Journaliste, critique de cinéma. Le : 2009-01-07 Le Maroc a produit, en 2008, 14 longs-métrages et plus de 50 courts. Une bonne moyenne, si l'on tient compte du fait que notre pays est le seul en Afrique et dans le monde arabe à tenir tête à l'Egypte et à l'Afrique du sud. En terme de production. Il n'en est pas grand-chose quant à la qualité. Entendre ici niveau de créativité ou d'inventivité. «Whatever wants Lola» de Nabyl Ayouch, qui a remporté le Grand prix du festival national du film de Tanger, n'est qu'une piètre variation sur les films du genre, autour de l'ascension d'une apprentie danseuse américaine dans le pays des pharaons. Sa crédibilisation par le dialogue des cultures relève de la pure fantaisie. Mais Ayouch reste techniquement le meilleur au Maroc. «Kandisha» de Jérôme Cohen-Olivar qui a représenté le Maroc au festival international de Marrakech est aussi un appendice dans le genre fantastique autour d'une relecture de la légende de Kandisha. «Tu te souviens d'Adil» de Mohamed Zineddaine et «Amours voilées» de Aziz Salmi sont deux films d'une grande fraîcheur et qui tentent respectivement de dévoiler les chemins de l'extrémisme et du religieux. Sauf que le dénouement, dans l'un comme dans l'autre, révèle des défaillances énormes dans le traitement narratif. Dommage. «Number one» de Zakia Tahiri, qui fait un tabac dans les salles, est une bonne comédie. Il appelle le spectateur à moins de machisme. Rien de plus. Restent ces quatre films qui émergent du lot, chacun pour une raison propre. Il y a d'abord «Le temps des camarades», premier long-métrage de Chrif Tribek et qui a reçu le prix de la première uvre à Tanger. Il traite d'un point de vue cinématographique du conflit opposant laile gauchiste baasiste et l'aile islamiste dans le campus universitaire durant les années 80-90. Le conflit est certes traité frontalement, mais c'est à travers l'échec des rapports sentimentaux et personnels qu'on perçoit le disfonctionnement d'un discours idéologique estudiantin voué à la passion et au désenchantement. «Française» de Souad El Bouhati aurait pu soulever une controverse sur ses propriétés cinématographiques si certains comédiens impertinents n'avaient pas péché par trop de nationalisme. «Tamazight Oufella» de Mohamed Mernich, bien que très faible techniquement ce n'est pas une raison pour l'ignorer totalement-, est proche du cinéma-vérité. Il est basé sur une fable locale, montrant comment tout un village enclavé dans une montagne du sud-est est évacué de force vers la plaine. «CasaNegra» de Nour-Eddine Lakhmari, même s'il est faible en teneur dramaturgique, tire toute sa force de son esthétique de la cruauté de Casablanca et de sa déshumanisation. Le traitement de la lumière, l'aspect visuel et les références récurrentes à Jim Jarmush, à Martin Scorsese ou même à un Fritz Lang en font un film plus séduisant que trompe l'il. «Les cris de jeunes filles des hirondelles» de Moumen Smihi ressemble à son réalisateur. Metteur-en scène fragile, minoritaire, inscrivant ses films dans sa ville natale, Tanger, dans un territoire culturel de l'Après- indépendance et de ses contradictions. Reste enfin le court. Dix se démarquent et s'approchent du cinéma. Le court est devenu du cinéma à part entière. Pour preuve, il y a «Chant funèbre» de Mohamed Mouftakir qui a reçu le prix du meilleur du genre cette année. Ce film a la structure éclatée d'un rêve, le rêve d'un meurtre. Un film radical et radicalement cinématographique.