Market. Le concept de Marchés frontières ou marchés pré émergents a été employé pour la première fois en 1992 par l'International Finance Corporation (IFC) pour qualifier une sous-catégorie de pays émergents ayant un marché financier institutionnalisé et établi mais dont la capitalisation boursière et les liquidités sont relativement faibles. Si ces marchés présentent un potentiel indiscutable de croissance à long terme, ils affichent néanmoins une volatilité élevée, un risque accru et une efficience moins marquée des capitaux investis. Cette catégorie de pays a connu une performance remarquable depuis janvier 2013 (+14,35%), l'indice MSCI Frontier Market Africa a même surperformé l'indice global grâce à un bond de 25,08% contrastant avec les pertes accusées par le MSCI Emerging Markets qui a connu une chute globale de -10% en moyenne depuis le début d'année. Cette catégorie comprendra les pays suivants à partir de novembre 2013 : Ce nouveau classement permettra au Maroc de renforcer les rangs de ses 3 entités déjà cotées sur l'indice MSCI : Maroc Telecom, AttijariWafa bank et Addoha pour potentiellement inclure des valeurs admises à la cote au MSCI Frontier Markets comme la Banque Centrale Populaire, BMCE Bank, CIH, Alliances, la Compagnie Générale Immobilière et Managem. Notons que le Maroc figure, de par sa géographie, et dans l'indice Middle East North Africa et dans les indices africains et bénéficie ainsi de l'appétit des investisseurs pour ces classes d'actifs offrant davantage de return que les indices de pays développés. Parallèlement, les fonds indiciels cotés (ETF) connaissent un grand attrait de la part des investisseurs : 8,2 milliards USD d'actifs gérés en 1997 contre 1498,7 milliards USD en 2012. Le Maroc disposera d'un poids de 6,7% dans son nouvel indice et pourra bénéficier de cet engouement pour la gestion passive pour générer un placement immédiat de 200 millions USD affirme la Bourse de Casablanca dans son communiqué du 12 juin 2013. Cependant, le Maroc évoluera dorénavant dans la même sphère que des pays financièrement plus risqués dotés de capitalisations boursières très faibles comme le Ghana (3,5 milliards USD), le Botswana (4,6 milliards USD), la Slovénie (6,5 milliards USD) contre 51 milliards de dollars pour le Maroc. Cela entrainera inévitablement un effet psychologique négatif sur les investisseurs étrangers qui n'hésiteront pas à solder leurs positions sur le Maroc. Comparativement à sa nouvelle division, le Maroc présente une capitalisation boursière disproportionnée par rapport aux réserves de liquidités disponibles. En effet, si le Maroc est le 5e pays le plus important de l'indice Frontier Markets, il est néanmoins essentiel de noter qu'il figure en 17e position en terme de taux de réserves monétaires (4,06% en 2012). Ceci montre que même dans le cas où le Maroc dispose d'une meilleure visibilité auprès des investisseurs internationaux, (par choix rationnel et non par le biais technique de pondérations indicielles arbitraires), la manne de liquidité dont il bénéficiera sera réduite car les problèmes de sous liquidité du marché ne seront toujours pas résolus. Rappelons que le déficit de liquidité des banques s'élève aujourd'hui à environ 68 milliards de dirhams car le marché boursier marocain est fortement dominé par des investisseurs institutionnels beaucoup trop frileux (qui représentent 94% du volume total des achats au 1er trimestre 2013 selon le CDVM) et des ménages qui consomment 84% de leur revenu. Il paraît donc que les marges de manœuvre pour pallier ce déficit ne peuvent émaner que d'une volonté politique ferme afin d'inciter d'une part les entreprises à accroître la taille de leur flottant et d'autre part, d'instaurer rapidement des outils d'optimisation et de collecte de l'épargne des ménages. Quant à la vente à découvert, celle ci permettra de favoriser la liquidité du marché facilitant par là les opérations de couverture, mais à la seule condition d'être fermement surveillée par les autorités financières. En somme, si le Maroc ambitionne réellement de faire de sa place boursière un hub pour la finance régionale, il aura tout intérêt à prendre au sérieux les signaux d'alarmes tirés par la dégradation de son marché financier et les mises en garde du FMI et de la Banque Mondiale sur la gestion de ses finances publiques. Car ne l'oublions pas la capitalisation boursière ne peut être réellement dopée que par des perspectives alléchantes offertes par l'économie réelle